De quel constat a jailli l’idée du film ?
Pascal Plisson :Tout est né d’une ren-contre avec des enfants au Kenya, un pays dans lequel j’ai vécu pendant des années. Un jour, alors que je faisais un repérage au nord du pays, près du Soudan, j’ai aperçu quatre jeunes guerriers, qui n’avaient ni boucliers, ni armes, mais seulement des cartables. L’un d’eux m’a abordé en sortant de son sac, très fier, une petite trousse, un crayon et quelques gommes. Il m’a expliqué qu’avec les autres membres de son clan, ils avaient décidé de ne plus mener une vie de guerriers, mais plu-tôt celle d’écoliers. Ils étaient attirés par le savoir et avaient envie de rejoindre les bancs de l’école. Je suis donc allé chez eux, le matin, à l’aube. Ils devaient marcher des heures pour rejoindre une petite école. Le fait qu’ils aient choisi la voie de la scolarisation m’a beau-coup étonné, c’est pour cela que j’ai décidé de raconter l’histoire d’enfants similaires.
Comment s’est déroulé le casting ?
Je fais des documentaires depuis une ving-taine d’années, j’ai donc des amis partout dans le monde. Quand j’ai eu cette idée, j’ai fait appel à mon réseau et j’ai demandé à toutes mes connaissances de me trouver des cas d’écoliers qui empruntent des chemins très compliqués pour aller à l’école. J’ai ob-tenu une cinquantaine de témoignages. Il a fallu en choisir quatre, car je voulais raconter des histoires profondes. J’ai donc sélectionné ceux dont les enfants et leurs parents étaient les plus motivés par la quête du savoir.
Quel est le cas qui vous a le plus touché ?
J’ai beaucoup aimé Zahira et ses copines, car je pense que ce qu’elles font dans la mon-tagne est incroyable. Et puis, elles ont des parents qui ont bien intégré l’importance d’aller à l’école. Ils les soutiennent, même si c’est loin d’être une mince affaire ! Jack-son, au Kenya, est fantastique également. Il parcourt des dizaines de kilomètres chaque jour avec sa petite sœur. Il y a aussi Samuel, dans un fauteuil roulant, avec ses deux frères ; et Carlos, en compagnie de sa petite sœur. Je les ai tous aimés à vrai dire !
Avez-vous passé du temps avec ces enfants ?
Bien sûr. J’ai passé pratiquement trois semaines avec chacun d’eux et sa famille avant de tourner. J’ai également parcouru le chemin de l’école avec eux des dizaines de fois, afin de les connaître par cœur. J’ai dormi chez eux, mangé avec eux. J’adore partager ces instants, car c’est l’essence du documentaire.
Les parents ont-ils facilement accepté le tournage ?
Les parents étaient très fiers qu’on s’inté-resse à eux, parce que ça leur a prouvé qu’ils avaient raison d’accepter que leurs enfants aillent à l’école. Ils nous ont d’ailleurs très bien accueillis.
Les enfants se sont-ils facilement adaptés aux caméras ?
Ils n’avaient jamais vu ce type de matériel auparavant. L’idée était qu’ils vivent norma-lement, sans que le volet technique n’inter-vienne. Tout ce que je leur ai demandé, c’est d’éviter de regarder la caméra. Je connaissais leur itinéraire par cœur et je m’arrangeais pour qu’ils soient le plus naturels possible. Si je les avais dirigés, jamais ils ne m’auraient donné un résultat aussi satisfaisant.
Au Kenya, quand un éléphant a surgi devant Jackson, sa fuite est tellement bien tournée qu’on a l’impression qu’elle a été mise en scène. Cette séquence était-elle orchestrée ?
Non, pas du tout. On a également été surpris. On est d’ailleurs partis en courant avec eux ! Dans cette séquence, il y a des images qui ont été tournées quand il marchait, puis pendant l’irruption de l’éléphant et enfin, quand il courait. On a uniquement fait un travail de montage. On a tourné avec plusieurs camé-ras, petit bout par petit bout. Ce jour-là, lors de la traversée de la forêt, le mastodonte a surgi de nulle part. Il était un peu loin. Il cas-sait des branches sur son passage et Jackson et sa sœur, lorsqu’ils l’ont entendu, ont eu très peur et ont illico pris la fuite.
Avez-vous été sollicité pour présenter le documentaire dans les écoles ?
Je viens de présenter le film devant 400 écoliers dans une école à Paris. D’ailleurs, beaucoup d’établissements sont en train de programmer des sorties cinéma pour que leurs élèves puissent le voir. Les profes-seurs adorent. Les enfants aussi. Après la projection, lors du débat, on me pose plein de questions sur le tournage et les enfants. Ça prouve que ça les fait réfléchir…