Tous les aficionados du ballon rond vivent depuis hier au rythme de cette compétition qui promet une nouvelle fois d’être intense. Parmi eux, de nombreuses supportrices marocaines comme Khaira, 39 ans, passionnée de football depuis son plus jeune âge. “J’ai grandi aux côtés d’un père wydadi qui a transmis à ma sœur et moi sa passion du WAC”, confie-t-elle avec émotions. Petite, elle partait déjà au stade Mohammed V à Casablanca. Au fil des années, elle a acquis une fine connaissance des championnats, marocains et étrangers, devenant tout bonnement une experte sur le sujet. “Les deux premiers matches du premier tour de la Coupe du Monde sont très importants”, prévient cette amoureuse du ballon rond qui soutiendra, avec tant d’autres, l’équipe nationale, sélectionnée pour la sixème fois pour la Coupe du Monde. “Les deux matches amicaux des Lions de l’Atlas coachés par l’entraîneur Walid Regragui, sont de bonne augure pour la suite. Nos joueurs ont démontré qu’ils avaient beaucoup de points forts et qu’ils étaient ainsi capables de tenir tête aux meilleures sélections”, affirme-t-elle sans balbutiement, mettant en avant les premiers pas encourageants de l’entraîneur, nommé deux mois à peine avant le début de la Coupe du monde organisée du 20 novembre au 18 décembre 2022 au Qatar. Un avis partagé par son acolyte Dounia, 39 ans qui connait par cœur le calendrier de ce Mondial. “Vu les horaires programmés pour les matches du Maroc, je vais les suivre depuis le bureau, indique-t-elle. Comme le précédent mondial, la direction a prévu d’habiller nos locaux et de placer un écran géant dans une salle isolée. Je suivrai les matches des autres sélections dans des cafés.” “Les mentalités continuent d’évoluer, rebondit Khaira. Dans certains quartiers à Casablanca, la place des femmes dans les cafés n’est plus un tabou. Les supportrices peuvent regarder en paix un match sans être critiquées voire insultées. Mais, je ne peux pas en dire autant au sein des quartiers populaires…”
De Moscou à Doha…
Depuis la France où elle travaille depuis plusieurs années, Maryem Doukkali, 30 ans, suit avec attention l’évolution de l’équipe nationale. “J’adore voyager notamment pour assister à des matches”, confie d’emblée cette trentenaire, fervente supportrice du Real Madrid qui l’est initialement devenue par rivalité avec son frère, fan du FC Barcelone, avant que la passion ne l’envahisse ! Aussi, lorsque les Lions de l’Atlas se sont qualifiés pour le mondial de 2018, Maryem a proposé à son frère une idée folle : partir en Russie, pays organisateur à l’époque, afin de soutenir l’équipe nationale. “C’était historique pour nous puisque nous n’avions aucun souvenir d’une telle qualification”, glisse-t-elle. Billets d’avions, hôtels, tickets d’entrée pour le stade, … leur projet se concrétise rapidement. En juin 2018, le duo s’envole pour Saint-Pétersbourg et Moscou. “C’était exceptionnel !, se remémore avec le sourire Maryem. Vous ne pouvez pas imaginer à quel point c’était magique d’entendre l’hymne national lors du match Maroc-Portugal, ou de voir tous ces maillots et drapeaux aux couleurs du royaume… J’en avais la chair de poule !” “Ce mondial était très cosmopolite et bon enfant. Nous étions tous là pour vivre notre passion!”, enchaîne-t-elle, avant de préciser qu’elle avait remarqué une forte présence féminine dans les gradins, rues et cafés/bars. Après avoir vécu un mondial “magique”, Maryem s’imagine alors s’envoler au Qatar pour vivre avec autant d’intensité le prochain. Mais elle déchante très vite. “Les billets d’avion et les nuitées chez l’habitant, et ce, dans des pays limitrophes, sont apparus à des tarifs exorbitants, dépassant l’entendement”, soupire-t-elle.
Les tenues des supportrices
Les clichés sur les supportrices vont bon train sur les moteurs de recherche. À l’écran, des photos de nanas ultra sexy, illustrant des articles du type “qui sont les plus charmantes supportrices”… Bref, un angle de papier sans intérêt qui devrait être rare cette année, non pas parce qu’il est enfin jugé sexiste, mais plutôt parce que le Qatar aurait imposé une série de règles strictes à suivre durant ce Mondial notamment sur la tenue des supportrices. Ces dernières seraient appelées à porter des vêtements qui couvrent les épaules et les genoux, et à bannir ceux trop courts et près du corps… “Je pense que c’est une énième polémique sur le pays organisateur”, soutient Dounia avant de rappeler, selon elle, le b.a.-ba de la supportrice : “Je suis désolée si cela va en choquer certaines mais lorsqu’on va au stade, on s’habille en jean et T-shirt sans décolleté. Nous sommes là pour assister à un match et non pas pour défiler.” À travers ses propos, Dounia rappelle qu’il y a encore quelques années au Maroc, les femmes n’étaient pas vues d’un bon œil au sein des stades. Aujourd’hui, “c’est devenu la normalité”, défend–elle. Mais pas partout ! Impossible par exemple d’accéder encore à la zone nord du stade, baptisée Frimija, que se sont octroyés les Ultras de Casablanca… “J’ai vaguement entendu parler des “consignes” imposées par Doha, peste, de son côté, Khadija, 41 ans qui s’envole durant ce Mondial pour le Qatar. Pour moi, c’est une fausse polémique car lorsqu’on est amoureux du ballon rond, peu importe la tenue ! Je suis convaincue que l’ambiance, dans et hors du stade, sera incroyable et c’est pour ça que j’y vais !”
Investir le terrain
Au Maroc, les supportrices seront, à coup sûr, nombreuses à encourager l’équipe nationale durant ce Mondial 2022. Organisée l’été dernier par le Maroc, la CAN féminine a démontré la ferveur des passionnées du ballon rond. Elle a été révélatrice du leadership féminin dans les stades et sur la pelouse, les Lionnes de l’Atlas atteignant la finale et validant directement leur billet pour la Coupe du Monde féminine prévue en Australie & Nouvelle-Zélande en 2023. Pour Wafae Bekkouch, secrétaire générale de la Ligue nationale de football féminin, on trouve aujourd’hui une mixité dans les stades au Maroc. Le programme de développement du football féminin signé par la Fédération Royale Marocaine de Football avec la Ligue Nationale du Football Féminin (LNFF), les Ligues Régionales et la Direction Technique Nationale (DTN) est à l’origine de cette dynamique impulsée, déclenchant notamment un véritable engouement de la part du public. “Lorsqu’on se rend dans les stades les jours de match, on constate une importante présence des femmes, de tout âge et de toute catégorie sociale, assure-t-elle. Elles pourraient être encore plus nombreuses si l’offre était adaptée!” Et de développer : “En leur donnant accès à une expérience supportrice de qualité et en assurant leur sécurité, nous pourrions leur permettre d’accéder, au même titre que les hommes, aux stades. Dans ce sens, je suis certaine qu’elles envisageraient d’y aller plus souvent.” Très médiatisée, la CAN a également donné une magnifique visibilité aux supportrices. “Le foot n’a pas de genre, rappelle Khaira. Aussi, j’espère que la Coupe du monde contribuera au développement du sport féminin.” Pour Dounia, les médias ont un rôle important à jouer, en donnant davantage la parole aux supportrices. “À la télé et à la radio, il y a déjà quelques journalistes femmes. Même si ce n’est pas assez”, appuie–t–elle, avant de lâcher: “Lorsque les reporters tendent le micro aux supportrices avant ou après les matches, il faut qu’ils changent leurs questions qui sont futiles ! Pourquoi nous demander quel est notre joueur préféré ? C’est limite insultant ! Tout autant que les hommes, nous avons une expertise. Aussi, pour ce Mondial, je rêverais qu’on nous interroge sur la technicité des joueurs durant le match”. Message passé !
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Coupe du monde au Qatar : “Light the sky”, un hymne au féminin
“Light the sky” est l’un des hymnes officiels de la Coupe du monde 2022, signé par le producteur international RedOne. À l’écran, un casting 100% féminin : la Yéménite Balkyss Fethi, l’Irakienne Rahma Riad et les Marocaines Nora Fatehi et Manal Benchlikha. “Être appelée pour participer à l’un des hymnes officiels de la Coupe du monde 2022 a été une magnifique surprise”, confie la chanteuse Manal. “C’est comme si un rêve devenait réalité”, appuie cette grande fan de football. “Le clip réalisé au Qatar a également été une merveilleuse expérience, enchaîne-t-elle, soulignant que ce projet met en avant les femmes. En plus des artistes féminines, le réalisateur et l’assistant réalisateur étaient aussi des femmes !” Et de rappeler que “le foot n’est pas une histoire d’hommes, il faut arrêter avec cette étiquette désuète ! La CAN 2022 organisée l’été dernier au Maroc, nous l’a magistralement prouvé. Et je pense sincèrement que la Coupe du Monde au Qatar peut aussi contribuer à renforcer la dynamique entreprise dans le développement du sport au féminin”.