Moudawana : Vers une nouvelle avancée juste et sociale

C’est un nouveau tournant historique qui se dessine pour la femme. Après le discours royal du 10 octobre 2003 et celui de l’annonce de la Constitution de 2011 prônant l’égalité homme-femme, le roi Mohammed VI a ouvert, à l’occasion de la fête du Trône, la voie à une révision de la Moudawana. Quels changements attendus ? Quels moyens mettre en œuvre ? Des expert(e)s sur les droits des femmes nous livrent leur analyse et leur vision.
Rabea Naciri

Rabéa Naciri, militante féministe et experte de la question du genre et des droits des femmes.

“Personnellement, depuis près de quatre décennies, j’ai été témoin parfois même partie prenante de l’histoire, difficile et tortueuse, du processus de réforme de la Moudawana. À ce titre, je suis en attente de réels changements portant enfin à l’inscription des deux principes constitutionnels relatifs à l’égalité homme-femme dans tous les domaines et à l’effectivité des droits et libertés reconnus aux citoyens et citoyennes. En d’autres termes, il s’agit de procéder à un examen minutieux de l’ensemble, sans exception aucune, des dispositions du Code de la famille avec une seule visée : rétablir l’égalité entre les hommes et les femmes et veiller à ce que les dispositions révisées soient à la fois justes, sans ambiguïté pouvant amener à des interprétations contraires à l’esprit de la réforme ou violer les deux principes susmentionnés. Le premier pas à enclencher dans ce sens consiste à se doter d’une volonté politique permettant de prendre en considération à la fois les aspirations des Marocaines à l’égalité et à la dignité en tant que droits humains partagés par l’ensemble de l’humanité ainsi que leurs contributions et apports à leur famille, à la société et au pays. Le deuxième pas se résume à lutter, à travers des moyens légaux coercitifs, contre l’impunité dont jouissent souvent les justiciables tout comme de nombreux acteurs chargés de l’application de la loi. Enfin le troisième acte important est la révision de la loi relative à l’APALD (l’Autorité pour la parité et la lutte contre toutes formes de discrimination ) et à sa mise en place afin de lui conférer, d’une manière explicite et formelle, le pouvoir et le mandat lui permettant d’assurer le suivi et le contrôle de la mise en œuvre de la réforme auprès de toutes les institutions et acteurs concernés. Eu égard à l’importance et aux ambitions d’une telle réforme, il s’agit, enfin, pour l’action publique de se doter de tous les moyens humains et financiers requis en vue de garantir son effectivité en termes de formation des acteurs concernés, de sensibilisation de l’opinion publique et de large vulgarisation des nouvelles dispositions.”

Fouzia Assouli

Fouzia Assouli, militante féministe et présidente d’honneur de la fédération des Ligues des droits des femmes (FLDF).

“Le discours prononcé par le Roi Mohammed VI lors de la fête du Trône vient  confirmer encore une fois le choix du modèle de société que le Maroc a adopté et la détermination de la haute autorité de l’État de veiller à sa mise en œuvre, une fois de plus le Roi ouvre la voie des réformes pour surpasser les blocages et avancer pour consacrer l’égalité  entre femme et homme, au niveau du Code de la famille, amenant inévitablement à une réforme de tout l’arsenal juridique comme l’a plaidé la Commission du Nouveau modèle de développement (NMD) afin de respecter l’égalité et les libertés individuelles.Il n’y a aucun doute sur le choix démocratique, citoyen et égalitaire souhaité. Au niveau national, cette volonté s’est notamment traduite par un pacte social, l’adoption de la Constitution de 2011 qui a consacré tout un chapitre aux droits et libertés regroupant des articles, en particulier le 19, prônant l’égalité homme-femme et interdisant toutes les formes de discrimination. À l’échelle internationale, le Royaume a, entre autres, adopté le Protocole facultatif, en rapport avec la Convention, sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. La ligne est claire. Aussi, il est désormais capital de mettre en évidence ces orientations en revenant sur toutes les dispositions  discriminatoires envers les femmes à l’instar du mariage des mineur(e)s, de la polygamie, du partage des biens accumulés après le mariage, de la question du droit successoral, sans oublier de se pencher sur les problèmes d’application de la Moudawana dont sont encore victimes les femmes… Le travail est important. Il doit être porté par les Oulémas, les instances du gouvernement et bien sûr, la société civile qui a toujours été présente, à travers, outre le changement apporté dans les textes, une sensibilisation accrue. Interrogeons-nous, ou plutôt interpelons les plus réfractaires, sur la nécessaire modification de certaines dispositions notamment la question sensible de l’héritage. Demandons-nous quel modèle de société perpétuer ? Comment répondre aux disparités sociales ?  Car aujourd’hui, la réalité, c’est que près de 20% des femmes sont Cheffes de famille. Personne ne les prend en charge, se retrouvant dans une précarité extrême. Où est la solidarité communautaire d’antan pour ces femmes ? La solidarité familiale pour elles ?…  II n’y a pas un seul islam mais des islams. Il n’y a pas une seule interprétation mais des interprétations selon les conditions, l’histoire et l’évolution d’un pays. Il est de notre devoir de veiller à la justice dans sa globalité. Sans aucune discrimination de genre ni religieuse. Le Maroc est une terre d’accueil, ouverte, dans lequel, évoluent des citoyen(ne)s de différentes communautés portant des croyances différentes de la nôtre. Encore plus aujourd’hui, des mariages mixtes sont célébrés. Il est ainsi de notre devoir de n’oublier personne dans la réforme de la nouvelle Moudawana.
L’égalité entre les hommes et les femmes n’a pas de religion !”

Me Ammoumou

Zahia Ammoumou, avocate au barreau de Casablanca, consultante juridique et membre de l’Association Tahadi pour l’Égalité et la Citoyenneté.

“Le discours du Roi Mohammed VI prononcé à l’occasion de la fête du Trône m’a fait revenir 19 ans en arrière. Le 10 octobre 2003, le Souverain avait fixé les grandes lignes pour une refonte de la Moudawana. Le 30 juillet dernier, SM a ouvert la voie à une nouvelle révision du Code de la famille. Car certaines dispositions sont obsolètes, non-conformes avec la Constitution de 2011 prônant l’égalité homme-femme ainsi qu’aux conventions internationales ratifiées par le Maroc, alors que d’autres sont mal appliquées voire détournées de leur essence. Dans le texte en devenir et en pratique, trois fondamentaux devront être strictement respectés, à savoir la pleine jouissance des droits légitimes et la dignité de la femme, les droits et l’intérêt suprême de l’enfant, ainsi que la stabilité de la famille. Ainsi, il faut abolir les articles 20 et 21 qui donnent au juge un large pouvoir d’appréciation, accordant ou non l’autorisation des mariages des mineur(es). Une dérogation qui lui a, au final, donné trop de libertés dans l’interprétation de l’exception. Résultats : les mariages de mineurs existent toujours et atteignent un taux honteux… Rappelons que c’est une violence et un viol à l’égard des enfants ! Autres dispositions à rectifier dans une logique égalitaire : tous les articles concernant la tutelle. Car dans l’actuel Moudawana, le père est le tuteur légal et la mère, la gardienne de l’enfant. En d’autres termes, la maman est emprisonnée par ces dispositions et ne peut faire aucune démarche administrative sans l’autorisation du père comme un certificat de départ permettant un changement d’école ou une sortie de territoire, alors que l’article 4 stipule, pourtant, que la responsabilité de la famille est sous l’autorité du couple… Il faut être clair et mentionner, noir sur blanc, une tutelle partagée. Il faut également bannir l’article 173 de la Moudawana qui donne la possibilité au père de faire retirer la garde de l’enfant à la mère si celle-ci se remarie. Une déchéance de la garde qui ne s’applique pas aux pères divorcés qui se remarient. Il faut également s’arrêter sur l’article 49 concernant le partage des biens. Les mouvements féministes ont toujours plaidé pour la rémunération du travail domestique car une femme divorcée, après 35 ans de mariage, se retrouve avec des miettes. Car même si selon la Moudawana, le juge doit prendre en considération pour le partage “le travail de chacun des conjoints, les efforts qu’il a fournis et les charges qu’il a assumées pour fructifier les biens de la famille”, il lui attribue très souvent une indemnité forfaitaire ridicule… Il est ainsi crucial que le travail domestique soit enfin rémunéré pour être justement reconnu lors d’un divorce. En plus de modifier avec force ces textes de loi, il faut également faire un travail conséquent auprès des juges en termes de formation notamment de sensibilisation accrue sur les conventions internationales, les droits des femmes et ceux des enfants. Le Maroc a également besoin de juges modernes qui prendront les bonnes décisions, non pas d’un point de vue patriarcal mais humain. Car les hommes et les femmes sont constitutionnellement égaux !”

Youssef-Chehbi

Youssef Chehbi, avocat au barreau de Casablanca.

“La réforme de la Moudawana en 2004 a été une avancée majeure. Depuis, la société a largement évolué, démontrant les limites de ce texte. À mon avis, un changement progressif, par palier,  du Code de la famille serait le mieux approprié. Alors par quoi démarrer ? Pour moi, la Moudawana répond surtout à une question de gestion du divorce que ce soit en termes financier ou émotionnel. Aussi, il est primordial de modifier, pour l’intérêt de l’enfant, deux injustices qui sont la garde et le droit de visite. Une mère divorcée qui se remarie est aujourd’hui légalement déchue de sa garde alors qu’un père, dans la même situation, ne l’est pas. C’est une inégalité criante qu’il faut absolument bannir. Autre lacune : le droit de visite qui se traduit par un moment très court, d’une demi-journée par semaine, le dimanche de 10h à 15h, entre, en général, le père et ses enfants. Croyez-vous vraiment que des liens peuvent se tisser ? Un père investi dans son rôle ainsi que ses enfants sont ainsi pris en otage. C’est inhumain. Quant au père démissionnaire, il le sera d’autant plus. Le droit de visite du père doit être une obligation qui peut être sanctionné financièrement. S’agissant de l’aspect financier du divorce à savoir la pension alimentaire, il est aujourd’hui à la charge du père alors qu’il faudrait, au contraire, regarder le portefeuille global du ménage dans l’intérêt de l’enfant afin que ce dernier ait “à peu près” la même vie que lorsque ses parents étaient ensemble.”

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