L’amour, ce sentiment doux, puissant, ravageur, destructeur, sublimé par certains, maudit par d’autres, est le moteur qui régit nos vies, qui nous donne des ailes quand nos sentiments sont partagés, nous afflige de tristesse et de désespoir quand l’objet de notre ferveur, se montre froid et distant.
L’amour est au cœur de nos vies. À travers les différents cycles de celle-ci, il nous fait vibrer et nous donne envie de nous dépasser, de repousser nos limites. L’amour s’invite, en effet, dans nos vies dès l’enfance, et nous fait passer au fil des ans, des expériences et des rencontres par un arc-en-ciel de couleurs et de sensations. Euphorie, tristesse, fusion, abandon, réconciliation, retrouvailles…, autant de sentiments qui révèlent notre fragilité, nos forces, nos besoins et nos attentes, car sans amour, notre vie serait vide.
Dès la naissance, l’être humain naît avec ce besoin affectif si essentiel : l’attachement. Le psychanalyste anglais John Bowlby a développé une théorie de l’attachement qui fait toujours référence : celui-ci proviendrait d’une pulsion primaire. En effet, un bébé placé dans les bras de sa mère se love contre sa poitrine de façon réflexe. En retour se produit chez elle de façon programmée une montée de lait. C’est cette présence rassurante qui aide l’enfant à se construire, et lorsqu’elle fait défaut, ses répercussions peuvent être néfastes sur son développement. “Ce besoin d’une présence tendre, socle indispensable à l’édification de soi et à l’expression des désirs, l’adulte en garde la trace.” Cette citation du psychiatre Jean-Paul Mialet, auteur de “L’amour à l’épreuve du temps”, rappelle combien une présence tendre est importante, car elle est l’un des piliers de l’amour.
Nés pour aimer
En effet, nous sommes nés pour aimer. Programmés pour aimer et pour être aveuglés par l’amour. Les philosophes imputent cet état à notre raison même d’être : nous sommes sur terre pour procréer et assurer la pérennité de l’espèce humaine, et l’amour, dans ce sens n’est qu’une illusion qui permet de mieux assurer ce rôle. C’est presque la même idée développée par la neurobiologiste Lucy Vincent, auteur de “Comment devient-on amoureux” qui assure que “l’homme serait programmé pour aimer le temps de faire un enfant et de l’élever”. Ces théories puisent sûrement leur raison d’être dans l’histoire de l’humanité, mais ce qui est certain, c’est que nous ne pouvons pas nous passer d’amour. D’aimer et d’être aimé. “Être aimé, c’est se sentir justifié d’exister”, disait Sartre. On existe alors aux yeux de l’élu de son cœur pour redevenir, comme le relèvent les psy, l’enfant tout-puissant, celui sans qui le monde n’aurait pu être ce qu’il est.
La rencontre avec sa moitié n’est quasiment jamais le fruit du hasard. Pour aimer et être aimé, il faudra être libre dans son esprit, prêt à subir le choc amoureux. D’où l’idée que l’amour ne se développe pas par hasard. Notre inconscient sera, à un moment précis de notre vie, sensible à une gestuelle, à un son, un faciès, une odeur… “Au-delà de toute explication rationnelle, l’alchimie opère et touche au plus profond des émotions de chacun”, écrit le Dr Sylvain Mimoun dans “Sexe et Sentiments”. C’est le fameux “l’Innamoramento” (l’amour naissant) que l’on doit au sociologue italien Francesco Alberoni. “Nous devenons amoureux quand nous sommes prêts à nous transformer, à abandonner une expérience déjà faite et usée, lorsque nous avons l’élan vital nécessaire pour accomplir une nouvelle exploration, pour changer de vie”, écrit-il dans son best-seller “Le choc amoureux”.
Mais si nous sommes programmés pour aimer, il ne tient qu’à nous pour transformer cet essai en une victorieuse célébration de ce sentiment si doux, mais si exaltant.
Parler de l’amour alors que le monde va si mal n’est pas un paradoxe. C’est ce sentiment qui peut sauver le monde de l’intolérance meurtrière et de la déshumanité. À ce propos, une idée forte émerge dans le film de science-fiction, “Interstellar” selon laquelle l’amour est la dernière chose à laquelle on peut se raccrocher, une sorte de bouée de sauvetage émotionnelle lorsque tout va mal, et qu’il n’y a plus rien à faire.
Dans le cas présent, et au plus près de notre réalité, l’amour peut se décliner à l’infini. L’amour de son prochain, de sa famille et d’une façon plus générale, l’amour de l’Autre devrait être une finalité pour tout être humain. Car quand nous aimons, nous pardonnons, nous acceptons les différences, les points de vue opposés et même les visions qui remettent en question les nôtres. L’amour peut faire des miracles. Osons en parler dans nos familles. Que les mères et pères marocains osent des gestes tendres et affectueux envers leurs enfants, et prononcent ces trois mots magiques à leur adresse. En disant “je t’aime”, beaucoup de choses peuvent changer, et déjà et avant tout, les rapports au sein de la famille.
Aujourd’hui, la contagion nous rappelle, si besoin est, que nous sommes aussi bien mondialement que localement interconnectés et interdépendants. “La Covid-19 est une illustration, aussi dramatique soit-elle, du vivre-ensemble : nous sommes tous dans le même bateau.” Voguons alors vers les rivages sereins et salvateurs de l’amour.
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“J’ai aimé, donc j’ai vécu”
“Tous les hommes sont menteurs, inconstants, faux, bavards, hypocrites, orgueilleux et lâches, méprisables et sensuels ; toutes les femmes sont perfides, artificieuses, vaniteuses, curieuses et dépravées ; le monde n’est qu’un égout sans fond où les phoques les plus informes rampent et se tordent sur des montagnes de fange : mais il y a au monde une chose sainte et sublime, c’est l’union de deux de ces êtres si imparfaits et si affreux. On est souvent trompé en amour, souvent blessé et souvent malheureux, mais on aime, et quand on est sur le bord de sa tombe, on se retourne pour regarder en arrière, et on se dit : j’ai souffert souvent, je me suis trompé quelquefois, mais j’ai aimé. C’est moi qui ai vécu, et non pas un être factice créé par mon orgueil et mon ennui.”
Extrait de “On ne badine pas avec l’amour” d’Alfred de Musset.