Imane Naciri, son Maroc à elle

Avec un premier recueil de nouvelles, cette talentueuse jeune écrivaine propulse le lecteur sur la scène d'un théâtre géant : celui de la société marocaine. Ses personnages, parodies à l'infini de Monsieur et Madame Tout-le-Monde, s'épanchent, crient, rient, ruent dans les brancards ; souvent à contre-pied de l'attendu. On retient de ce voyage littéraire une plume tendre et acide à la fois, où rien n'échappe au regard aiguisé de l'auteur...

“JE PROFITE DE L’ÉCRITURE POUR ABORDER DES THÉMATIQUES TRÈS CONTEMPORAINES, TELLES QUE L’IDENTITÉ OU LA TOLÉRANCE ; ET AUSSI POUR FUSTIGER NOMBRE DE TARES ET CONTRADICTIONS SOCIALES AU PASSAGE.”

FDM : Tout d’abord, pourquoi avoir choisi le genre de la nouvelle pour faire vos premières armes en tant qu’écrivaine ?

Imane Naciri : Je ne l’ai pas choisi, il s’est imposé à moi. L’idée, c’était d’écrire des histoires courtes, dans un format concentré, en zoomant sur l’essentiel sans s’attarder sur les détails ou développer une trame romanesque. Dans ma démarche, je force un trait du personnage et le mets en exergue, avant de proposer une chute totalement inattendue. Ainsi, on va retrouver vingt-trois héros totalement ordinaires : l’instituteur fou, la femme battue, le révolutionnaire, l’amoureuse virtuelle, la candidate au mariage mixte, le voleur du Morroco Mall, etc. ; mais dont les vécus et ressentis se détachent volontairement des clichés communément admis ! A travers cette galerie de personnages tous différents les uns des autres, basés finalement sur l’observation de nousmêmes, je m’essaie à une satire sociale, très loin du Maroc “carte postale” qu’on a l’habitude de nous vendre… Et ce grand angle à 360 degrés me permet aussi d’embrasser tous les contrastes inhérents à notre champ social, tout en faisant le pari de frapper les consciences. Car souvent, dans la vraie vie, on passe à côté des choses, sans les voir vraiment…

Le titre de ce recueil de nouvelles, “Ne me jugez pas !”, interpelle déjà le lecteur… C’est une façon de l’inciter à faire preuve d’indulgence à votre égard ?

Non. C’est plutôt le cri que lancent mes personnages à la face de la société. Ils ont envie de prendre le lecteur par la main et de lui raconter jusqu’au bout leur histoire, lui ouvrir leur for intérieur avec son éventail d’émotions. Notre société jugeant beaucoup sur les apparences et les comportements, cela représente presque une thérapie de parler vrai. A titre d’exemple, un des personnages, un chauffeur de taxi très pratiquant, choqué par la minette outrageusement maquillée et habillée qui monte dans son véhicule, a envie de la semoncer et de la remettre dans le droit chemin ; avant de réaliser, en l’entendant appeler sa mère en larmes, qu’elle a un tas de problèmes. Son apparence n’est finalement qu’un masque pour surmonter sa détresse…

Vos personnages se racontent la plupart du temps en empruntant le mode narratif du “je”, sur un rythme trépidant et haché…

 Comme le dit si bien Eric-Emmanuel Schmitt, un de mes auteurs préférés : “Quand j’écris, j’habite totalement mon personnage”. Totalement. Qu’il soit homme ou femme, riche ou pauvre, ou aux antipodes de ma personnalité, peu importe ! Je m’imagine dans sa peau et sa tête : comment je vais regarder les gens ; quel regard, eux, ils portent sur moi… Ce “je”, qui symbolise un monologue intérieur, est aussi censé créer une proximité intime avec le lecteur afin que ce dernier puisse développer une forme d’empathie avec les émotions du personnage. Pour ce qui est de la dynamique du texte, elle retranscrit mon ressenti de méditerranéenne : je parle à coups de grands gestes et d’envolées, je m’arrête pour apprécier, je m’indigne pour critiquer, je respire pour me calmer !

Quelle est la part de réel dans vos récits ?

Il est évident que le réel façonne la fiction et réciproquement ! Ce sont des situations que je côtoie autour de moi, même si je les traite de manière décalée. J’ai par exemple une nouvelle très tendre, “Lovebirds”, où il est question d’un couple de petits vieux qui s’aiment comme au premier jour, avant que la mort ne vienne amputer un des conjoints de sa précieuse moitié. Ça nous rappelle le temps nostalgique de nos grands-parents et de leurs amours durables… L’actualité de notre époque est également riche en sources d’inspiration. Dans la nouvelle “Virtuel”, une Marocaine, vieille fille, se réinvente une identité de libanaise sur les réseaux sociaux pour vivre un amour fantasmé. Mon “Adil Guevara” à moi ressemble à un diplômé chômeur qui fait sa révolution, un certain 20 février. L’instituteur à la vocation contrariée vomit les gosses de riches auxquels il enseigne et finit par basculer dans la folie…

Considérez-vous votre écriture comme engagée ?

Oui et non. Oui, car j’en profite pour aborder des thématiques très contemporaines (la lutte des classes, el ghorba, l’identité, la tolérance…) et aussi fustiger nombre de tares et contradictions sociales au passage. Il m’arrive d’invectiver le lecteur, parfois sous forme de pamphlet, pour le faire réagir. Et non, parce que je n’entends pas dépeindre les choses en blanc ou noir, avec un parti pris. Par exemple, dans “Mon meurtre”, la femme battue qui subit toute cette violence douce vit malgré tout une histoire passionnelle avec son conjoint. Dans “La luxure”, un homme mal dans sa peau flirte avec les extrêmes (sports, cocaïne…). Je veux donner à voir toutes les nuances de l’âme humaine, les chemins de traverse qu’elle emprunte, sans interférer avec la grille de lecture personnelle du lecteur. Toutes ces histoires véhiculent d’ailleurs une part d’universel ; mais transplantées dans le contexte marocain, elles prennent encore plus de sens…

Comme l’écrivain Frédéric Beigbeider, vous êtes issue de l’univers de la communication, qui est votre métier à la base. “Ne me jugez pas !” est votre “99 francs” à vous ?

Sans doute que le choix du format court et la concision du message délivré me viennent de mes vieux réflexes de communicante (rires). Mais si j’ai bifurqué, c’est parce que l’envie d’écrire et de partager est montée en moi de façon irrépressible. Le déclic est venu quand je me suis rendue compte que, dans le cadre de mon ancienne activité, j’étais arrivée au bout de ce que je pouvais apporter. Et si la fin du monde était vraiment programmée pour fin 2012 (on ne sait jamais !), j’aurais au moins laissé mon empreinte ici-bas !

Pensez-vous qu’un artiste puisse vivre exclusivement de son art au Maroc ?

C’est possible, quoique difficile ; parce que l’art et la culture sont souvent relégués à un rang  secondaire, à cause de la contrainte économique. Résultat : dans les familles, on brime certaines vocations, en plébiscitant des “carrières” considérées comme plus nobles ou lucratives (médecin, ingénieur, cadre…). C’est d’ailleurs l’objet d’une de mes futures nouvelles : un sculpteur qui a décidé de braver son milieu, en refusant de rentrer dans les moules préétablis. Il va tenter de se frayer une place dans le milieu de l’art au Maroc…

Votre prochain opus littéraire : un roman peut-être ?

Je préfère poursuivre ma trajectoire dans la nouvelle. C’est un genre qui me sied tout à fait et me permet de sauter du coq à l’âne au niveau des thématiques abordées (rires). Donc, to be continued… â– 

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