FDM : Vous interprétez l’un des rôles principaux dans “La moitié du ciel”. Vous nous faites le pitch ?
Sonia Okacha : Ce film retrace une partie de la vie d’Abdellatif Laâbi et de sa femme, Jocelyne. Les événements se déroulent pendant les années 70, dites les “années de plomb”. À cette époque, Laâbi fait partie d’un groupe d’intellectuels qui défend des idées de démocratie, de libertés individuelles et d’expression. C’est avec Abraham Serfaty, un ami, qu’il décide de créer une revue, “Souffles”, laquelle se politise peu à peu. Cet élan de liberté est réprimé par le roi Hassan II, et une vague massive d’arrestations déferle alors, incluant celle d’Abdellatif. Sa femme, Jocelyne, se battra pendant plus de huit ans pour le faire libérer. Son combat est à l’image de celui de toutes celles qui ont sacrifié leur vie pour la libération de leurs proches.
Comment prépare-t-on un tel rôle ?
J’ai commencé par lire “La liqueur d’aloès”, de Jocelyne Laâbi. Un livre dans lequel elle revient sur son enfance, le début de sa relation avec Abdellatif, leurs idéaux, leur amour naïf et leur combat politique et militant. Puis, j’ai rencontré l’auteure à plusieurs reprises. Cela m’a permis d’avoir une idée plus précise de sa personnalité. J’ai découvert, par exemple, que son personnage a évolué dans le temps. En huit ans, elle a énormément changé. Plus jeune, elle n’était pas forcément militante. Mais les événements l’ont endurcie et lui ont permis de s’affirmer.
Quels sont vos autres projets ?
Parallèlement à ce long-métrage, j’ai eu la chance d’intégrer plusieurs productions américaines et anglaises. Un véritable challenge pour moi, car j’ai été amenée à jouer en anglais. Mais c’est très intéressant de travailler avec un staff étranger. On apprend beaucoup et c’est selon moi une bonne école et une expérience enrichissante.
De quoi le cinéma marocain a-t-il besoin pour atteindre les standards internationaux ?
Pour moi, la différence entre les productions nationales et internationales se ressent d’abord au niveau du budget, et donc, de la logistique. Les Américains et les Anglais ont un sens aigu de l’organisation. Leur industrie cinématographique est une grande machine où tout est anticipé au millimètre près. Les Marocains devraient en prendre de la graine ! Mais de manière générale, je pense que notre cinéma est en train d’évoluer. On commence à évoquer des sujets plus profonds, plus réels. On n’en est certes qu’au début, mais le savoir-faire est là.
Et le scénario… ?
Il est vrai que certains scénarios restent tout de même assez faibles. On ne s’aventure pas encore à raconter des histoires qui nous sont propres mais qui défendent, en même temps, des valeurs universelles. On est encore un peu complexés. On n’ose pas défendre nos idées et on a besoin de se cacher derrière des stéréotypes, de montrer un Maroc typique, même si cela n’est pas forcément nécessaire à l’histoire. Mais là aussi, il me semble que l’amélioration est palpable. Il y a de plus en plus de jeunes scénaristes et réalisateurs prometteurs.
L’art dramatique vous a toujours attirée, mais vous avez tout de même préféré faire des études de marketing…
Je pense que les métiers liés à l’art ne sont pas vraiment valorisés au Maroc, surtout lorsqu’on est jeune et incité par ses parents à faire un métier plus “académique”. Donc, comme beaucoup de gens, j’ai choisi la voie de la sagesse en optant pour le marketing. L’art dramatique m’a en effet toujours passionnée, mais je n’avais pas vraiment l’ambition d’en faire une carrière… jusqu’à ce que Nour-Eddine Lakhmari me propose un rôle dans “Zéro”. C’est à ce moment-là que j’ai fait le choix de mettre un terme à mes activités professionnelles dans la presse et le marketing, et de me consacrer au cinéma. Mais pour choisir l’art, il faut avoir la dent dure, car il est difficile d’en vivre au Maroc puisque nous sommes sous-payés, en comparaison aux standards internationaux.
Êtes-vous tentée par l’écriture ou la dramaturgie ?
Je suis en effet tentée par une expérience au théâtre. Je pense qu’il y a énormément de travail à faire à ce niveau. Au Maroc, la production est très faible et il n’y a pas suffisamment de pièces. À Paris, par exemple, on peut sortir au théâtre chaque soir ! J’ai donc envie de m’y essayer. D’ailleurs, j’ai entamé l’écriture d’un monologue inspiré de textes d’auteurs. Plus tard, j’aimerais aussi faire de la réalisation. Mais en attendant, j’ai besoin d’explorer le métier de comédien, car il me reste beaucoup de choses à découvrir…
Quelle est la femme de légende que vous aimeriez incarner à l’écran ?
J’adorerais interpréter des personnages historiques comme Marie-Antoinette ou même Madame Bovary. Pourquoi pas aussi jouer dans un film d’action et incarner Lara Croft, dans “Tomb Raider”, par exemple. Plus le personnage est aux antipodes de ma personnalité, plus il m’intéresse.
Vous êtes maman de deux petites filles, âgées de 8 et 2 ans. Comment faites-vous pour les faire garder quand vous êtes en tournage ?
Je m’organise comme je peux. Mes parents et mon mari m’aident énormément. Quand je suis appelée à me déplacer à l’étranger, je m’arrange pour que ça ne dépasse pas une semaine. Si je dois rester plus longtemps, je m’éclipse quelques jours pour venir voir ma famille, puis je repars travailler. Mais quand je suis en tournage au Maroc, je prends soin d’aménager mon emploi du temps de façon à dégager des moments pour préparer mes filles pour l’école, les récupérer en fin de journée, ou encore leur préparer un bon repas. Mais elles se sont habituées à ce rythme et comprennent très bien que leur maman doit aller travailler.
Votre fille aînée est-elle fière que sa maman soit actrice ?
Pour l’instant, elle est plutôt fière que sa mère fasse du cinéma. Elle est toute contente de me voir à la télévision ou dans un magazine. Parfois, quand on sort et que quelqu’un me demande de prendre une photo, elle s’étonne et me demande si je suis aussi connue qu’Angelina Jolie (rires).