D’entrée de jeu, on est frappé par la tendresse et l’admiration qu’il lui porte. De celle qui vient d’interpréter magistralement sur scène La chute de Camus et va enchaîner le 17 mars sur une autre pièce (en arabe classique) Ophélie n’est pas morte, Nabyl Lahlou dit qu’elle est l’une des grandes actrices du monde. Avant de passer à des aveux plus passionnels.
Comment vous êtes-vous rencontrés ?
Je l’ai vue jouer dans une pièce de Giraudoux, l’année de son bac. J’avais un film en préparation à l’époque, L’âme qui brait et je cherchais l’actrice qui allait tenir le rôle principal. La prestation de Sophia m’a enthousiasmé et je lui ai laissé mes coordonnées. Elle n’a jamais rappelé. Cependant, un soir, dans la rue, j’ai entrevu sa silhouette gracile et ses longs cheveux. Tout de suite, j’ai pensé intérieurement : “Cette personne sera la femme de ma vie”. À l’époque, j’étais marié avec Evelyne, ma première épouse et j’ai joué la carte de la franchise avec cette dernière. En 1983, après mon divorce, Sophia est alors devenue ma femme.
Vous êtes donc tombé amoureux d’elle presqu’au premier regard ?
Il ne s’agit pas d’un simple coup de foudre éphémère entre nous. On a désiré lier nos existences, être unis par une sorte de pacte divin…
Depuis, Sophia est devenue votre actrice fétiche et a joué dans toutes vos pièces et films. N’est-ce pas compliqué de mélanger les genres ?
Nous baignons dans la passion du travail et la passion de l’amour. C’est une sorte de continuum qui régénère notre couple. La création est un moteur qui nous permet de passer nos plus beaux moments ensemble.
Vous l’admirez davantage en tant que femme ou en tant qu’actrice ?
Les deux pareillement. Comme compagne, elle est belle, tendre, lumineuse et si sage. Et son jeu d’actrice m’épate. Elle est capable d’emprunter tous les répertoires, d’investir complètement ses personnages, d’exceller aussi bien dans une interprétation en langue française qu’en darija ou en arabe classique. Je rappelle quand même qu’elle est un pur produit de la mission française.
Avez- vous des tempéraments opposés ?
Je reste un gamin même si j’ai les pieds sur terre et les méninges toujours prêtes à “flinguer” la médiocrité et la bêtise. Elle, c’est l’élément apaisant, le calme où je viens me ressourcer. Elle me rassure car je suis quelqu’un d’assez angoissé. Et sur le plan professionnel, elle joue un rôle de catalyseur pour ma création et soutient mon audace. Qui, à part elle, aurait accepté de se raser la tête pour vivre plus authentiquement son rôle dans une de mes pièces ?
Sa plus grande qualité ?
Elle est généreuse et serviable.
Vos scènes de ménage ont-elles un caractère théâtral ?
On ne se dispute pas vraiment, mais disons que je peux monter sur mes grands chevaux, être impulsif. Si je pars au quart de tour, elle reste stoïque, ce qui fait tout de suite redescendre la tension.
Quel est le plus beau compliment qu’elle vous ait fait ?
Tu es un fou, Nabyl! Ce qui est vrai, en somme…
Son péché mignon ?
La prière. J’ai donc un rival devant qui je ne peux que me prosterner avec joie. Mais tout en étant intensément spirituelle, Sophia reste résolument moderne dans son approche de la religion et très tolérante. Tous les deux, on adore fréquenter des gens différents qui nous enrichissent.
Qui fait rire l’autre ?
Après trente-quatre ans de mariage, je continue à la faire rire. Mais toute délicate et fine qu’elle est, parfois je pense la faire rire alors qu’elle esquisse un sourire pour me faire plaisir.
Quel genre de maman est-elle ?
J’en ai les larmes aux yeux. Une magnifique mère. Attachée viscéralement à ses enfants qu’elle a éduqués et suivis tout au long de leur scolarité, jusqu’à ce qu’ils obtiennent leur bac.
Quelles sont vos dates fétiches ensemble ?
Pour moi, le jour où elle est montée dans ma voiture, direction Fès pour participer au tournage de L’âme qui brait. Ce premier jour de tournage a scellé notre destin, faisant de nous deux êtres définitivement inséparables dans la vie comme sur scène ou à l’écran.
Quelle est la recette de longévité de votre couple ?
Nos trente-quatre ans de vie commune ont été jalonnés d’amour, d’amitié, de complicité, de liberté, de drôlerie. Chaque fois que le doute s’installe et risque de me faire chavirer, Sophia redresse la barre du bateau. J’espère juste que nous vivrons assez longtemps pour atteindre les soixante-dix ans de longévité, en gardant la capacité d’exercer notre métier d’artiste.
Qu’avez- vous envie de lui dire les yeux dans les yeux ?
Sophia a des yeux d’une beauté rare. Je le lui dis chaque fois que je la prends par les épaules pour regarder son beau visage et l’embrasser. Je l’aime.