Ghaydae Altwaty

Professeur d'économie et farouche opposante au régime de Kadhafi, c'est sur la Toile que Ghaydae a milité pendant plusieurs années contre le dictateur, avant de descendre dans les rues de Tripoli, crier "non" au régime. Pour la punir de son audace, elle sera emprisonnée pendant plusieurs mois, dans le plus grand secret. Pour FDM, elle revient sur sa lutte et son calvaire.

FDM : Pour quelles raisons vous êtes-vous mis à dos le pouvoir libyen ?

Ghaydae Altwaty : Dès 2005, j’ai créé un blog dans lequel je publiais mes poèmes aussi bien que des réflexions personnelles sur la situation sociale et politique en Libye. J’ai commencé à être beaucoup lue à l’étranger, et surtout par les opposants au régime, vivant en dehors de la Libye. Mon nom a donc été associé à l’opposition au régime, et davantage encore quand, avec des amis, nous avons organisé une manifestation sur Internet pour dénoncer la dictature et le non-respect des droits humains en Libye.

A-t-on essayé de vous faire taire ?

J’ai été calomniée par la presse nationale qui a lancé une campagne contre moi et qui m’a faite passer pour une femme de mauvaise vie. On m’a humiliée pour mieux discréditer mes propos. J’ai été mise sur écoute, je recevais des menaces anonymes au téléphone et mon ordinateur a été piraté.

“J’AI DIT À KHADAFI “TU ES GRAND… MAIS LA LIBYE EST PLUS GRANDE QUE TOI !”

Il paraît que vous avez rencontré Kadhafi en personne ?

Oui c’est vrai. C’était en février 2011. Il m’a fait venir à lui pour me convaincre de travailler pour lui, de mettre ma verve à son service. Mais j’ai refusé. Je lui ai dit : “Tu es grand… mais la Libye est plus grande que toi”, et quelques jours plus tard, j’ai été arrêtée.

Vous avez été arrêtée et emprisonnée. Racontez-nous votre incarcération…

La police est venue me chercher chez moi et j’ai été interrogée toute la nuit. J’ai ensuite été emmenée à la prison d’Abou Salim où j’ai été enfermée pendant trois mois, seule dans une cellule, avec pour unique compagnie celle d’une gardienne qui me frappait chaque jour. Personne ne savait où j’étais et il m’arrivait de hurler de désespoir, de crier “aidez-moi” pour que quelqu’un m’entende. J’ai décidé d’entamer une grève de la faim et pendant 10 jours, je me suis laissée mourir. On m’a soignée dans une ambulance près de la prison, et une fois remise sur pied, avec un nouveau régime alimentaire, on m’a renvoyée en cellule.

Comment s’est passée votre libération ?

En me libérant, mes geôliers ont menacé de m’abattre si je m’aventurais à écrire encore une ligne contre le régime. L’un d’eux m’a dit : “Tu n’as pas de kalachnikov, tu as un stylo, c’est pareil !”. Mais j’ai, sans hésiter, repris mes activités et manifesté avec mes compatriotes.

Comment avez-vous réagi lorsque vous avez appris la mort de Kadhafi ?

Au départ, je n’y ai pas cru… Puis, après m’être assurée que c’était vrai, j’ai crié, j’ai pleuré, je suis descendue dans les rues qui étaient noires de monde. Je me suis dit ce jour-là que je tenais ma revanche contre Kadhafi.

Que pensez-vous de la façon dont il a été tué ?

Je ne l’approuve pas du tout car j’aurais aimé que justice soit faite et que son arrestation donne lieu à un procès. Mais la façon dont il a été tué est à l’image de son règne. Il a maintenu les Libyens dans l’ignorance la plus totale des droits de l’homme, alors comment ce peuple aurait-il pu respecter des droits dont il n’a même pas conscience?

Aujourd’hui, Mustapha Abdeljalil, à la tête du CNT, affirme vouloir appliquer la charia en Libye. Votre avis sur cette question ?

Ce dont je suis sûre, c’est que Mustapha Abdeljalil est contre le fait qu’une femme puisse occuper un poste de ministre ou toute autre fonction à responsabilités. Toutefois, le peuple libyen est ouvert d’esprit et prêt à accepter le débat. Je suis certaine qu’il fera le bon choix et j’espère que les femmes auront une place importante dans cette nouvelle Libye, qu’elles auront accès à tout, comme c’est le cas dans les autres pays.

Quels sont vos espoirs et vos craintes ?

Je rêve à la liberté dans le monde arabe, j’espère que tous les enfants libyens pourront aller à l’école pour se forger une solide éducation et que tout ce qu’à détruit Kadhafi sera reconstruit. En revanche, j’ai très peur du manque de conscience du peuple libyen. Les Libyens ne savent pas ce que sont la politique, les élections, le vote ; car pendant 42 ans, nous avons été plongés dans l’ignorance la plus totale de ces pratiques démocratiques. J’appelle les associations internationales, les ONG, les gouvernements étrangers à mettre en place des programmes de sensibilisation à destination des Libyens pour leur enseigner leurs droits et les informer des principes démocratiques. Tout est à faire, tout est à apprendre… â– 

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