Samia Orosemane Juste pour rire

Dans une vidéo qui a fait le buzz sur la Toile, Samia Orosemane demande aux djihadistes de changer de religion et de laisser les musulmans tranquilles. L’humoriste franco-tunisienne, jusque-là peu connue du grand public, a pourtant plusieurs tours dans son sac et ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de défendre ses convictions.

FDM : Votre vidéo a fait le tour du Web. Vous attendiez-vous à un tel engouement ?

Samia Orosemane : J’ai réalisé cette vidéo en octobre dernier, suite aux attentats terroristes qui ont ciblé un tribunal d’Ottawa, au Canada. Deux pseudo-djihadistes, qui venaient par hasard de se convertir à l’islam, avaient pris d’assaut le bâtiment et tiraient sur tout ce qui bouge. Ça m’a énervée d’apprendre qu’il s’agissait encore une fois de terroristes se revendiquant musulmans et j’ai décidé d’enregistrer cette vidéo en leur demandant de changer de religion et de nous laisser tranquilles. Je l’ai alors postée sur Facebook où elle a été vue près de 600.000 fois jusqu’à présent. À la suite des attentats contre Charlie Hebdo, je l’ai repartagée et j’ai été surprise, effectivement, de constater le buzz incroyable qu’elle a engendré.

En vous adressant à ces djihadistes, vous leur racontez à quel point la vie en Europe est difficile pour un musulman…

Depuis les attentats du 11 septembre, c’est en effet le cas. On ressent au quotidien une haine grandissante envers notre communauté, distillée en grande partie par les médias, qui donnent une image négative de l’islam. On ne parle que des crimes effroyables commis au nom de la religion. Or, je suis musulmane et je ne me reconnais absolument pas dans ça. Ici, en France, les gens se fient énormément aux apparences et font beaucoup d’amalgames. Parce que je porte le foulard, certains me regardent avec mépris ; quand ce n’est pas avec compassion, car ils croient que je suis une femme soumise obligée de porter le voile. Pas du tout ! Ce n’est qu’un bout de tissu et un choix religieux. J’ai l’impression qu’on est beaucoup plus tolérants avec les bonnes sœurs qu’avec les musulmanes !

Que pensez-vous des propos tenus par une journaliste politique française, qui a recommandé de “repérer, traiter, intégrer ou réintégrer dans la communauté nationale” ceux qui ne sont pas Charlie ?

Si ça devait être le cas, je serais la première sur la liste ! J’ai clairement exprimé mon opinion dans les médias, et j’ai dit que je ne me sentais absolument pas Charlie. Je suis solidaire du mouvement qui a été créé et triste pour les familles des victimes. Je condamne formellement ces actes de terrorisme. Je pense qu’il faut répondre à des dessins par des dessins, à de l’humour par de l’humour ; en tout cas jamais avec les armes. Mais je ne peux cautionner les publications de Charlie Hebdo qui, à mon sens, ont tendance à diviser plutôt qu’à rassembler. Concernant cette journaliste, je pense qu’elle devrait revoir sa notion de la liberté d’expression parce nous ne sommes pas des moutons et nous n’avons pas à nous conformer à ce que l’on nous demande. Ce n’est pas parce qu’on pense différemment qu’on doit être sanctionné ou “réintégré”. On doit m’accepter avec ma façon de penser, mes mots et mes différences.

Au final, est-ce qu’on peut rire de tout ?

“On peut rire de tout à condition d’être drôle”, disait Coluche. Et je suis d’accord avec lui. Dessiner le prophète dans une posture inappropriée, nu, à quatre pattes avec une étoile sur les parties génitales, ce n’est absolument pas drôle !

Est-ce que vous vous inspirez de votre double culture pour écrire vos sketchs ?

Bien sûr que je m’en inspire ! Dans mes vidéos et mes spectacles, je parle de l’éducation que j’ai reçue de parents traditionnalistes dans un pays qui leur faisait peur (la France, N.D.L.R.). Les gens y sont à la fois très ouverts et extrêmes dans leur façon de penser, ce qui était tout à fait nouveau pour eux. J’évoque forcément ce sujet parce que c’est quelque chose qui me parle et que je vis au quotidien. Je m’inspire aussi de ma vie, du port du voile (parce qu’avec un bout de tissu sur la tête, je rencontre des situations assez cocasses !), de la difficulté de ne pas avoir d’enfants et de la médisance qui, selon moi, fait partie intégrante de la culture maghrébine. Je parle aussi de ces gens, tous aussi différents les uns des autres, qu’on rencontre en France. J’aime aussi reprendre les accents maghrébin et subsaharien, puisque je parle des étrangers que je côtoie là où j’habite, en banlieue parisienne.

Quels sont les humoristes qui vous inspirent ?  

J’aimais beaucoup Gad Elmaleh à ses débuts, mais depuis qu’il a changé son discours pour toucher un plus large public, il me fait moins rire. J’apprécie également Hassan El Fad, avec qui j’ai eu l’occasion de jouer en 2012 lors d’une soirée au profit des enfants de rue à Rabat. C’est quelqu’un d’extraordinaire. J’ai aussi un petit faible pour Mohamed Fellag, car je trouve que son humour est assez pertinent. Sans oublier Coluche, évidemment. Je suis également sensible à quelques sketchs de Dieudonné, quand il ne devient pas méchant. En fait, j’aime les humoristes maghrébins car je m’y identifie, forcément, mais aussi les subsahariens comme Phil Darwin, qui m’a beaucoup inspirée lors de mes débuts et qui aujourd’hui, fait partie de mon univers; ou encore Tatiana Rojo, une Ivoirienne qui a une énergie et une pêche incroyables !

Que pensez-vous de la condition des femmes dans votre pays d’origine et au Maghreb, en général ?

Je pense que les femmes tunisiennes se portent mieux que dans d’autres pays arabes, grâce notamment à l’ex-président Bourguiba, qui a consacré une partie de ses actions politiques à améliorer les conditions de vie des femmes et à promouvoir l’égalité des sexes. La Tunisie est un état qui respecte la gent féminine et qui lui consacre une place importante au sein de la société. Je pense que ce n’est pas vraiment le cas en Algérie, où les femmes n’ont pas les mêmes chances. Par contre, je sais que les Marocaines réussissent  à obtenir de plus en plus de droits. En outre, il y en a beaucoup qui s’imposent et qui occupent des postes à responsabilité. Je constate que beaucoup de choses ont été mises en place, notamment en ce qui concerne la condition des mères célibataires.

Maintenant qu’on vous a découverte sur Internet, on aimerait vous voir sur scène. Des dates prévues ?

J’ai entamé une tournée en Afrique. Je reviens tout juste du Sénégal et de Tunisie, et il est prévu que je me produise au Festival international du rire d’Oujda, le 6 février prochain. Je participerai ensuite au Festival international du rire à Abidjan, en Côte d’Ivoire, avant de présenter mon spectacle au Cameroun, puis au Gabon. Sinon, il est aussi prévu que je joue au Liban et en France, où je cherche actuellement une salle à Paris pour recommencer à jouer au moins une fois par semaine.
 

Dans les méandres de la vie conjugale au Maroc, le consentement sexuel entre époux reste un sujet brûlant et souvent
Alors qu’aux États-Unis et en Europe, le féminisme 4.0, également connu sous le nom de cyberféminisme ou féminisme du hashtag,
Soumaya Mounsif Hajji est traductrice assermentée. À la veille de la réforme de la Moudawana, cette virulente militante dresse un
L’état des lieux des droits des femmes au Maroc révèle toujours des écarts flagrants entre les décisions politiques de la
31AA4644-E4CE-417B-B52E-B3424D3D8DF4