Au Maroc, après avoir été longtemps cantonnée à un rôle d’éternelle mineure, la femme souhaite plus que jamais s’affranchir de ces valeurs patriarcales qui l’enchaînent et s’épanouir pleinement, aussi bien dans son travail que dans sa vie de famille. Pour rien au monde elle ne troquerait son porte-documents contre un tablier ! Après de longues années de combats féministes, ce sacrifice paraît même impensable… Pourtant, en Allemagne et dans les pays scandinaves, les jeunes mères sont motivées par un tout autre projet, bien éloigné de la fièvre carriériste qui nous consume: quitter leur travail pour rester à la maison.
Pourquoi un tel retour en arrière ?
Parce qu’elles n’ont plus rien à prouver et qu’elles sont moins obsédées par leur carrière, ces femmes ont tout simplement décidé de lever le pied en privilégiant leur bien-être personnel et celui de leurs enfants en restant à la maison. Un choix mûrement réfléchi, car la plupart de celles qui renoncent à leur job ont souvent des postes à responsabilités et gagnent très bien leur vie. Mais cela fait longtemps qu’elles ne se gargarisent plus de l’égalité hommes-femmes et de valeurs féministes qu’elles jugent dépassées. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, leur profil ne correspond pas à des femmes qui ont un faible niveau d’études et qui tombent, à leur insu, dans l’engrenage d’une vie familiale qu’elles n’auraient pas choisie. Non, cette nouvelle génération de housewives a la trentaine, une carrière professionnelle épanouie et voit dans la maternité une opportunité d’échapper à la routine d’un quotidien stressant pour une vie plus tranquille. Mariage tardif et recul de l’âge de la maternité sont des facteurs qui peuvent expliquer ce phénomène et justifier ce changement brutal d’orientation dans la vie d’une femme.
En effet, à une époque où se caser est presque devenu mission impossible, on peut comprendre que certaines privilégient leur épanouissement personnel, quitte à renoncer (temporairement) à une certaine aisance matérielle… Alors, qu’importe les préjugés, après tout ? Elles assument ce retour au foyer et sont loin d’être frustrées. Néanmoins, ce choix reste un luxe financier qu’elles peuvent se permettre grâce aux revenus confortables de leur conjoint.
L’exemple allemand
En Allemagne, à l’inverse des autres pays d’Europe, l’image de la mère au foyer reste bien ancrée dans les traditions, et cet idéal semble persister dans les mentalités. Depuis août 2013, le pays a franchi une nouvelle étape dans sa politique familiale en lançant la “prime au fourneau”. Le principe? Pour encourager la natalité, l’Etat offre une prime de cent euros par mois et par enfant aux parents qui décident de se passer des services d’une crèche. Autant dire que cette mesure a fait couler beaucoup d’encre et divisé l’Allemagne ! A gauche, on dénonce un “retour à la politique familiale des années 1950” ; et du côté des patrons, on craint qu’une telle aide ne vienne détourner les femmes du monde du travail. Kristina Schröder, ministre de la Famille qui a initié la loi, y voit quant à elle “une reconnaissance pour ceux qui ont choisi d’être d’abord parents”. Malgré cette passe d’armes, cette prime est un “cadeau” pour toutes les femmes qui travaillent à temps partiel et dont les revenus sont absorbés par les frais de garde, d’essence… Et en Allemagne, la pénurie de crèches pousse souvent les familles à rechercher des solutions dans le privé. Au-delà de l’aspect financier, les Allemandes assument pleinement ce retour à la maison pour s’occuper de l’éducation des enfants et du ménage. Ces mesures leur permettent de mieux organiser leur quotidien.
Quels avantages ?
Le fait de “réhabiliter” le statut de mère au foyer à une époque où le carriérisme est presque devenu une fatalité pour la femme moderne peut paraître surprenant. Pourtant, abandonner son boulot pour se mettre au fourneau n’est pas sans conséquences, car cela suppose une perte d’indépendance. En Europe, le travail est le premier critère de reconnaissance sociale, surtout en France, où les femmes “inactives” sont souvent méprisées par leur entourage, qui ne comprend pas toujours les motivations de ce choix de vie. Et celles qui le font ont généralement pesé le pour et le contre : budget du ménage amputé d’un salaire, sentiment d’être entretenue, regard des autres sur soi… Pourtant, le positif l’emporte. Elles ont l’opportunité de s’épanouir pleinement dans l’éducation de leurs enfants, davantage de temps pour s’occuper d’elles, elles gèrent mieux le quotidien… Un renoncement qu’elles ne voient pas comme un sacrifice ou une frustration, car le fait de faire une pause est un choix sciemment réfléchi.
Le modèle scandinave
Dans les pays scandinaves, par exemple, près de 80 % des femmes sont actives et travaillent à temps plein. Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! Le taux de fécondité y est très faible, d’où la révision de la politique familiale pour aménager avec plus de souplesse la reprise du travail. En effet, la Suède est réputée pour son système (très généreux) de prestations sociales pour les familles : aides à la garde d’enfants, congé parental rémunéré (480 jours à partager entre les deux parents pendant les huit premières années de l’enfant !), larges prestations pour chaque bambin… Dans les pays scandinaves où l’éducation est une valeur très forte, le “travail à la maison” est considéré comme une activité à part entière et les femmes sont rémunérées pour l’accomplir.
Et après ?
Si cette vie de mère au foyer leur convient pendant un temps, elles prennent le risque, dans le cas où elle souhaiteraient reprendre une activité professionnelle, de ne plus être aussi “bankable” qu’avant sur le marché du travail. Un univers impitoyable qui ne fait pas de cadeaux, surtout après 40 ans ! Quoi qu’on en pense, interrompre une carrière, aussi brillante soit elle, implique des sacrifices qui auront des retombées, un jour ou l’autre, sur le CV et la vie perso. Car ce statut implique inévitablement une perte d’autonomie. Conclusion : et si on s’inspirait du modèle suédois pour inciter nos politiques à mieux intégrer la dimension familiale dans le travail des femmes pour qu’elles n’aient plus à choisir entre leur carrière et leur famille ? Bref, un interminable débat…