Mustapha Ramid, notre ministre de la Justice, mesure-t-il l’impact de sa décision lorsqu’il dit envisager
de durcir les procédures de la kafala, et refuser la possibilité d’adopter à des couples non musulmans ? Doit-on rappeler que les mères célibataires, montrées du doigt par la société, condamnées par la justice, reniées par leur famille, sont au mieux recueillies par des associations ; et dans d’autres cas, contraintes d’abandonner leur enfant dans la rue pour des raisons financières et sociales que nous connaissons tous ? Doit-on rappeler que 30.000 enfants sont abandonnés au Maroc ? Il s’agit là des chiffres officiels, mais inutile de préciser que ceux qui n’ont pas de parents sont bien plus nombreux dans les rues, où on ne les recense pas, que dans les orphelinats.
Et que chaque jour, cette réalité nous gifle car, à chaque feu rouge, un enfant qui tend la main nous ramène à notre impuissance et à la passivité de l’Etat ? Qui pense au bien-être de ces enfants doublement abandonnés : par leurs parents puis par l’Etat ? Si ce dernier n’est pas capable de mettre en place les structures nécessaires pour accueillir les orphelins ; ou s’il juge secondaire de leur offrir un présent et un avenir décents, qu’il continue, au mieux, à ne rien faire. Mais en aucune manière, on ne peut tolérer qu’il complique la dernière chance qu’il leur reste : l’adoption. Et tout cela, une fois de plus, au nom de notre identité marocaine et musulmane qu’il faut, semble-t-il, sans cesse protéger. Cessez, politiciens, de vouloir la défendre envers et contre tout et d’avoir peur pour elle comme s’il s’agissait d’un enfant handicapé. Ne voyez-vous donc pas que chacun d’entre nous porte à sa manière, selon son vécu et sa sensibilité, cette richesse culturelle ; et qu’elle s’impose, naturellement, sans nous faire renoncer au reste du monde et au progrès pour autant ? Il vous revient de défendre la femme et l’enfant ; les minorités et les faibles. Vous avez dit “non” à la légalisation de l’avortement qui aurait été un premier pas pour contrer tous ces drames humains. Vous avez clos, avant même qu’il ne soit lancé, le débat sur la dépénalisation des rapports sexuels hors mariage qui pourrait faire en sorte que la sexualité cesse d’être un tabou, que chacun soit responsable de ses faits et gestes en connaissance de cause ; puisque cela serait allé de pairavec une sensibilisation générale des Marocains et Marocaines dès leur plus jeune âge, sur les moyens de se protéger des maladies mais aussi d’éviter des grossesses non désirées. Et voilà qu’aujourd’hui, vous durcissez les procédures de la kafala, sacrifiant, au nom de vos idéaux personnels, l’avenir de ces enfants.Jusqu’à quand, vous qui avez le pouvoir de changer les choses, aurez-vous pour principal souci de défendre votre perception de la moralité et de la religion aux dépens du développement, de l’égalité et de la dignité ?