Une batterie de petits complexes :
Le paraître : Précautionneuse et inquiète, on choisit toujours le parti d’éteindre la lumière avant de se livrer à des ébats grandioses. Définitivement incommodée par ses fesses en goutte d’huile, à la texture cartonnée, on les soustrait au voyeurisme indiscret de doux chéri, en vissant son postérieur au matelas. Hors de question aussi de le chevaucher en amazone, au risque qu’il ne s’aperçoive que nos seins, complètement avachis, oscillent au gré de la loi de la gravité. Et jamais, ô grand jamais, le quidam n’a eu l’autorisation de déposer un baiser dans des petits creux anatomiques où les rigoles de sueur induisent une odeur âcre et vinaigrée… Evidemment, la liste des interdits sensuels ne fait que s’allonger avec le temps. Et si Nounours en rut ne comprend pas pourquoi on abrège les préliminaires et refuse certaines positions, pour notre part, nous rêvons de faire l’amour, revêtue d’une gaine aplatisseuse de bedon ou de collants masqueurs de cellulite !
L’être : On n’assume ni nos rondeurs débordantes, ni nos petits défauts physiques ; et, de fait, pour nous, l’acte sexuel réussi se confond avec l’exhibition d’un corps esthétiquement parfait, seul capable de susciter le désir chez le partenaire. On pense donc, à tort, qu’il est indispensable d’avoir la plastique irréprochable d’une Adriana Karembeu pour entreprendre des folies au lit. Impensable de se laisser aller au plaisir, quand on appréhende très fort une caresse manuelle de doux chéri sur la chair de poule de ses mollets !
Le point d’harmonie à trouver : Qu’on se le dise : nuls régime draconien, gymnastique intensive ou cure de Cellu M6 ne parviendront jamais à réparer une mauvaise image corporelle. Pour ne pas traîner des casseroles de complexes, il convient de poser un regard indulgent sur soi. D’autant que Doudou excité fait rarement dans le détail, devant la photo de “qu’est-ce qu’il va manger”. Il salive davantage sur vos capacités de strip-teaseuse maison et votre liberté avec l’exhibitionnisme que sur trois poils moches qui dépassent du maillot. Surtout qu’il aurait beau jeu de se plaindre, avec ses biceps atrophiés qui ne l’empêchent pas se faire aimer de vous. CQFD.
“Pour améliorer votre estime intérieure, il s’agit de sortir rapidement de cette spirale de femme réceptacle de plaisir masculin.”
La simulation :
Le paraître : A 22h pile, trois fois par semaine, après le journal télévisé, comme un sac de pommes de terre, vous vous faites secouer dans tous les sens, en exhalant des petits gémissements d’assentiment feints, avant de conclure rapidement par un orgasme tonitruant qui en réveille les voisins. En réalité, c’est juste pour précipiter le sien, à lui, de plaisir ; afin que ses 90 kilos se dépêchent de rouler sur le côté et qu’il plonge enfin dans un sommeil post-coïtal bienfaiteur qui vous libère de la corvée. Cette figure imposée de devoir conjugal, cette partition à fausses notes, vous la jouez tellement automatiquement qu’elle est devenue l’incarnation du rapport sexuel avec votre conjoint. Entre les échelles extrêmes du plaisir et du dégoût, il n’y a donc plus qu’une palette diffuse de vagissements mensongers qui roulent à contresens du partage amoureux.
L’être : Dernièrement, au détour d’une conversation coquine avec Rachida, votre copine, au food court du Morroco Mall, vous êtes tombées d’accord pour dire que, pour qu’un homme n’aille pas voir ailleurs, il faut lui offrir son tribut de plaisir ; quitte à tricher avec son propre manque d’enthousiasme pour la bagatelle. Epuisée par la double journée, l’esprit encombré par des parasites en tous genres, votre libido a déclaré forfait depuis longtemps ; et la chair qui simule unilatéralement vous semble plus rassurante que la chair qui fraternise sans contrefaçon !
Le point d’harmonie à trouver : Déjà, pour améliorer votre niveau d’estime intérieure, il s’agit de sortir rapidement de cette spirale de femme has been, réceptacle de plaisir masculin. Car cette compromission de surface finit par générer frustrations et non-dits, et ce, y compris dans le quotidien. Alors on oriente les ébats (et le débat) vers la qualité plutôt que la quantité, en devenant une refuznik alternative qui reporte le programme de réjouissances aux plages vides du weekend ou aux siestes crapuleuses sous la couette. Pour “réveiller” son corps et son plaisir, il s’agit aussi de laisser son partenaire le réinvestir par des caresses, des baisers et des longs préliminaires… Histoire de tomber par hasard sur le point G original !
Sainte Nitouche :
Le paraître : La vierge effarouchée cache son sexe avec ses mains, jure tous ses grands dieux qu’elle n’a eu que 0,5 mec dans sa vie passée, ignore tout des joies de la cravate espagnole et de la levrette, prend un air effaré quand doux chéri réclame sa gâterie, etc. Bref, elle est persuadée qu’en forçant le trait sur sa candeur supposée, Mahmoud, son mari de fraîche date, protecteur et moustachu comme un acteur turc, en sera tout aise. Ce dernier, instigateur de futures galipettes hot, est supposé initier son ingénue mutine qui se laissera guider… Quoique dans les limites de la bienséance possible. Résultat : un comportement hyperbasique et limite ennuyeux au lit ; certaines zones érogènes féminines passées sous silence, car découvertes antérieurement avec d’anciens partenaires effacés de la mémoire érotique ; de grandes réticences à mettre en oeuvre ses fantasmes perso, de peur des interprétations fallacieuses ; et enfin… une incapacité totale à le solliciter la première, en prenant les devants, parce que ça ne se fait pas !
L’être : Selon vous, une épouse respectable ne doit pas se faire prendre comme une “femme facile”. Pensez-vous ! Il risque de croire que… et de penser que… Dans le continent Arabie, les femmes sont sommées de faire l’impasse sur leurs expériences sexuelles passées, et de jouir avec retenue. Car une épouse “chaudasse” qui connaît par coeur ses tablettes du Kâma-Sûtra, pourrait y sacrifier sa réputation de madone et ne pas forcer le respect dans la vie. Et puis, si on va vers lui et qu’il nous rejette, c’est bientôt la honte cuisante qui nous mettra le feu, à l’intérieur des cuisses !
Le point d’harmonie à trouver : Beldoche jusqu’à la lie, ces atermoiements ne sont parfois que le fruit d’un manque de communication conjugale ou encore d’une éducation pleine de clichés. Pour pimenter sa sexualité et la rendre ludique, il faut sortir des artifices et des jeux de rôle qui la figent, être à l’aise avec ce qui fait mutuellement du bien aux deux : des crudités murmurées au creux de l’oreille à l’acrobatie improvisée sur la moquette de la chambre, on convie l’inspiration du moment et on relâche l’auto-contrôle !
“Se faire violence pour assouvir les penchants de l’autre n’est pas une marque d’amour, mais de soumission lâche”