Le fils de mon ex me manque

Une séparation entre adultes est déjà un séisme en soi, mais quand on laisse sur le carreau l’enfant de l’autre auquel on s’était viscéralement attaché, ça tourne au cauchemar émotionnel.

En général, lorsque les gens apprennent que j’ai deux divorces à mon actif, une expression mêlant apitoiement et compassion peut se lire dans leur regard. Les mauvaises langues doivent également penser que je ne peux être totalement blanche, que ma responsabilité est clairement engagée dans ces échecs conjugaux. Mais en vérité, ma situation de récidiviste ne me pèse pas tant que ça. J’ai une famille aimante et je suis désormais bien décidée à chercher le bonheur ailleurs que dans les bras d’un homme. Mon drame personnel aurait plutôt pour nom Adam, celui d’un enfant de huit ans qui n’est pas le mien, mais celui de mon second ex-mari.

Commençons par le commencement. De mon premier compagnon, j’ai eu une fille et avec lui, j’ai vécu la seule et unique grande passion de mon existence. Très jeunes à l’époque, notre amour n’aura pas résisté longtemps aux pressions exercées par la belle-famille et à nos deux tempéraments fougueux et très inflammables. Je suis donc retournée vivre chez mes parents, amèrement déçue d’avoir sacrifié mes études et ma jeunesse. J’ai malgré tout réussi à tourner la page, reportant toute mon affection sur la petite qui me comblait. J’ai aussi décroché un job dans une agence immobilière et recouvré mon petit équilibre personnel. Je n’étais pas contre l’idée de refaire ma vie, mais je n’étais pas non plus en quête éperdue d’un prétendant. 

Quand ma fille a eu douze ans, une opportunité s’est présentée via ma tante, qui ne tarissait pas d’éloges à l’égard d’un veuf de son entourage, quadra “ould nass” avec une bonne situation et papa à plein temps d’un garçonnet de cinq ans. Je l’ai donc joué un peu “beldi” puisqu’en trois rencontres formelles, l’affaire était pliée. Le seul hic était que je devais déménager dans une autre ville, et qu’il était entendu que ma fille resterait chez mes parents, la semaine. Ce dernier point me chiffonnait un peu mais sous le régime de l’ancienne Moudawana, je ne pouvais prendre le risque que son père me retire la garde.

Arrivée à El Jadida, j’ai fait la connaissance du fils de R., mon époux. Le bout de chou m’a d’emblée adressé un sourire timide qui m’a faite fondre. J’avais toujours rêvé d’avoir un petit garçon… R. était soulagé et il m’a pour ainsi dire délégué son éducation. Comme je ne travaillais plus, j’allais chercher Adam à l’école et il hurlait “Tatie Salmaaaaaa”, en courant à ma rencontre. Malicieux et plein de vie, il comblait aussi le manque criant que j’avais de ma fille. Entre nous s’est installée une grande complicité, tandis que mes rapports avec le papa se délitaient progressivement. R. était froid et distant. Nous échangions très peu, à part sur le quotidien, et chapitre intime, c’était la bérézina totale ! Mon couple commençait à m’apparaître comme une belle arnaque… Par ailleurs, il était très souvent en déplacement pour ses affaires, et quand il était là, il buvait et avait l’alcool plutôt mauvais. Pour me persuader du bien-fondé de mon remariage, je puisais de la force dans ma relation avec le petit Adam. En outre, pendant deux ans, c’était soit moi qui remontais à Rabat voir ma fille ; soit elle qui descendait à El Jadida chaque week-end. R., au début, n’y trouvait rien à redire puisque c’était l’accord initial qui avait été passé. Mais progressivement, le processus de sabotage s’est installé. Je restais de marbre, sans répondre à ses provocations mais sans jamais infléchir ma position non plus ! Un jour, il a poussé ma fille à bout et lui a signifié de ne plus remettre les pieds chez nous. La gamine était en pleurs. Elle l’a très mal pris. Je me souviens d’Adam lui ramenant un mouchoir pour essuyer ses larmes…

À ce moment-là, l’éventualité d’une séparation ne m’a même pas effleuré l’esprit, tant je craignais de perdre ce nouveau “fils” qui m’était si cher. J’ai donc laissé passer l’orage quelques mois, me résolvant à espacer mes voyages à Rabat. Pour réconcilier ma fille avec mon mari, j’ai saisi l’occasion d’un Aïd, pour aplanir nos différends familiaux. Mais nos divergences de couple étaient de plus en plus criantes. Un jour, passablement éméché, R. a explosé de colère parce que le repas n’était pas à son goût. Je serrais Adam recroquevillé contre moi et il est venu me l’arracher des bras, avec une sale lueur dans le regard : “N’oublie jamais que ce n’est pas ton fils, ma chère, mais le mien !” J’étais tétanisée, glacée de l’intérieur. J’espérais pourtant toujours, en mon for intérieur, que les choses reprendraient leur cours normal. Or, son négoce accusant quelque crise, monsieur restait à la maison pendant de plus longues périodes. Je suis donc devenue son bouc émissaire préféré, le déversoir de ses frustrations… Le harcèlement exercé devenait proportionnel aux quantités d’alcool absorbées. à deux reprises, il a aussi appuyé très fort sur mon talon d’Achille habituel: mes visites à ma fille. “Si tu pars à Rabat, ne reviens plus ! Tu trouveras porte close”, répétait-il. J’étais complètement écartelée entre les deux enfants, mon envie de tout plaquer et mon attachement indéfectible à ce gosse croisé sur mon chemin. Souvent, ce dernier me regardait droit dans les yeux en me caressant les cheveux et me disait cette phrase terrible, gravée dans ma mémoire: “Tatie Salma, tu ne vas pas partir et me laisser, hein ?” Je répondais que non, mais sans pouvoir le regarder en face…

La maigre consolation aujourd’hui, c’est que je n’ai pas trahi ma parole. C’est R. qui a changé la serrure de la maison pour que je ne puisse pas regagner le domicile conjugal. J’avais l’air fin sur le perron avec ma valisette du week-end… Il m’avait signifié mon congé. J’ai dû refaire le trajet en sens inverse jusqu’à Rabat, la mort dans l’âme. Pourtant, ma situation m’importait peu. Je ne pensais qu’au bouleversement terrible opéré dans la tête d’un enfant de huit ans, sa tristesse, son désarroi. J’ai réussi à le joindre sur le téléphone fixe, le lendemain, avant que son père ne lui arrache le combiné des mains. Trois mots m’ont suffi : “Je t’aime”.

Malgré les rebuffades, j’ai tenté de maintenir le contact avec R. Je lui ai proposé de dealer un divorce avec consentement réciproque, renonçant à tout l’aspect pécuniaire et avec pour seule exigence de voir Adam, sans conditions. Le salaud a accepté mais m’a refait le même coup qu’avec ma fille. Trois mois durant, j’ai eu le privilège de passer un après-midi par semaine avec le petit bonhomme. À présent, tout mon entourage me conjure d’oublier Adam, soi-disant pour son bien aussi. Malheureusement, je sais que je n’ai aucun droit à faire valoir sur lui ; le statut d’ex-belle-mère n’ayant pas de valeur juridique. Mais le cœur a ses raisons que la loi ne connaît pas… 

Multiples histoires, cent fois racontées à votre entourage, à vos amis, à vos voisins, 

à vos collègues. Vos bonheurs, vos peines, vos coups de gueule. Pour rire ensemble, s’indigner parfois, pleurer peut-être, mais surtout partager, nous faisons vôtre cette page. N’hésitez pas à nous écrire.

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