Je suis maman d’enfant précoce

Avoir un enfant IP (intelligent précoce) est une grande aventure où s’est acheminée Souad. Elle témoigne du bonheur que lui procure sa petite fille hors du commun, mais aussi son sentiment d’angoisse et de solitude face au manque de structures spécialisées.

Boutaina est née un lundi matin du mois de septembre à 7h pétantes.“Juste à temps pour aller à l’école”, a lancé un ami. “Ce sera une

Intello comme ses parents !”, a plaisanté un autre. Ils ne croyaient pas si bien dire ! Boutaina, malgré les forceps, a ouvert les yeux tout grands et nous a contemplé

Attentivement. La mise au sein n’a pas été évidente pour moi, mais mon bébé s’est montrée coopérative et très patiente. Très tôt, je me suis dit : “Cette petite a tout d’un boudha : la patience, les

Joues rondes et un zen indéfectible.” Cette première impression ne s’est jamais démentie. A la maternité, elle se distinguait car elle ne pleurait presque jamais et elle adorait l’eau. Un bébé agréable, souriant, tonique. La coqueluche des sages-femmes et des puéricultrices.  a quatre mois, elle se tenait assise, à 10 mois, elle faisait ses premiers pas. A 12 mois, elle connaissait déjà plein de mots, et parmi les cadeaux reçus lors de son premier anniversaire, elle appréciait tout particulièrement les imagiers. Comme c’était mon premier (et unique bébé), je n’avais jamais prêté attention à sa précocité jusqu’à cette fête d’anniversaire, quand elle a soufflé sa première bougie, droite sur ses jambes, parfaitement en équilibre, en distribuant sourires et premiers mots à la ronde. Dans l’assistance, plusieurs se sont exclamés : “Elle parle déjà ! Elle marche déjà !”. Je me rappelle que ma mère, superstitieuse, n’avait guère apprécié. Ai-je été fière à ce moment-là ? Je ne sais pas. Mais de toute façon, j’ai toujours été ravie de l’enthousiasme et de la curiosité de ma petite, et cela continue.

A 18 mois, elle a formé ses premières phrases. A 2 ans, elle parlait couramment et commençait à tout vouloir savoir sur tout. Inscrite à la maternelle, elle s’est vite ennuyée. Les éducatrices la trouvaient timide, peu sociable. Elle a finalement préféré rester à la maison. On a obtempéré, son papa et moi, tant qu’il y avait à l’époque quelqu’un pour la garder. A 4 ans, elle participait rarement aux activités. Refusait de colorier. Se tenait à l’écart. J’avais le cœur serré de la voir seule dans son coin alors que les autres enfants, se chamaillaient, jouaient ensemble. A cette époque, nous fréquentions assidûment toutes les bibliothèques de la ville qui disposaient de livres pour enfants. Elle avait appris à lire toute seule. Elle avalait tout : imagiers, BD, livres d’éveil. Elle se liait même d’amitié avec les responsables de la bibliothèque. Amitié qui dure toujours, une décennie plus tard. D’ailleurs, c’est une de ces bibliothécaires qui a été la première à utiliser le terme surdoué pour qualifier la précocité et la maturité de Boutaina. Pour moi, c’était une notion nouvelle. J’avais toujours cru que c’était juste une enfant curieuse, comme devraient être tous les gosses si les adultes ne les brimaient pas. Quant à sa réserve à l’école, je l’avais toujours attribuée à son statut d’enfant unique, mature car ne côtoyant que des adultes à la maison.

J’ai commencé dès lors à me documenter pour apprendre qu’un enfant surdoué possède une mémoire courte 2 fois plus élevée que la norme et une mémoire longue également bien au-dessus de la norme. J’ai ainsi mieux compris ce qui s’était passé lors d’une visite de la classe de la petite, classe de CP, à une ferme pédagogique. A la fin de la visite, la responsable de la ferme avait demandé aux enfants ce qu’ils avaient retenu. Et ce sont les enseignants, abasourdis, qui m’ont décrit la scène : Boutaina avait fait une synthèse du déroulement de la visite n’omettant rien, même pas les ingrédients de la recette de fabrication de la marmelade à l’orange, spécialité de la ferme. On aurait dit qu’elle avait tout enregistré et qu’il lui suffisait de dérouler la bande ! J’appris également qu’être surdoué est une spécificité qui peut virer à la pathologie quand l’enfant n’est pas décelé à temps, compris et accepté dans sa spécificité. J’ai alors décidé d’emmener ma petite chez un psychologue. Ne voyant pas d’intérêt aux tests (de QI) qu’on lui demandait de faire, Boutaina a refusé de collaborer. “Boutaina n’est motivée que par le plaisir de faire les choses et est très sensible à son environnement”, m’a appris la psy. Chose que je savais déjà : à la maison, dès l’âge de 5 ans, elle faisait en entier les activités proposées par un manuel d’éveil, en ma compagnie. A l’école, elle refusait de colorier en évitant de déborder !  De 3 à 7 ans, il existait deux Boutaina : la pétillante à la maison et la réservée à l’école. A la maison, c’était une enfant épanouie, pleine d’énergie. Elle voulait tout voir, tout savoir et tout connaître. Voyager dans l’espace, apprendre toutes les langues. Ses réflexions nous laissaient pantois. Pour répondre à ses questions, il fallait être tout à la fois : médecin, astronome, physicien, biologiste, mécanicien, etc. A l’école, elle restait dans son coin. Pour certains enseignants, elle était réservée. Pour d’autres, c’était une enfant à problèmes ! Certains m’ont même posé la question, l’air de rien, si tout allait bien dans mon couple, “car la petite, vous savez… !”

On a souvent changé d’école. Lui faire sauter une classe ne me paraissait pas une démarche intéressante : elle était en avance, même sur ses aînés de 2 ans. J’ai tenté alors de la préserver des méfaits de l’école obligatoire, de trouver un modus vivendi avec la vénérable institution scolaire. J’ai essayé de demander une dérogation, pour que la petite apprenne à la maison en autodidacte et se présente libre aux examens. On m’a prise pour une martienne. Je me suis rendu compte à quel point notre société et nos institutions n’étaient pas prêtes à encourager les différences. Il faut en fait se couler dans le moule, sinon on est un paria. Mes initiatives auprès des écoles pour déceler la présence d’enfants comme ma petite – des IP intelligents précoces comme on les appelle – et monter une association pour mieux les encadrer, m’ont fait prendre conscience combien nos responsables se méfient et accueillent avec une frilosité glaciale toute initiative, quand elle n’est pas institutionnelle.

Aujourd’hui, Boutaina a grandi. Sa maturité ne s’est jamais démentie. Avec le temps, j’ai réussi à la convaincre qu’en dehors de l’école officielle, il n’existait pas d’autre alternative. Néanmoins, j’ai pris le parti de la défendre contre le système. Côté école, je ne compte pas le nombre de fois où j’ai expliqué patiemment aux profs de maths que si Boutaina trouvait le bon résultat sans le justifier, elle ne mentait pas et elle ne trichait pas. Qu’elle avait un mode de fonctionnement bien à elle, avec une multitude de repères, un mode complexe qui se base entre autres sur l’intuition. De son côté, Boutaina a vite compris que ce n’était pas la peine de partager la joie de commenter avec ses profs ses lectures multiples et éclectiques : nombreux n’acceptaient pas qu’elle ait, du haut de ses 10 ans, un capital lecture qui pèse au moins 4 fois le leur.

Je sais à présent que les enseignants sont plutôt dérangés par les enfants hors normes. Il est vrai qu’ils n’ont pas été formés pour répondre aux besoins particuliers des dits IP. Quand ces derniers sont mal dans leur peau, ils passent pour des perturbateurs, des hyperactifs. Quand ils sont bien dans leur peau, les profs se sentent mal à l’aise : un déni de leur plus, de leur suprématie intellectuelle, est difficile à digérer. Pourtant, un enfant précoce est une telle joie : il vous pousse à une formation continue non stop pour le suivre. Mais c’est également une telle responsabilité pour les parents. Je n’oublierais jamais que l’on s’est retrouvés seuls face à une institution scolaire qui a déjà trop à faire pour assurer le minimum à ses clients dits normaux ! 

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