J’élève seule mon enfant

Un père absent de la vie de l’enfant, entraîne- t-il un impact négatif sur son développement ? La question interpelle toutes les mamans solos qui font de leur mieux pour transformer cette donne bancale en équilibre. A condition, toutefois, de ne pas tomber dans certains pièges éducatifs grossiers…

“Je suis à la fois sa mère et son père et je jongle avec plus ou moins de bonheur entre ces deux casquettes”, rapporte Sanaa, dont le mari décédé au cours de sa grossesse lui a laissé en héritage, un petit garçon. Elle reprend : “J’ai du mal à doser entre l’autorité et la démonstration affective ; comme s’il fallait que je me dédouble sans arrêt. Mon fils ne doit pas sentir qu’il manque un maillon à la chaîne ; mais moi, ça me demande une énergie folle, de tous les instants”. D’autres encore culpabilisent de ne pas y arriver, telle Selma qui, appréhendant que sa fille tourne mal par défaut de père, lui a toujours serré la vis, que ce soit sur le plan des études ou des sorties. Preuve en est, à travers ces témoignages, que la tâche n’est pas toujours aisée pour une vaillante maman solo, tenue d’avoir les épaules solides !

Papa disparu précocement, géographiquement non présent ou délaissant son enfant après son divorce/remariage, sans oublier les mères adoptantes célibataires… Il peut advenir qu’un schéma monoparental exclusif se dessine très tôt. Certes, “elle n’a pas fait un bébé toute seule !” ; par contre, elle était bien l’unique protagoniste sur scène, lorsqu’il a fallu lui torcher le derrière, jouer à la bataille navale, panser ses chagrins, ou plus tard, assister à sa remise de diplôme ! 

“Papa, où t’es ?” 

Selwa Kjiri, psychiatre, revient sur certains fondamentaux : “le rôle du père est de faire fonction tierce. Il empêche symboliquement que la relation fusionnelle mère- nourrisson ne se prolonge au-delà du nécessaire. L’enfant comprend alors qu’il n’est pas l’unique objet du désir de la maman”. Par la suite, les attributions des parents vont se compléter, dans une dualité constructive pour l’enfant : ils seront deux à le protéger, le prendre en charge et régenter son quotidien. Dans l’inconscient populaire, sensibilité, affectivité, proximité sont des rubriques traditionnellement dévolues aux mamans, tandis que les mots autorité, limites, initiation sont généralement accolés à l’image du papa…

“Malgré tout, au cours de l’enfance, l’équation maman solo ne pose pas en soi de problème particulier, si ce père absent physiquement reste présent dans le discours de la mère”, souligne le Dr Kjiri. En clair, pour que le (la) petit(e) ne se mette pas à appeler “papa” tous les hommes croisés à la sortie de l’école ou à se comparer à ses camarades de classe, il convient de lui parler de son géniteur, de manière positive. Se garder, donc, de le diaboliser, en l’écartant complètement de l’environnement du rejeton, en cas de séparation sanglante… Et supposons qu’un mari courant d’air soit en poste au bout du monde, il peut parfaitement être sollicité sur les décisions du foyer, via un canal quelconque (téléphone, internet) ! D’un autre côté, s’il manque définitivement à l’appel, des figures paternelles, présentes dans la famille élargie (oncles, grand-père, grands-cousins), peuvent, parfaitement, sortir du banc de touche et servir de “re-Pères” ! 

Tendance collé- serré

Quand disparait la triangulation, de nombreuses mères versent dans la fusion intempestive. “Avec ma fille, on passe tout notre temps libre ensemble, indique Anissa. “Elle est toute ma vie et réciproquement. Je lui donne tout l’amour qu’elle n’a pas reçu de la part de son père”. Amour ou étouffement ? Car en essayant de réparer le soi-disant préjudice originel subi, Anissa signe un contrat d’exclusivité qui enferme leur relation en vase clos et peut la pervertir. Comme le confirme le Dr Kjiri : “une mère transformée en copine/confidente, vissée à sa fille empêche sa future autonomisation. La petite fille risque par la suite d’autocensurer ses envies d’aller voir ailleurs”. Dans une relation mère-fils, le garçon peut aussi être amené à devenir “le petit homme” de remplacement de la maison ; celui avec qui on dort dans le même lit, sous couvert de ses angoisses nocturnes. Au secours, brouillage de cartes en vue !

Au niveau de cette relation particulière, guette également le danger des excès en tous genres : propension à céder à tous les caprices de l’enfant roi, ou à l’inverse, lui mettre au maximum la pression, par peur de rater quelque chose dans son éducation. Hind justifie son propre laxisme, par sa culpabilité permanente vis-à-vis de son gosse : “Je n’arrive pas à dire non à ses demandes ; c’est plus fort que moi. Je veux qu’au moins matériellement, il soit au même niveau que les autres enfants”. Fchouch, superprotection, investissement affectif exagéré, quel est le sort, à la puberté, de ces enfants dont les mères ne veulent pas couper le cordon ?   

L’adolescence, une étape critique…

A l’âge où la libido se réveille et la construction de l’identité bat son plein, les mamans solos sont parfois démunies face à un(e) “adulescent (e)” ( à mi chemin entre l’adulte et l’enfant) en proie à ses démons intérieurs. Car point d’archétype paternel auquel s’identifier pour le garçon, ni de modèle idéal du sexe fort, pour la fille ! Autant de raisons qui les poussent à ruer dans les brancards et remettre en cause la légitimité maternelle ; dixit Latifa : “Je le maîtrisais plutôt bien quand il était gamin ; par contre, il m’a complètement échappé à l’adolescence. Il ne m’écoute plus et me manque régulièrement de respect. C’est maintenant que je ressens qu’il manque vraiment un mec à la maison, pour le canaliser !”. Cette phase d’opposition, somme toute normale, est mal vécue par la maman solo, parce qu’elle a l’impression d’avoir sacrifié des pans entiers de sa vie perso, pour se consacrer à son enfant. Or, pour exister, l’ado a aussi besoin que sa mère respire en dehors de lui (elle). “Un fonctionnement de couple dans une dyade mère-enfant peut se muer en piège qui se referme, lorsque l’adolescent doit prendre son envol. Et le résultat peut être catastrophique : soit la fusion persiste et l’emprise va jusqu’à se déployer dans le choix du futur conjoint conforme aux attentes de la mère ; soit la rupture s’amorce, lorsque le rejeton est excédé par cette maman sangsue, agrippée à lui”, se désole le Dr Kjiri. Mamans solo, lâchez-leur donc un peu la grappe et ménagez-vous votre propre espace de femme, où il (elle) n’a pas à être inclus (se) ! υ

Nos remerciements au Dr Selwa Kjiri, psychiatre à Rabat .

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