Procrastination sens interdit

Quand remettre à demain devient souffrance, il est plus que temps d'essayer de comprendre cette tendance à l'immobilisme, afin de mettre sur rails une stratégie qui permet de sortir de la spirale de la procrastination. Pistes de réflexion...

Le propre de la procrastination est de remettre les choses à plus tard. Mais qui n’a jamais remis à demain ce qui était à rendre pour hier ? On peut toujours montrer du doigt ceux et celles qui, sans cesse, repoussent les tâches à accomplir, quand on a le loisir de se laisser aller en paix et faire faire, le jour même, le travail par d’autres. On peut toujours critiquer les collègues qui grippent la machine et mettent tout le monde sous pression en ne s’acquittant pas à temps de leurs responsabilités, les traitant de vilains paresseux. Mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, un “procrastinateur” n’est pas un feignant qui s’ignore ou qui joue la comédie. Ce n’est pas non plus un aficionado de l’oisiveté qui ferait sienne la citation suivante : “ne rien faire n’est vraiment agréable que si l’on a beaucoup de travail !” Si la semaine du travailleur a sept jours et celle du paresseux sept demains, celle du “procrastinateur” a sept journées de tourmente et sept lendemains de souffrance. Une personne victime de procrastination ne remet pas à demain par “devoir de paresse dans un souci déclaré d’une esthétisation de son séjour terrestre”, pour paraphraser le philosophe Thierry Paquot. Ce n’est pas non plus un anxieux, car les gens soucieux sont souvent des champions de l’anticipation. Ils planifient à l’avance et ne s’entourent jamais d’assez de garanties pour fignoler aujourd’hui ce qu’ils doivent rendre dans trois mois. Le “procrastinateur”, lui, attend toujours la dernière minute, la 25ème heure, celle où il n’y a plus lieu de planifier parce que, de toutes les manières, il est déjà trop tard. Il n’est pas non plus un retardataire chronique, celui qui est fâché avec l’horloge du commun des mortels. Son problème, c’est qu’il n’arrive pas à se mettre à l’ouvrage; surtout si la créativité est prépondérante dans la tâche à accomplir. Car il est admis auprès des spécialistes que la procrastination est un mal qui touche plus les intellectuels que les manuels… L’angoisse de la page blanche, du concept à mettre au point est une espèce de loterie : soit on y arrive et c’est la délivrance jouissive ; soit ça rate, et la procrastination joue le rôle d’un mécanisme de défense ! On pourrait croire que ceux qui remettent sans cesse les choses au lendemain ont été pollués, contaminés par la mentalité ambiante qui glorifie les adeptes du minimum d’efforts, maximum de profits, faisant fi de toute notion de méritocratie. Que nenni. Mais alors, qui sont ces personnes victimes de procrastination ?

Le “procrastinateur”, cet inconnu !

Difficile de cerner le profil du vrai “procrastinateur ”. Souvent, il s’ignore luimême ! En tout cas, c’est ce que prétendent les spécialistes qui inventorient plusieurs candidats au phénomène. D’abord, le perfectionniste obsessionnel pour qui il y a toujours une amélioration possible à apporter. Il remet toujours à plus tard les tâches qui lui incombent pour ajouter la touche finale qui n’arrive jamais, car la perfection n’est pas de ce monde. Ensuite, le déprimé clinique qui est dans l’impossibilité de rassembler assez d’énergie, de vitalité pour s’y mettre. Les névrosés de l’échec sont aussi candidats à la procrastination. Ils remettent les choses dans l’espoir (inconscient ?) d’arriver à une situation extrême (avertissement, réprimande, voire perte d’emploi) qui leur fait du mal – on parle ici de cas pathologique – car ils jouissent de cette souffrance. Les “victimes” classiques demeurent incontestablement les personnes qui souffrent d’un déficit de confiance en soi. En repoussant toujours les choses, elles se voilent la face : ce n’est pas leur faute si le travail est incomplet ou imparfait. Si elles avaient disposé de plus de temps, elles auraient sûrement mieux fait leur travail! En “procrastinant”, elles évitent que les autres les jugent sur leurs vraies capacités.

Procrastination, l’autre visage de la souffrance.

D’après les spécialistes, les “procrastinateurs” purs et durs, les inactifs incapables de s’y mettre et qui n’ont d’autre choix que de remettre les choses au lendemain sont tout simplement des gens qui souffrent. La frustration leur colle aux baskets. Ils sont aussi compétents que vous et moi, mais ils traînent un blocage, totalement hermétique aux yeux de leur entourage : qu’est-ce qui empêcherait un humain normalement constitué, ne souffrant d’aucun handicap physique ou mental, parfois hautement diplômé, de faire ce pourquoi il est payé ? Interrogations qui rajoutent au désarroi du principal concerné. Pour pacifier les relations au bureau, qui peuvent devenir pénibles voire conflictuelles, il serait bon de garder à l’esprit que les “procrastinateurs” sont des personnes en souffrance. Ils peuvent être victimes de déprime, d’obsession, de névrose ou, plus prosaïquement, d’un manque maladif de confiance en soi. Certains traîneraient des dysfonctionnements psychologiques datant de leur petite enfance et chercheraient encore à attirer l’attention du père symbolique – le patron – en prenant du retard. Il ne faut pas oublier également que ces inactifs cultivent souvent un semblant de nonchalance qu’ils opposent à la face du monde, s’attirant souvent les foudres de leur entourage ; surtout celles des actifs, collègues ou parents. Une façon efficace de les aider serait de ne pas toujours passer au crible de nos valeurs leurs moindres faits et gestes.

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