Fadila laanan, d’enfant d’immigrés à ministre engagée

En visite au Maroc pour les 50 ans de l’immigration marocaine en Belgique, Fadila Laanan, ministre belge de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des Chances nous a accordé un petit moment pour revenir sur son parcours hors du commun. Rencontre…

Dimanche après-midi, rendez-vous à la Sqala. Il est 15 heures. à peine le temps de m’installer que Fadila Laanan, ponctuelle, arrive déjà. Très souriante, avenante avec les membres de son équipe, elle rayonne dans sa petite robe rose printanière. Avec elle, point de protocole. On s’attable entre femmes, tout simplement, autour d’un café agrémenté de sucrettes.

Fadila Laanan alias Wonder Woman

Mais comment fait-elle pour jongler avec autant de portefeuilles ministériels ? C’est assurément la première question que l’on se pose quand on rencontre Fadila Laanan. À son actif, la santé, la culture, l’audiovisuel, l’égalité des chances… De quoi remettre en question les compétences de ses alter ego. Alors, Wonder Woman, Fadila ?

Depuis 2004, elle est en effet ministre de la Culture et de l’Audiovisuel, mais depuis 2009, elle est également en charge de la Santé et de l’Égalité des Chances. Des ministères qui, a priori, n’ont aucun rapport les uns avec les autres. “Je me sers de ça comme une force en utilisant toutes mes compétences pour faire travailler tout le monde ensemble. Par exemple, le ministère de la Santé et celui de l’Audiovisuel peuvent être complémentaires dans certains cas. J’organise en effet des campagnes de prévention, comme celle de lutte contre le cancer du sein et en tant que ministre de l’Audiovisuel, je peux aussi œuvrer afin de donner plus de visibilité à cette campagne via la télévision ou la radio. C’est certes beaucoup de travail, mais j’ai la chance d’avoir à mes côtés une équipe très compétente.”

Une manière de voir les choses dont on devrait tirer des leçons. Mais comment cette fille issue d’une famille désargentée que rien ne prédisposait à endosser de telles responsabilités en est-elle arrivée là ? Pour comprendre son parcours, il faut remonter le temps. Tout commence le 29 juillet 1967, lorsqu’elle voit le jour à Schaerbeek, en Belgique. Fadila Laanan est la deuxième d’une fratrie de sept enfants. Son père, Bouziane, d’origine marocaine, a immigré en Belgique en novembre 1964 via l’Algérie, où il vivait depuis les années 40. Tlaïmas, son épouse, le rejoindra en 1965. Leurs revenus sont plutôt modestes, puisque Bouziane est ouvrier peintre en bâtiment et sa femme, mère au foyer. Si la vie n’est pas facile tous les jours, il n’en demeure pas moins que Fadila Laanan a vécu une enfance heureuse, à Molenbeek-Saint-Jean.

La solidarité, une valeur familiale

Malgré des moyens limités, ses parents ont fait figure de foyer d’accueil et ont aidé des membres de la famille à émigrer dans de bonnes conditions. “Mes parents se sont toujours mis au service de la famille, mais aussi des autres. La solidarité et la coopération font donc partie intégrante de mon éducation”, indique fièrement Fadila. Voilà donc la source de son engagement et de son investissement dans le monde associatif puisque très vite, Fadila Laanan, d’abord bénéficiaire des services d’une maison de jeunes, s’est lancée dans le bénévolat.

En parallèle de ses études de droit à l’université, qu’elle a toujours financées elle-même grâce à des petits boulots, elle militera entre autres au sein de “Jeunesse maghrébine”, une association dont elle deviendra la présidente et qui avait pour vocation, entre autres, d’aider les enfants à faire leurs devoirs. “Jeunesse maghrébine” avait aussi pour ambition d’être un groupe de pression sur le champ politique, sur toutes les questions qui touchent à la citoyenneté et à l’égalité puisqu’à l’époque, les personnes extra-européennes ne bénéficiaient pas du droit de vote. “Cela avait de graves conséquences car dans les quartiers à forte population immigrée, il y avait très peu d’investissements publics, et ces zones se changeaient peu à peu en ghettos”, nous explique-t-elle. Fadila Laanan, qui s’est toujours battue contre les inégalités et les injustices, est intervenue, aux côtés d’un groupe d’universitaires cosmopolite et aux travers des médias et des présidents de partis, pour revendiquer l’égalité des droits pour tous. Mais le milieu associatif a ses limites et Fadila comprend qu’il est temps pour elle de passer dans le champ politique.

L’appel de la politique

Après l’obtention de sa licence en droit public et administratif, Fadila est sélectionnée pour être juriste dans le cabinet d’un ministre socialiste. “J’ai postulé sans grande conviction. Le ministre m’a pourtant choisie, et j’ai débuté ma carrière en tant que juriste dans son cabinet. C’est ainsi que j’ai pris goût à la politique”, se souvient-elle. Elle se présentera par la suite sur les listes électorales, poussées par ses proches, qui ont toujours cru en elle…

En 2004, elle sera élue députée et trois semaines plus tard, Elio Di Rupo, président du parti socialiste à l’époque et actuel Premier ministre belge, la désignera ministre de la Culture, de l’Audiovisuel et de la Jeunesse puisqu’en Belgique, les membres du gouvernement sont nommés par les présidents des partis majoritaires. “Lorsque j’ai été nommée, on a beaucoup mis en évidence mes origines, ce qui m’a un peu gênée. J’ai eu une crainte, c’est d’être stigmatisée, et j’ai également eu peur que les Belges pensent que ma nomination n’était due qu’à cela.” Car celle-ci est évidemment un symbole fort pour la communauté maghrébine en général. “Mes proches ont organisé une fête, mais je n’arrivais pas à me détendre. J’étais terrifiée à l’idée de ne pas être à la hauteur.” Une attitude saine dont nombre de politiciens devraient s’inspirer. Car se remettre en question et douter, c’est avoir conscience de ses limites, ce qui aide, finalement, à les repousser.  

La culture pour tous !

Le premier combat qu’elle mènera en tant que ministre et qui lui tient particulièrement à cœur est l’accessibilité de la culture. “Moi-même, étant plus jeune, je n’avais pas beaucoup été confrontée à la culture. Et je trouve qu’il y a encore trop de gens qui sont dans ce cas à cause du prix, du côté un peu “prestigueux” de la chose.” Mais Fadila Laanan est également l’ambassadrice du multiculturalisme. À cet effet, elle imposera à tous les théâtres et les centres culturels d’introduire de la diversité culturelle dans leurs programmations pour que tous les jeunes, issus d’horizons divers, puissent créer et diffuser leurs œuvres en leur sein. Un premier mandat que l’on peut donc qualifier de prometteur puisqu’en 2009, Fadila sera réélue députée régionale, avec un score personnel en nette augmentation. Elle sera une fois de plus choisie par son président de parti pour siéger comme ministre au sein du gouvernement de la Communauté française.

épilogue…

En janvier dernier, elle reçoit l’insigne d’officier de la Légion d’honneur française en présence de ses parents. “Mes parents étaient présents ce jour-là. Vous imaginez ? Eux, illettrés, l’immense fierté qu’ils ont éprouvée ! Cela me rend très fière à mon tour.” Aujourd’hui, la priorité pour Fadila Laanan, c’est de gagner les élections, prévue pour le 25 mai prochain, en allant convaincre les citoyens, battre le pavé, aller tracter un peu partout. “Je fais ça moi-même, parce que j’aime le contact avec les gens. Mais avant ça, j’ai envie de terminer mon mandat convenablement et partir en laissant les choses propres sur la table pour le suivant.” Nous lui souhaitons bonne chance ! υ

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