Je l’aime un peu, beaucoup… à la folie !

Française issue de l'immigration, Sophia rend chaque année visite à sa famille, au Maroc, dont elle est très proche. A 27 ans, elle est toujours un coeur à prendre mais plus pour très longtemps... Sociable et enjouée, elle croisera le chemin d'Ismaïl qui n'aura d'yeux que pour elle ; pour le meilleur, mais surtout pour le pire...

Avant de rencontrer Ismaïl, je n’avais eu malgré mon âge, qu’une seule relation amoureuse. L’homme avec lequel je l’avais  partagée m’avait rendue heureuse, puis triste. Il m’avait déçue et trahie… mais malgré cela, je l’aimais plus que tout. Depuis notre rupture, il était de nouveau en couple et même si je savais au fond de moi que c’était mal, nous continuions de nous voir, à l’abri des regards. Je restais dans l’ombre et cette situation me pesait. Je n’avais qu’une hâte : rencontrer celui qui me le ferait oublier. Chaque été, je me rends au Maroc pour me ressourcer et rendre visite à ma famille. Née en France, j’ai toujours mis un point d’honneur à tisser des liens avec les nombreux parents de ma mère, qui  m’a élevée seule. C’est une façon pour moi de ne pas oublier d’où je viens ; avoir une double culture n’étant pas toujours facile à vivre au quotidien.

L’ÉTÉ DERNIER, alors que je me rendais sur la côte casablancaise avec une cousine pour boire un verre, un jeune homme seul, répondant au doux prénom d’Ismaïl, s’est approché et nous a gentiment demandé s’il pouvait se joindre à nous. Une proposition que j’aurais habituellement refusée, la trouvant beaucoup trop directe ; mais après tout, nous étions en vacances, et il était plutôt charmant. Il s’agissait peut-être d’une rencontre intéressante… Très vite, ma cousine s’est effacée, constatant l’attirance et la complicité qui s’installait entre lui et moi, au fil d’une conversation qui a duré des heures. Je le trouvais raffiné, subtil, et il avait un sourire des plus ravageurs. Peut-être trop à la hâte, j’ai pensé : “Il se pourrait bien que ce soit lui qui me fasse oublier mes blessures sentimentales”. Cela faisait si longtemps que je m’interdisais d’être heureuse, que j’ai définitivement décidé de lâcher prise.

A PARTIR DE CE SOIR-LÀ, mes vacances n’ont plus été les mêmes : dîners en tête-à-tête, balades en bord de mer, tendresse, fous rires… Il y avait un moment que je ne m’étais  pas sentie si légère, libre de me lier d’amour, sans  obstacles ni contraintes. Ismaïl semblait aussi enthousiaste, et peut-être même davantage puisqu’il en est venu à me faire une folle proposition, 15 jours à peine après notre rencontre : “Ma chérie, tu vas me prendre pour un fou, mais je n’ai jamais ressenti ça auparavant, et je ne laisserai cet amour me filer entre les doigts pour rien au monde… Veux-tu m’épouser ?”. Je suis restée bouche bée, incapable de prononcer le moindre mot. Je m’interrogeais : “Que dire ? N’est-ce pas trop tôt ? Je le connais finalement à peine, bien que mon impression soit excellente. Et sa famille, la mienne ?”. Malgré tous ces doutes, ma réponse positive ne s’est finalement pas faite attendre. J’avais envie d’y croire.

DEPUIS LA PROMULGATION du Code de la famille, il est possible de se marier sans avoir besoin de tuteur. Après tout, j’ai 27 ans, je n’ai pas besoin qu’on me dise s’il est assez bien pour moi ! Nous nous sommes donc rendus chez l’adoul pour concrétiser notre amour, aussi nouveauqu’intense. Mais à compter de ce moment-là, tout a commencé à se bousculer dans ma tête : “Mon Dieu, ma pauvre mère, que va-t-elle penser ? Ne se sentira-t-elle pas exclue ou trahie ?”. Je  ne pouvais me réjouir totalement de ma nouvellecondition d’épouse… d’autant que mon séjour au Maroc touchait à sa fin. J’avais peur. Peur que ceci ne soit qu’un doux rêve, qu’il m’oublie à peine arrivée sur le tarmac de l’aéroport, qu’une autre prenne ma place…

DE RETOUR EN FRANCE, ce qui m’importait était que ma mère se réjouisse… Je ne lui ai pas tout raconté de but en blanc, préférant commencer par notre rencontre, les bons moments partagés. Elle semblait ravie de voir sa petite fille à  nouveau épanouie. J’avais tellement hâte qu’elle me félicite, de partager avec elle mon bonheur, que j’ai fini par me lancer : “Maman, j’espère que tu ne m’en voudras pas, mais on s’est mariés”. En moins d’une minute, j’ai vu son teint pâlir, et c’est la mine déconfite qu’elle a laissé s’échapper sa première larme… Elle ne comprenait pas pourquoi je l’avais mise à l’écart et craignait qu’Ismaïl n’ait qu’un seul but en tête, celui de quitter le Maroc. Elle avait mis le doigt sur ma plus grande peur : et si cela n’était qu’hypocrisie pour arriver à des fins personnelles. Dès lors, ma mère a décidé de ne plus m’adresser la parole…

J’AI COMMENCÉ À CROIRE, prise dans le tourbillon de mes sentiments et le désir d’oublier mon premier amour, que j’étais peut-être allée un peu vite en besogne. Les jours sont passés et mes contacts téléphoniques avec Ismaïl se faisaient de plus en plus rares. Je cherchais à être rassurée, mais il ne parlait que des démarches à entreprendre dans le seul but de ne plus être séparé de moi, disait-il. Mais son comportement ne faisait qu’appuyer les arguments de ma mère. Plus le temps passait, et plus mon époux devenait froid et distant si je ne faisais pas rapidement les démarches auprès des autorités compétentes pour qu’il me rejoigne. Seule face à mon erreur, je passais mes nuits à pleurer et à implorer le ciel de me venir en aide. Je ne voulais voir personne et ne supportais plus l’enfermement. Je ressentais le besoin incompressible de sortir, la nuit, seule. C’est très étrange, mais j’avais peur. Peur de mon reflet dans le miroir. Peur du noir. Peur des gens. Depuis mon retour, je ne mangeais plus. Il y a encore des choses que je n’arrive pas à expliquer… et dont je ne me souviens même plus. Je faisais des crises d’angoisse avec des accès de violence impressionnants. Ma mère, qui m’en voulait encore, était très inquiète et, témoin de ma détresse, elle n’a pu s’empêcher de revenir vers moi. Elle était persuadée qu’on m’avait fait du “shour”. Je n’ai jamais cru à la magie  noire, mais il est vrai qu’à cette période de ma vie je n’étais pas dans mon état normal. Après m’être coupée du monde, avoir perdu près de 15 kilos, je commençais à avoir des problèmes de tension et des vertiges.

UN JOUR, ALORS QUE ma mère et moi étions en désaccord pour une chose banale, je l’ai attrapée par le col et ai menacée de la tuer avec un couteau. Il paraît que je criais d’une voix presque masculine… Cela reste très flou dans ma mémoire, c’est elle qui me l’a raconté. Je lui faisais peur. Sa fille menaçant de la tuer, ma mère était perdue, désemparée. C’est alors qu’elle a décidé de m’amener chez un psychologue qui, au vu de mes intentions suicidaires et   meurtrières, a décidé de me faire interner. Aujourd’hui, je ne sais pas si c’était la solution, tant mon traumatisme reste grand ; mais je sais que ma mère a fait tout ce qu’elle a cru bon pour moi. J’ai été droguée, on m’a endormie avec  toutes sortes de produits chimiques et j’ai côtoyé des personnes atteintes de pathologie graves. Cela m’a terriblement marquée, et je n’oublierai jamais cette période qui, Dieu merci, n’a duré que 15 jours. Les médecins n’ont pas réussi à émettre un diagnostic viable, tant mon état de santé était instable, capable de se dégrader ou de s’améliorer à une vitesse vertigineuse. Même si j’étais pour ainsi dire “inconsciente”, j’ai honte et souffre, encore aujourd’hui, de ce que j’ai fait subir à ma mère. Elle dit ne pas m’en vouloir, mais je sais qu’elle gardera tout cela en mémoire…

VOILÀ SIX MOIS que je suis sortie de l’hôpital et je recommence à voir mon premier amour, alors que sa compagne est maintenant enceinte. Je suis perdue… A vouloir l’oublier trop vite, j’ai fini par m’oublier moi-même, oublier l’être qui m’est le plus cher : ma mère. Je suis toujours en pleine procédure de divorce, et Ismaïl ne cesse de me mettre des bâtons dans les roues, trop fier pour accepter qu’une femme le quitte. Mais j’ai repris des forces, quelques kilos, et j’espère toujours, secrètement, rencontrer un jour le prince charmant…

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