« Différent », un titre comme un message pour ce nouveau roman de l’écrivain My Seddik Rabbaj. Le choix du titre s’explique selon son auteur par le fait qu’il s’agit dans cet opus de deux histoires qui s’alternent et qui se développent en parallèle. «L’histoire d’un père qui appartient à une tribu de cavaliers aux alentours de Marrakech et celle de son fils qui se découvre des penchants inacceptables dans son milieu. Le père, qui commence à monter son cheval à peine adolescent et qui a fréquenté les filles encore jeune, va se trouver en face d’un enfant tout à fait différent de lui, un enfant qui déteste les équidés et ne s’imagine pas entre les bras d’une fille. La différence de cet enfant ne se limite pas dans la comparaison avec son géniteur, mais aussi avec les autres enfants de son âge qui le surnomment « Aziza » au lieu de l’appeler « Aziz », son vrai prénom», explique My Seddik Rabbaj. Selon ce romancier qui vit à Marrakech où il enseigne au sein de l’Institut Français, le titre du roman « Différent » traduit effectivement son contenu parce que tous les personnages s’enferment et se confinent dans «leurs différences et refusent de s’accepter les uns les autres. Ils oublient que lorsqu’on constate que l’autre est différent, on est aussi différent de lui».
Un lancinant cri du cœur
Investi d’une mission? De toute évidence, oui. Celle de plaider en faveur de la reconnaissance de la différence. Avec une écriture fluide, simple, profonde mais ferme, doublée d’une poéticité toujours insistante et structurée, My Seddik Rabbaj, bouscule bien les stéréotypes et aborde sans complaisance les thèmes de l’attachement à la terre, la fantasia, la différence, la liberté individuelle, l’acceptation de la dissemblance. «Beaucoup d’événements, beaucoup de violence qui sont passés dans ma ville comme ailleurs contre les Différents m’ont interpelé. Nous assistons, silencieux et passifs, à une sorte de discrimination. Je crois que parmi les rôles, voire les obligations de l’intellectuel, c’est de prendre position par rapport à ce qui se passe dans sa société. Rester un simple spectateur est une trahison, un désengagement envers les causes sociales», poursuit-il. «Différent» c’est aussi et surtout un lancinant cri du cœur. Il nous rappelle surtout que la différence existe même si on court le risque d’être blessé à vie. Cette soif d’affirmer sa différence confronte Aziz, l’efféminé à mille et une difficultés au quotidien : discrimination, rejet social … Il y a aussi cette pénible sensation de ne pas pouvoir penser sa différence, librement, sereinement. Brutalement, cette sensation d’empêchement, d’angoisse diffuse qui justement l’interdit d’être bien, libre de vivre, de choisir, de s’évader. « Aziz, complètement désarmé, se trouve dans l’obligation d’affronter le monde, de se métamorphoser pour s’adapter, d’aller contre ses principes et de faire profil bas afin de survivre, afin de ne pas tomber entre les mains des charognards», affirme l’écrivain.
Dans « Différent », My Seddik Rabbaj a donc mis en exergue l’intolérance et le refus d’accepter la dissemblance. Ce roman nous rappelle aussi qu’à l’instar d’un peuple en quête de lui-même, de son lieu, il nous faut parfois expérimenter des épreuves difficiles de remises en cause, de séparation, de transformation, de certitudes, pour bien trouver un espace de jeu, de liberté. Avec précision, il a réussi à nous bien parler de la différence et la nécessité de l’accepter. Avec des mots justes et des personnages attachants qui sont tout sauf résignés. À lire absolument!