Meryem Bakir

La réalisatrice franco-marocaine Meryem Bakir vient de signer son tout premier longmétrage. "Agadir Bombay", en salles ce mois-ci, est une comédie engagée qui traite de la prostitution infantile. Retour sur un film au thème brûlant.

FDM : Quel thème abordez-vous dans votre film ?

Meryem Bakir : Le film traite de la prostitution en général et de la prostitution infantile en particulier. L’écriture du scénario était longue car j’avais très envie qu’on s’identifie fortement aux personnages. L’objectif est que le spectateur puisse rentrer dans l’histoire et l’accepter, même si elle traite d’un sujet aussi glauque. Le film raconte l’histoire d’Imane, une adolescente qui habite Taroudant où elle étouffe car tout y est ringard : la ville, ses parents, les voisins… Elle n’arrête pas de fantasmer sur Agadir qu’elle va finalement avoir l’occasion de visiter avec une voisine. C’est un film qui se passe sur 24 heures. On prend la petite au réveil alors que tout va mal : c’est un jour de fête dans sa famille et pourtant il ne lui arrive que des déboires, ce qui finit par la dégoûter de tout son entourage et  davantage encore de Taroudant. Par un concours de circonstances, elle va se consoler auprès de Leila, interprétée par Noufissa Benchahida, qui travaille comme nourrice à Agadir. Celle-ci va l’emmener faire un tour dans la ville de ses rêves et c’est le début d’un voyage initiatique pour Imane. Après une visite des coins touristiques, elles retrouvent Rachid, le fiancé de Leila (interprété par Driss Roukh). C’est à ce moment là que le destin de la petite va basculer car elle sera confrontée à une réalité insoupçonnée qui changera sa vision du monde qui l’entoure.

Pourquoi le choix de ce thème en particulier ?

Tout le monde sait que la prostitution existe. Mais le fait est qu’on est dans une société qui reste assez pudique. Il faut donc une certaine manière de faire passer le message sans heurter les sensibilités. Pour que le film soit accessible et recevable, je l’ai fait sous forme de comédie. Ce n’est pas un film où l’on rit du début à la fin, mais pour que mon message puisse être reçu, j’avais besoin que les gens rentrent dans l’histoire le plus simplement. Pour qu’au moment où les choses seraient dites, qu’elles ne soient pas rejetées en bloc. J’espère plutôt qu’elles seront reçues avec une certaine émotion.

Peut-on dire qu’il s’agit d’un film engagé ?

Absolument ! C’est en fait une comédie engagée. Pour moi encore une fois, le but du film est d’abord le divertissement. C’est une politesse qu’on doit aux spectateurs qui viendront le regarder. Mais  audelà de la politesse, c’est surtout une certaine vérité sur laquelle on veut lever le voile. Je ne peux pas faire un film pour ne rien dire. Il y a certainement un engagement, mais dans une certaine objectivité et dans le respect de l’intelligence du spectateur. C’est toujours délicat quand on veut dénoncer une situation puisqu’il ne faut pas se positionner en donneur de leçons. Le message essentiel est finalement l’espoir. Tout le monde peut se tromper dans la vie. Mais ce n’est pas la fin du monde pour autant.

Le film traite-t-il du phénomène des pédophiles étrangers ?

La question s’est posée au moment de l’écriture du scénario. Mais je vous avoue que je trouvais trop facile de dire que les étrangers sont à l’origine du problème de l’exploitation sexuelle des enfants. Je pense qu’il y a autant d’abus de l’intérieur que de l’extérieur. Si on commence par rejeter la faute sur les autres, qui ne sont pas moins excusables par ailleurs, on n’en viendra pas à bout. La prostitution et la pédophilie sont des phénomènes qu’on retrouve au sein même de nos familles. Il y a tellement de souffrances qui sont tues, cachées, terrées… J’ai finalement décidé de poser le problème de l’intérieur en imaginant une trame marocaine. C’est ma façon citoyenne de dénoncer une situation qui me dérange.

“C’est Toujours Délicat Quand on Veut  Dénoncer Une Situation de ne pas se Positionner en Donneur de Leçons”

Etait-ce facile de convaincre les parents de la petite Siham de jouer ce rôle ?

Le casting s’est fait à Taroudant. Plusieurs filles se sont présentées et à chaque fois, on demandait l’avis des parents. Il y en a d’ailleurs qui ont refusé à cause du rôle. Quand Siham s’est présentée, elle correspondait au profil que je recherchais. Je suis ensuite allée voir ses parents et je leur ai raconté l’histoire du film. J’ai aussi bien précisé que ça se ferait dans le respect de la personnalité de leur fille. Au-delà de l’histoire du film, je ne pouvais pas me permettre de violenter cette enfant. Les parents ont été formidables et aussi d’une grande intelligence en disant qu’ils faisaient bien la part des choses. Leur seule condition était que l’expérience ne perturbe pas la scolarité de Siham.

“Agadir Bombay” a été primé au Festival de Tanger.

Le festival de Tanger était un test formidable pour “Agadir Bombay”. Je n’avais pas très envie d’y participer parce que je n’avais encore que la version bêta du film. Mais j’ai finalement saisi l’occasion de le présenter au public puisque ça faisait un bon moment déjà qu’on travaillait dessus. Je voulais surtout voir s’il allait avoir un impact particulier sur le public ainsi que sur les critiques. Le film a eu le prix d’interprétation  pour l’excellente prestation  de Noufissa Benchahida.

Qu’est-ce qui vous a décidée à tourner ce film au Maroc ?

Je suis née en France mais j’ai de très fortes attaches ici. La première envie en faisant ce film “Agadir Bombay” était de parler de la ville de Taroudant que j’aime particulièrement, et de montrer tout ce Maroc qu’on ne voit pas souvent. Au début, je n’ai jamais pensé tourner des films ici. Mais il se trouve que dans mon parcours, il y a eu à un certain moment une émulation avec d’autres réalisateurs pour initier des projets au Maroc. A la même époque, en France, des productions me proposaient l’écriture de scénarios avec une représentation du Maroc qui me gênait. C’est ce qui m’a décidée à faire des films au Maroc, pour montrer tout simplement cette image qu’on ignore.

Que pensez-vous de l’affaire Luc Ferry ?

Il serait désolant pour un Etat de droit comme la France que cette affaire se révèle vraie. Que de hauts responsables politiques se soient tus là-dessus serait pour moi une très grande déception. Par contre, le fait que l’association “Touche pas à mon enfant” ait très vite réagi est plus que courageux. En tout cas, j’espère que la vérité éclatera bientôt. Mais encore une fois, l’essentiel est de ne pas se voiler la face car l’affaire Luc Ferry est révélatrice d’un phénomène que personne n’ignore au Maroc. â– 

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