Il est temps d’arrêter de fumer… Cette petite phrase qui me trotte dans l’esprit depuis des années ne trouve pourtant aucun écho dès qu’il s’agit de passer à l’acte proprement dit. Pourtant, de plus en plus dégoûtée par cette forme d’esclavage moderne qui nuit à la santé, sent mauvais et ruine le portemonnaie, j’avais déjà réduit ma consommation depuis près de deux mois. Rendue à six ou sept cigarettes par jour par le seul exercice de la volonté, je désiraistout de même mieux faire. En tombant par hasard sur une page Facebook invitant à une rencontre anti-tabac autour de l’hypnose, j’ai décidé de contacter la psychothérapeute, Frédérique Chataignier, venue dispenser des formations au Maroc. Convaincue que mon lien avec la petite « cancérette » dépassait la simple addiction physique, j’étais prête à essayer la méthode pour tenter de rompre les associations mentales malfaisantes : cigarette = plaisir = réconfort = béquille = concentration. Chiche que j’allais me remettre à respirer de l’air pur, en lieu et place de la fumée nauséabonde !
Séance d’échauffement
Jour J. J’arrive… moitié enthousiasmée, moitié dubitative. Avec Frédérique, on commence par aborder mes antécédents de fumeuse, toutes les mauvaises raisons qui m’ont empêchée de stopper, ainsi que mon rapport émotionnel au tabac. Puis, ma « sauveuse » m’explique le fonctionnement de la séance et du principe de l’hypnose. Alors, évidemment, comme tout le monde, je regorge de faux préjugés sur cette discipline du style : “on va m’endormir”, “me faire commettre des actes en dehors de ma volonté”, etc. Or, l’hypnose est au contraire un état d’hyper-éveil, installé par le thérapeute. Les sens sont actifs et l’inconscient est réceptif au possible. Dans le même temps et de manière consciente, on prend également part au processus. Bref, il semblerait qu’on soit à la fois ici et ailleurs… A travers nos échanges, j’intègre aussi que c’est au patient d’être responsabilisé par rapport à la suite des événements. Car si la technique d’auto-hypnose guidée donne à l’inconscient les bonnes clés de la réussite, il ne s’agit pas pour autant d’éteindre un interrupteur à l’aide d’une baguette magique… On doit au contraire aller chercher au fond de soi les ressources nécessaires pour apporter d’autres réponses, en dehors de la cigarette, au moindre élément déstabilisant tel que le stress, par exemple.
Après cette première étape dite d’hypnose conversationnelle, Frédérique me fait passer des tests de réceptivité, histoire d’opérer une première connexion avec mon inconscient et de choisir l’induction qui me conviendra le mieux. Je me soumets au test de la catalepsie du bras : suspendu en l’air, il retombe lourdement le long du corps…
Flotter entre ciel et terre…
La séance d’hypnose se déroule en plusieurs étapes et Frédérique commence par la détente segmentaire du corps, de la tête aux pieds, dans le but de me mener vers cet état de relaxation profonde qui va favoriser la transe hypnotique. Au chiffre 3, je ferme les yeux et dois me concentrer aussi bien sur les bruits extérieurs (rue, klaxons…) qu’intérieurs (battements de mon coeur). Pour propager une onde de communication favorable entre le corps et l’esprit, on doit sentir ses membres s’alourdir un à un, respirer et atteindre cet état de grand calme, aux frontières du sommeil. Pendant que mes muscles se relâchent progressivement, la voix de Frédérique me berce et active mon imagination ; y imprimant des images de la nature, avec ses couleurs, sa verdure, ses forêts, le son des oiseaux, le bruit des cascades, l’odeur des fleurs… Elle travaille sur mon inconscient en faisant appel au pouvoir régénérant de l’eau qui purifie de l’intérieur. Puis, brutalement, au milieu de toute cette saine communion avec Dame Nature, la cigarette fait irruption dans le décor. La voix de ma thérapeute prend une intonation désagréable : “Vous l’approchez de votre bouche et tout ce bien-être ambiant disparaît ; des sensations désagréables voient le jour : nausée, bouche pâteuse, goût horrible, souffle court… Vous prenez conscience de ce que vous avez perdu !” Je suis tellement dans mon cinéma intérieur que, lorsqu’elleme fait jeter (virtuellement) la cigarette pour me reconnecter à ce paradis perdu, j’adhère complètement !
Métaphores et suggestibilité
Vient ensuite la métaphore de l’arbre majestueux qui représente la confiance en soi. Je deviens cet arbre fort, puissant, indémontable, que rien ne fera infléchir et qui a pris la décision irrévocable d’arrêter de fumer. Frédérique me parle aussi de sentiment de fierté, lorsque je me retourne et observe une prison aux murs hauts qui continue de retenir les pauvres hères, toujours esclaves de la cigarette. Alors que moi, je suis en train d’ouvrir mes chaînes… Pour activer ma libération (j’ai l’impression d’être otage au Mali !), elle me demande de me représenter un mentor, de façon à restituer sa présence et son énergie, chaque fois qu’il sera nécessaire de faire appel à cette ressource. Elle me fait ensuite visualiser mon objectif : arrêter d’absorber ce qui n’est au fond qu’un poison toxique, sous prétexte qu’on lui trouve bon goût. Pour cela, je suis projetée dans un “après” revivifiant, avec mes poumons qui travaillent mieux, une saine fatigue après le sport, un pas vers la liberté qui s’amplifie à chaque respiration, l’eau qui lave les toxines accumulées… S’opère aussi un retour vers le passé, à la période de l’enfance, dans un état de nonfumeuse bienheureuse. Enfin, Frédérique demande à la partie de mon inconscient, responsable de la mauvaise habitude, de garder l’intention positive de l’acte (ex : relaxation) et d’y associer de nouvelles solutions (ex : sport, lecture, chewing-gum). Elle entend ainsi casser les automatismes et les apprentissages passés, en implantant de nouveaux mécanismes. Je sors de la séance, un peu sonnée, détendue et cotonneuse au possible…
De J+1 à J+7 après la séance
Je ne suis pas sûre qu’une seule séance me suffira, car quelques velléités de refumer se manifestent le soir ; mais je résiste. Néanmoins, Frédérique m’a prévenue : il ne faut pas craquer, surtout dans les trois premiers jours. De plus, le petit réseau blanc ne remplace le noir dans l’inconscient qu’environ 21 jours plus tard. A J+2, je craque pour une cigarette et me réécoute, motivée, le CD de la séquence d’auto-hypnose enregistrée. Deux jours plus tard, même scénario… Même si j’ai progressé, je ne suis pas encore au bout de mes peines. Mais je sens que je me dégage peu à peu de l’étau. La délivrance est proche !