Quand on est au coeur de la question féminine, à l’affût de chaque injustice commise à l’égard d’une femme ici ou ailleurs dans le monde, pour pouvoir en témoigner et de ce fait, informer et lutter, il arrive qu’on se demande pourquoi le monde arabe n’aime pas ses femmes. Il arrive qu’amèrement, on s’interroge… et que certaines questions demeurent, en fin de compte, sans réponse.
Pourquoi faut-il sans cesse se battre pour être considérée, reconnue, respectée, aussi bien dans le monde du travail, dans l’espace public que,trop souvent, dans la sphère privée ? Pourquoi toute cette énergie perdue alors que nous avons, nous aussi, les femmes, tant de choses à apporter et à construire ? Nous sommes l’origine de l’homme, mais peut-être aussi son avenir… Pour celles qui ne peuvent s’exprimer, car opprimées, prisonnières d’un homme que la loi protège, ou encore de tout un système aux yeux duquel elles n’existent pas, il en est d’autres qui manifestent, hurlent, écrivent… Autant de façons explosives ou discrètes de pousser son coup de gueule.
A chaque pays sa révolution féminine. En Arabie Saoudite, elle consiste à prendre le volant ; en Egypte, elle revient à poser nue sur la Toile, comme l’a fait cette étudiante de 20 ans ; au Maroc, à manifester contre des textes de lois qui peuvent pousser des femmes désespérées au suicide. En Europe, la nouvelle vague féministe s’exhibe nue, provoque et choque pour défendre des causes nécessaires et justes. C’est ce que vous découvrirez dans notre article consacré aux féministes de cette nouvelle génération, si différentes de Simone de Beauvoir ou de Simone Veil ! Les voix des femmes s’élèvent. La poétesse etécrivain libanaise Joumama Haddad, connue pour son engagement, en témoigne dans ce numéro en nous confiant qu’elle est “fermement convaincue que les femmes de tous les pays arabes peuvent accéder à une forme de liberté. La liberté commence dans la tête, dans la perspective qu’on a de soi.
Croire en nous nous confère une force capable de transformer plein de choses. Ce n’est pas une affirmation idéaliste ni rhétorique. Il est grand temps de prendre notre destin en main.” Grand temps effectivement que les femmes prennent conscience de leur responsabilité et de leur droit à la dignité et au respect. Grand temps que les hommes le comprennent et l’acceptent. N’est-il pas révoltant d’apprendre qu’au Caire, un wagon de métro est réservé aux femmes pour les protéger des mains baladeuses ; qu’en Arabie Saoudite, on construit actuellement une cité industrielle réservée uniquement à la gent féminine afin qu’elle puisse avoir accès au monde du travail sans côtoyer les hommes ? Jusqu’à quand le monde arabe continuera-t-il à évoluer en érigeant des barrières entre les hommes et les femmes afin que ces mondes demeurent parallèles, avec comme seul lien la peur et la méfiance ? Quand donc marcherons-nous ensemble main dans la main, en totale égalité ?