Hicham Lasri, l’enfant terrible du cinéma marocain

Le cinéaste nous parle, autour d’un café, de ses dernières réalisations télévisuelles et cinématographiques, mais aussi de son besoin de repos. Entretien sans langue de bois.

Pourquoi réservez- vous la mise en ligne de vos webséries pour le ramadan ?

Pour moi, c’est une sorte de contre-programmation. Le ramadan, c’est la période où l’on se gave de projets sponsorisés dans le digital qui sont quand même timorés par rapport à ce qui se diffuse à la télé à la même période, ce que je trouve dommage. J’aime bien proposer des choses libres et affranchies des conditions financières, que je tourne avec mes potes à très peu de coûts juste parce que ça nous éclate. Cette année, la websérie est à mi-chemin entre le politique et le social, elle se base beaucoup sur des faits divers, ce qui permet de fédérer. Et  je prends des vacances après ramadan.

Vous allez où ?

Dans mon appartement (rires). Je bouge tellement pendant l’année que rester chez moi à Casablanca compte pour des vacances. Ceci dit, je ne me suis pas déplacé pour mes films présentés à l’international. Mon film Al Jahilia a été présenté à Berlin et à Cannes, mais je n’y suis pas allé. Je n’aime pas être un bon client de festivals, je n’aime pas m’y rendre juste pour faire acte de présence. Le film est plus important que ma personne, et c’est le film qui rencontre son public, avec ou sans moi. Et cette année, je n’ai ni le temps ni l’envie de bouger. Je veux marquer une pause pour réfléchir à ce que je veux faire dans l’avenir. Je travaille actuellement sur des idées. Je n’aime pas le confort, ni tourner en rond. Dès que je finis de construire, je détruis et recommence à zéro. Dans ma tête, je veux rester ce jeune étudiant qui fait des courts métrages pour apprendre.

Al Jahilia, votre dernier long-métrage en date a été également primé à Tanger. Quels sujets traite-t-il ?

J’y parle de hogra en tant que réaction sociale en chaîne. Il y a six personnages et six histoires, avec des personnages centraux et périphériques. Ça parle de comment un individu peut en écraser un autre juste parce qu’il en a la capacité, que ce soit un gardien de parking qui méprise un mendiant, ou un enfant qui torture son père parce qu’il n’y aura pas le mouton de l’Aïd cette année. J’étais curieux d’analyser cette chaîne de non-solidarité qui fonctionne à plein régime, et décortiquer des mécanismes qui nous sont propres, mais qu’on n’arrive pas à décrypter complètement. C’est très facile de réduire ça à une histoire de mépris ; personnellement, je préfère y inclure la cruauté et le sadisme. Tout le monde proclame qu’il aime son pays, mais est-ce que le pays s’aime lui-même ? Un citoyen qui déclare ça est souvent un hypocrite, surtout au Maroc. Par exemple, quand on qualifie quelqu’un de “maghribi”, il peut le prendre pour une insulte, pour lui c’est un adjectif péjoratif.

On vous reproche souvent de faire des films qui déplaisent parce qu’ils ne sont pas pensés de manière à attirer le plus de monde possible. Comment le prenez-vous ?

Je ne suis pas un rabatteur. Mes spectateurs sont éparpillés dans le monde, et ce sont des personnes capables de regarder un film qui vient d’un pays particulier avec un œil universel. Quand on te dit “fais un film commercial”, ça veut dire “réduis tes ambitions”, ça ne veut pas dire “sois plus généreux”. Je suis un geek, je n’ai pas d’aversion particulière pour le cinéma commercial, c’est juste que là où j’en suis, je n’ai pas envie de faire un film qui marche au Maroc et qui ne va pas être montré ailleurs. J’ai envie que mes films aient moins de succès tout de suite, mais qu’ils vivent plus longtemps.

Vous vous démarquez des autres cinéastes avec des personnages féminins assez éloignés des clichés. Comment procédez-vous dans leur élaboration?

J’écris des choses qui me semblent justes par rapport à mon point de vue, qui est un point de vue masculin, mais empathique. Le problème du cinéma marocain, c’est que la plupart des réalisateurs ne filment ni avec leur cœur ni avec leurs tripes. Dans tous mes films, j’inverse systématiquement les genres : un personnage écrit pour un homme, je l’attribue à une femme et vice-versa. Cela permet de se défausser de ses propres réflexes et atavismes. Dans le clip que j’ai réalisé pour le groupe de rock Lazywall où l’on voit une belle fille se balader en plein milieu de L’boulevard en burqa et minijupe, la montée de sève ce n’est pas elle – oui, c’est beau, c’est graphique -, mais les gens qui la regardent et qui ne savent même pas quoi penser, car ils ne sont pas là par hasard, ils sont venus écouter du metal, il y a eu un cheminement de pensée qui les a amenés à cet endroit-là.

De tous les personnages féminins que vous avez imaginés dans vos scénarios, lequel a été le plus difficile à écrire ?

C’est le personnage qu’a joué Latefa Aherrare dans Headbang Lullaby, une femme à laquelle on a rasé la tête et qui élève seule un fils turbulent. Difficile n’est pas le mot, je préfère dire que c’était délicat à écrire.

Et le plus facile ?

Je ne sais pas, peut-être tous les autres. La fille en burqa et minijupe n’est pas un personnage, mais plutôt un dessin, et je l’avais déjà fait dans mon film The sea is behind. Il y avait une femme en niqab qui, au moment d’enjamber une flaque, soulève ses vêtements et l’on découvre de belles jambes et des chaussures sexy.

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