Et si Michel Sardou pouvait rencontrer les Marocaines del’année 2014 ? Ces femmes “ayant réussi l’amalgame del’autorité et du charme”, ces femmes bien de chez nous quimaîtrisent à fond le système et accèdent au pouvoir suprême…Ces super-nanas qui peuvent aussi bien être des “PDG en basnoirs”, des “vendeuses aux puces”, que des “femmes et gardiensde la paix, chauffeurs de car et agents secrets”. Sans grand doute,il en serait, tout au moins, surpris ! Agréablement ? Entendonsnousbien, la femme marocaine a acquis, au fil des décennies,beaucoup d’indépendance et autant de savoir-vivre. Malgré ceconstat, une synthèse du HCP, rendue publique récemment, meten exergue les inégalités du secteur de l’emploi au féminin etdresse un bilan de 28 pages qui ne laisse personne indifférent.Sans conteste, le rapport pianote sur “la gamme qui va du grandsourire au larmes”. Car d’un côté, il commence par une noted’allégresse en encourageant, statistiques en hausse à l’appui,les dernières prouesses de nos concitoyennes en matière deréformes institutionnelles et sociétales ; mais il se terminepar une pointe de tristesse, en rappelant le fait qu’elles soientpassées à côté de ces conditions sans qu’un véritable apportquantitatif ne soit opéré…“Au cours des dernières années, la femme marocaine a bénéficiéde plusieurs réformes institutionnelles et sociétales lui garantissantdes droits de plus en plus élargis et favorisant son émancipation etsa contribution au développement du pays. En conséquence, uneassez importante présence de cette dernière s’est opérée dans lesarènes politiques, économiques et sociales. Cependant, sur le planquantitatif, sa présence sur le marché du travail n’a guère bénéficiéde ces évolutions, normalement favorables. Au contraire, elle a mêmerégressé au cours de ces dernières années”, analyse la synthèse,fruit d’un travail de longue haleine, avant de renchérir, avec uneonce d’inquiétude, que la participation de la femme marocaineau marché du travail reste caractérisée, à l’instar de plusieurspays arabes, par son “niveau relativement bas en comparaison avecd’autres pays, aussi bien développés qu’en voie de développement”. Etque “l’élargissement de l’accès à la scolarisation (…) a contribué à cette évolution en réduisant le taux d’activité desfemmes en âge de scolarisation, mais ce n’estcertainement pas le seul facteur qui expliquecette réduction”. Michel Sardou aurait toutde même tort de se réjouir d’un fait aussiaccablant. Trêve de rêverie et retour à laréalité marocaine
Diplômes… l’apanagedes hommes ?
Selon la même étude, le développementéconomique et social de tout pays estévidemment tributaire, entre autres,de la contribution du sexe féminin, cecapital humain incontestablement nonnégligeable. Seulement voilà, il a falluqu’au Maroc, la participation de la femmeau marché du travail soit largementinférieure à celle de l’homme.Et ce n’est pas tout ! Le document duHCP va jusqu’à crier haro sur les inégalitésalarmantes qui concernent le niveauintellectuel de la femme marocaineactive et qui affligent le marché du travailau Maroc. À titre d’exemple, 60 % desMarocaines actives sont analphabètes,ont abandonné l’école très tôt ou neconnaissent aucune langue étrangère ettravaillent dans la quasi totalité des casdans des exploitations agricoles. De même,70 % d’entre elles, cultivées, ne possèdentpas de diplômes mais arrivent à travaillerdans plusieurs secteurs de la vie active.Autant dire qu’une Marocaine sur deux nedispose d’aucun niveau de qualification etpresque une sur quatre est active, qu’ellesoit instruite ou pas
Réalité biaisée ?
Si l’on sait que le taux d’emploi deshommes est trois fois supérieur à celuides femmes, que l’étude fait abstractiondes diplômées chômeuses ainsi quedu fait que beaucoup de Marocainescultivées, diplômées et dynamiquesfinissent par abandonner le monde dutravail à cause de leurs conservateurs demaris (chose qui se produit fréquemmentdans la région du Nord, voire un peupartout ailleurs), ou préfèrent travailleren Occident, on se demande si lemarché marocain de l’emploi ne seraitpas en phase de châtier la femme, etpar le sexisme administratif et par lesstatistiques gouvernementales un tantsoit peu inexhaustives…Curieusement, il a fallu que la présenteétude tombe pile poil à un moment où ledébat sur l’amélioration de la conditionde la femme sur le marché du travail se faitchaud dans les couloirs parlementaires.Chose qui laisse songeur.À en conclure que moins de deux millionsde nos concitoyennes sont diplômées etoccupent un poste “décent”, que cheznous, la moyenne d’âge de la femme activeest de 35 ans et qu’en milieu urbain, où lesefforts de scolarisation des filles sont plusimportants qu’à la campagne, la Marocaineenvisage rarement de viser une licence, unmaster ou un doctorat. â—†