Vous êtes l’invité d’honneur de la 12ème édition du Casa Fashion Show. Quelle est, pour vous, la particularité de cet événement ?
C’est la diversité. J’ai vu 120 modèles défilés sous mes yeux qui sont l’œuvre de différentes personnes et sensibilités, c’est ce qui m’a beaucoup plu et est intéressant dans cet événement. Vous savez, chaque vêtement raconte une histoire muette qui vaut mieux que mille mots. Il ne faut pas oublier que nous sommes dans une époque de l’image, une époque qui se prépare pour le futur. Et le futur, c’est quoi ? L’intelligence artificielle qui va nous faciliter la vie et va nous permettre d’accéder à nos désirs. Les stylistes doivent aussi s’y plonger. Depuis plus de 20 ans, j’étudie avec une équipe resserrée l’avenir de la mode.
Comment voyez-vous alors l’avenir de la mode ?
J’ai toujours été intéressé d’avoir une approche technologique et contemporaine de ce matériau millénaire qui est aujourd’hui ancré dans notre inconscient collectif. Lorsque j’ai démarré dans les années 80, j’ai féminisé et sophistiqué ce cuir, en lui apportant de la couture, de la couleur, et du confort. La prochaine révolution que nous préparons, c’est d’avoir un cuir qui soit complètement éthique c’est-à-dire un cuir de synthèse, de culture et respectueux envers l’environnement et les animaux. Au vu de notre cahier des charges extrêmement élevées en termes de qualité et de processus, nos nouveaux produits, qui seront bien évidemment toujours de luxe, devraient être prêts à être commercialisés d’ici 5 ans.
Vous parliez d’histoire, mais laquelle avez-vous raconté lors du Casa Fashion Show ?
C’est l’histoire d’une femme qui, à travers le premier modèle, débarque à Casablanca. Et comme elle fait honneur au pays, elle porte une mini-jupe rouge avec des zips et un corsage en daim vert. Le tout pour rappeler le drapeau du Maroc. Ce haut est un clin d’œil aux années 80 mais modernisé : il est resserré à la taille et les épaules sont très larges. Puis la dernière pièce de ma collection qui comporte 10 tenues, est une robe de couleur vert et or regorgeant de zips puisque, dans le monde d’aujourd’hui, on ne cesse de zipper et de dézipper. Voici les deux pièces maîtresses de ma ligne, mais je vais vous parler d’une autre qui a également été présentée ce soir-là. C’est une pièce iconique : le top Massai qui est une pièce noire, un cuir monté sur de l’organza de soie. J’ai les toujours faite en top Massai mais je l’ai présenté en robe lors du Casa Fashion Show.
Le Maroc a-t-il une place particulière dans votre vie ?
Oui, car, lorsque j’étais enfant, j’y suis venu plusieurs fois avec mes parents. J’ai visité les villes impériales comme Rabat, Marrakech ou Ouarzazate où, comme j’en ai encore le souvenir, nous sommes arrivés par avion. Mon père était officier dans l’aviation et il portait un blouson de cuir qui est la raison pour laquelle j’aime tant cette matière. Depuis, je me rends souvent au Maroc. Quand je suis arrivée dernièrement à Casablanca, j’ai adoré les odeurs, l’ambiance unique et la générosité de la population qui prend le temps de vivre. Le Maroc est humain et solaire.
Quels conseils donneriez-vous à de jeunes créateurs ?
Je crois qu’il faut déjà avoir une solide formation universitaire ou dans la mode. On ne peut pas se lancer si on n’a pas un tel bagage. Par exemple, il faut étudier les différentes techniques de travail dans le coton, la soie ou encore le cuir. Il faut aussi vraiment avoir une idée maîtresse en tête à laquelle se tenir. Et il faut savoir que les anciens sont là pour accompagner ces débutants. J’en profite pour vous dire que s’il y a deux ou trois jeunes créateurs qui veulent faire un stage à Paris, nous serons ravis d’être les premiers à les recevoir afin qu’ils intègrent nos équipes ! Il faut envoyer les demandes à Ludovic via [email protected].
Vous avez une belle et grande carrière que beaucoup de monde vous envie. Quel est votre plus beau souvenir ?
C’est de faire ce que je ferai demain, à savoir continuer à créer et à m’entourer de spécialistes. Mais une phrase me touche également. C’est lorsque j’entends des personnes s’exclamaient : « Ah, je vous ai vu ce matin dans mon armoire ! ». Les gens qui ont acheté mes vêtements ne les jettent jamais, et cela, c’est mon plus beau souvenir !
Un regret ?
Que la vie passe… mais la vie m’a gâté donc je n’ai pas de regret.