Chaque jour qui passe, me tirer du lit est un véritable supplice. C’est d’ailleurs souvent mon conjoint qui m’arrache des bras de Morphée. Et même quand j’arrive enfin à entamer ma journée, j’ai hâte de rentrer chez moi pour… dormir! C’est à se demander s’il n’y a pas quelque chose qui cloche”, s’interroge Jihane, la trentaine. Et elle a bien raison de se poser des questions. Comme elle, il arrive que certaines personnes éprouvent le besoin de dormir plus que de raison, ou tout simplement de rester au lit le plus longtemps possible. Le sommeil devient donc une échappatoire psychologique, un sas entre deux mondes. Les spécialistes s’accordent à dire que cette hypersomnie peut dans certains cas s’associer à une phase dépressive. Le sujet esquive alors ses obligations quotidiennes et craint de retrouver sa vie diurne. “Dormir procure un bien-être physique et psychique. Mais son excès révèle souvent un mal-être profond qui pousse la personne à trouver refuge dans le sommeil.
Cela peut en effet être un indicateur de dépression, surtout lorsque celui-ci, à outrance, s’accompagne de tristesse, de fatigue ou d’une perte de désir de travailler, de sortir, ou même de se nourrir”, explique le psychanalyste Jalil Bennani.
Le sommeil comme refuge
Dormir excessivement est une tendance pathologique à utiliser le sommeil comme défense. Et pour cause, une personne mal dans sa peau se sent telle une marmotte qui hiberne pour se protéger. On parle donc de sommeil protecteur, et non réparateur, car dormir plusieurs heures ne signifie par pour autant que l’on bénéficie d’un repos complet et régénérateur. En effet, de petits problèmes psychologiques peuvent venir jouer les trouble-fêtes. Certains dépressifs chroniques rencontrent des phases d’insomnies, car ils ont tendance à broyer du noir toute la nuit et ont donc du mal à fermer l’œil. D’autres se forcent à dormir afin de se refugier dans un sommeil qui a perdu sa valeur réparatrice, d’où la sensation de fatigue dès le réveil.
“Les états dépressifs comportent fréquemment des phases d’insomnie ou d’hypersomnie. Ces troubles neurologiques empêchent d’avoir un bon sommeil, car même si la personne dort beaucoup, elle se réveille plusieurs fois durant la nuit”, indique notre spécialiste.
C’est mauvais pour la santé
L’excès en tout est un défaut, dit l’adage. Et le sommeil n’échappe pas à la règle. D’ailleurs, les spécialistes sont unanimes et affirment que dormir plus que nécessaire nuit à la santé physique et mentale et augmente le risque de graves maladies chroniques et de troubles psychologiques récurrents. Ainsi, plusieurs recherches ont démontré qu’un sommeil est considéré trop long quand il dépasse 10 heures par nuit ; le temps optimal se situerait entre 7 et 9 heures. Alors, pour savoir si cette histoire d’amour avec Morphée est due à une dépression sous-jacente, il est nécessaire d’en parler à un spécialiste. “Au cas où le patient montre des signes de mal-être, nous lui conseillons d’abord d’améliorer son hygiène de vie et d’essayer de régler ses problèmes. Mais parfois, si nécessaire, on lui propose d’envisager une psychothérapie psychanalytique de courte durée avec, éventuellement, un traitement à base de médicaments anxiolytiques et antidépresseurs. Tout dépend, bien évidemment, de la gravité de la situation”, précise Jalil Bennani.
Nos remerciements au docteur Jalil Bennani, psychiatre et psychanalyste