Détonantes voyageuses

Elles ont pris la caravane des Etonnants Voyageurs pour descendre à Rabat, du 6 au 9 mars dernier. Elles sont auteures, cinéastes, militantes et conteuses, ramenant dans leurs malles les nouvelles du monde. De murmures en révoltes, elles sont venues insuffler la poésie dans le quotidien de la capitale, présenter leurs oeuvres, confier leurs vécus de femmes et fulminer leur douces rages, celle d'écrire et celle d'aimer.

SOPHIE BESSIS, Tunisie-France

ELLE EST POLITOLOGUE, historienne,féministe, journaliste etmilitante depuis sa tendre jeunesse.Lorsque la Franco-tunisienne SophieBessis s’exprime au sujet del’Histoire de la Tunisie, c’est en fineconnaisseuse du terrain socio-politiquedu pays. Agrégée d’Histoire,elle est chercheuse associée à l’Institutiondes Relations Internationaleset Stratégiques, centre de recherchefrançais en matière de sécurité internationale,ainsi que spécialistedes questions africaines. Après unebrillante carrière journalistique etde nombreux ouvrages historiques etpolitiques, elle entreprend de co-rédigerune biographie écrite conjointementavec Souhayr Belhassen,journaliste et militante des droits del’homme, en 1988.En 2012, en pleine éclosion du printempsarabe, Sophie Bessis réédite l’ouvrage,augmenté d’une préface où elle donneun éclairage sur la situation actuelle du payset s’interroge sur le rôle joué par l’héritagebourguibien dans ledit printemps. Toute lalumière est mise sur ce premier présidentdela Tunisie indépendante, qui étaithomme de lettres et qui a été hostileàla démocratie en dirigeant sa nationcomme un dictateur auquel aucuneopposition n’était possible. Cethomme-là, n’est-ce pas lui-même cemodèle idolâtré des femmes tunisiennespour leur avoir accordé desdroits bien avant la France et lesFrançaises ?Quoi qu’il en soit, la femme tunisiennenée libre n’a pas attendu l’aideprovidentielle d’un nouveau sauveurpour la sortir d’une situation menaçante.Sophie Bessis n’a cessé d’insister,lors de ses interventions au FestivalÉtonnants Voyageurs, sur le rôlejoué par les femmes tunisiennes dansl’obtention de la nouvelle Constitution: “Nous avons une constitution quin’est pas idéale, mais elle est acceptable.Et si elle contient le minimum, c’estavant tout parce que les femmes se sont battuespied à pied. Pour arracher chaque mot, ellessont descendues dans la rue”. â—†

KAWTHER ADIMI, Algérie-France

FRAÎCHE ET TIMIDE, c’est l’impressionque vous laisse la vue de la frêle silhouetteet le visage rieur de la jeune Kawther Adimi.Il est vrai que son jeune âge, 27 ans, son ouverturealgéroise et sa petite voix ne laissentrien entrevoir de sa force de caractère et deson ferme répondant.Kawther est actuellement l’une desjeunes plumes montantes de la littératurealgérienne d’expression française. Elle s’estd’abord faite connaître grâce à ses nouvelles,récompensées par plusieurs prix en Algérie.Après des études de littérature française,elle part pour Paris où elle écrit un premierroman récompensé en 2011.Pour avoir porté au coeur et à l’esprit lablessure des années noires de l’Algérie,Kawther ne reconnaît pas aux révolutionsune vocation de paix et de stabilité. “Nousavons tous suivi ce qui s’est passé en Tunisie.Nous avons prié pour qu’ils se débarrassentenfin de leur bourreau et nous avons sauté dejoie de voir tomber les tyrans les uns après lesautres. Mais l’Histoire de l’Algérie est autre”,disait-elle en expliquant que le lourd passifalgérien ne permettait pas de rouvrir desblessures pas encore tout à fait fermées.“Aujourd’hui la rue algérienne se soulève parceque l’on lui demande de voter pour un hommequi ignore qu’il se présente. Nous ne pouvonspermettre cela”, explique-t-elle.Lors d’un débat sur la femme dans lemonde post-printemps arabe, Kawtherne s’est pas montrée très enthousiastequant aux slogans féministes. “La démocratieimplique des droits pour tout le monde.Pourquoi revendiquer l’égalité ? Cela va desoi !”, affirme la jeune femme avec énergie.La femme algérienne aura-t-elle doncplus de chance que ses paires en Tunisieou en Égypte ? Naïveté ou sagesse : seull’avenir nous le dira. â—†

RAMA THIAW,Sénégal

DE CE CÔTÉ DE L’AFRIQUE, quesait-on du Sénégal ? que sait-on dumouvement de contestation qui a frappéle pays en 1988 suite à la réélectiondu président Abdou Diouf ? que sait-onde la génération “Boul Fallé” ?Née en 1978 à Pikine, un quartier populairede Dakar, Rama Thiaw a vécuces années de révolte estudiantine.Ce ne sont rien que quatre annéesblanches dans l’Histoire du Sénégal etl’émergence de la contestation par lehip-hop et la lutte sénégalaise.Malgré son jeune âge à l’époque, Ramaa su garder en mémoire les détails d’unmouvement qu’elle a retranscrit dans undocumentaire intitulé à juste titre “BoulFallé”, à traduire “Ne t’en fais pas”. Elle ya présenté les modèles de cette jeunessesénégalaise dont les propos se sonttransmis par le hip-hop et surtout parla lutte, sport national transformé parMohamed Ndao Tyson en mode d’expressiond’un ras-le-bol social. C’estcette génération qui a amené au pouvoirun nouveau président… Abdulaye Wade.Cette même génération continue à lutterpour une démocratie aujourd’huiencore inaccessible.Du film de Rama, on retiendra tout particulièrementqu’un mouvement socialest souvent un processus très long fait derupture, de contemplation… et que d’actions,il n’y en aura qu’à la maturationd’une certaine conscience politique.

FABIENNE KANOR, Martinique-France

LORSQUE VOUS DISCUTEZ avec FabienneKanor, vous êtes vite conscient dela profondeur de ses propos, de son vécu.Bien que née en France, une dimensioncréole étoffe son imaginaire et se creusedans le vôtre, par conséquent.Née en 1970 à Orléans, Fabienne Kanorsuit des études de littérature comparée etde communication avant de se lancer dansle journalisme pour de grandes chaînesfrançaises. Prise par des envies d’Afrique,elle part pour le Sénégal et s’installe à Saint-Louis pendant deux ans. A son retour, elleécrit son premier roman. D’autres suivrontpour étoffer sa bibliographie chez Gallimardavant de se tourner vers l’image pour illustrer,autrement qu’avec les mots, des pansde l’histoire du féminisme, de l’esclavage etde l’immigration.Vive est curieuse, Fabienne Kanor nemanque pas de noter les similitudes entrele pays de ses origines et le Maroc. Criseidentitaire, colonialisme, complexes parrapport à la langue du maître, mésestime de la femme aux yeux des compatriotes etde l’Occident : que de points en communrendant l’oeuvre de Fabienne Kanor fortede cet instinct de femme et d’un sens aigude l’observation. â—†

Si le Code de la famille avait marqué un tournant en 2004, ses dispositions sur le mariage des mineures, la
Le débat sur l’héritage au Maroc, longtemps évité en raison de son ancrage culturel et religieux, commence à prendre de
Près de vingt ans après sa dernière réforme, la Moudawana est à nouveau au centre des débats. Le Conseil supérieur
Lors des deuxième Assises des industries culturelles et créatives, Neila Tazi présidente de la Fédération des industries culturelles et créatives,
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