Combats féministes : que reste-t-il à accomplir?

La dernière décennie a été le théâtre de réformes cruciales en faveur de l'égalité des sexes : révision de la Moudawana et du Code de la nationalité, stratégies de lutte contre la violence faite aux femmes, budgétisation sensible au genre, mise en place de nouveaux mécanismes électoraux... Pour autant, la réalité pratique du terrain est encore trop souvent éloignée de la phraséologie du discours.

L’heure du bilan…

Derrière toutes les avancées enregistrées des droits des femmes marocaines, on retrouve une société civile très active et des personnalités de féministes engagées, dynamiques, poussives et même remplaçantes efficaces du politique qui a parfois déserté le terrain. Emballées par les mutations positives qui traversent notre société, elles restent malgré tout critiques, regrettant que le changement soit trop timide et qu’il n’ose toujours pas empoigner le taureau par les cornes. Car si nous les Marocaines nous ne pouvons plus être affectées du sobriquet de citoyennes de seconde zone, l’ombre omniprésente du patriarcat continue de planer sur nos droits. En cause ? Le frein des mentalités et la précarité qui font le nid des inégalités, mais aussi la persistance de lois archaïques et discriminantes, des stéréotypes sexistes à la vie dure et une éducation à l’égalité qui fait défaut, que ce soit à la maison, sur les bancs de l’école ou dans le monde du travail. Il reste malgré tout un espoir : l’Agenda gouvernemental 2011-2015 pour l’égalité hommes femmes, adopté par le précédent gouvernement, regroupant une centaine de mesures phares et concocté dans le respect des termes des conventions internationales ; notamment celle des Nations Unies pour l’élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes. En attendant de jauger de son impact à terme, on récapitule les tares et les manques de la condition féminine à l’heure actuelle. Il y a encore du pain sur la planche !

La table des lois et son cortège de discriminations Code de la famille

Si la femme a été érigée coresponsable du foyer, au même titre que l’époux, les choses peuvent se gâter quand le divorce est prononcé. Le père restant le tuteur légal même quand la mère a la garde, cette dernière peut se retrouver privée de voyager avec sa progéniture à l’étranger, sans l’accord de son ex. Elle perd aussi la garde des enfants âgés de plus de 7 ans, au motif de son remariage. Et si un fonds de pensions alimentaires est à l’ordre du jour pour aider les foyers mono-parentaux les plus démunis, le casse-tête de son financement se pose toujours !  Sur le plan de l’héritage, la part double pour les descendants de sexe masculin reste une inégalité flagrante. Et la disparité de culte fait que la femme non musulmane est exclue de la succession d’un musulman. Il est en outre toujours illégal pour une musulmane d’épouser un nonmusulman qui ne serait pas converti, alors que la réciproque est possible.

Code pénal

Féminiser le Code pénal est le grand cheval de bataille actuel des associations féministes. Pourquoi ? Parce que les poursuites contre un violeur cessent automatiquement s’il accepte d’épouser sa victime mineure et nubile ; parce que l’avortement sans l’autorisation du mari ou du délégué médical de la province reste un crime et continue de jeter des milliers de mères célibataires à la rue (220.000 recensées), sans aucune aide de la part d’un dispositif étatique ; parce que le harcèlement sexuel est juste considéré comme une faute grave ; ou encore parce qu’une personne qui a aidé une autre à fuir son domicile conjugal, pour cause de violence, peut être inculpée par la justice d’enlèvement et de séquestration… Sans oublier le caractère toujours coercitif de l’interdiction de tout rapport sexuel hors mariage !

Code de la fonction publique

Certaines fonctions sont toujours interdites aux femmes : défense nationale, protection civile…

Code du travail

Encore faut-il que la récente loi votée, réglementant le travail des employées de maison, soit effectivement encadrée par des inspections et des sanctions à la hauteur…

Des vides juridiques et une trop grande marge d’appréciation des juges

Différents registres d’interprétation de la loi sont maintenant laissés à l’appréciation du juge, censé éviter tout débordement. Or, dans la réalité des faits, on a des magistrats débordés, à la mentalité trop imprégnée par le religieux ou en butte à un vide juridique sur la question… Ceci laisse donc la porte ouverte à nombre de dysfonctionnements et d’incohérences : dérogations accordées pour l’âge du mariage (légalement fixé à 18 ans), surtout au niveau du rural ; nafaka (pension alimentaire) au montant arbitrairement fixé et qui n’est pas calculé sur la base d’un barème équitable ; mise à la porte de l’épouse et des enfants du domicile conjugal sans possibilité de recours ; cas de maltraitance souvent non établis par insuffisance de preuves ou de témoins ; absence de loi permettant aux associations luttant contre les violences familiales de se porter partie civile,etc.

“COMMENT FAIRE AVANCER LA CAUSE FÉMININE, SI SES PORTE-PAROLE LES PLUS LÉGITIMES RESTENT ÉCARTÉS DES SPHÈRES DE DÉCISION ?”

publique

Le taux de représentation parlementaire des femmes au Maroc, de l’ordre de 17 %, est encore loin du compte et, sur le plan exécutif, on ne peut que déplorer le dernier camouflet infligé par le  gouvernement Benkirane : une seule femme ministre aux côtés de 29 gaillards ! Soulignons aussi la présence féminine dérisoire, au sein des collectivités locales, des postes clés de l’administration publique ou encore des instances dirigeantes des partis politiques ; et ce, même si certains organes historiques ont fait l’effort d’imposer un quota de femmes cadres, y compris au sein du bureau politique. On pourra donc réformer autant de fois qu’on veut le Code électoral, instituer la règle des quotas ou la liste nationale, le constat est accablant. La représentativité politique et publique des femmes reste marginalisée à cause des politiques machos qui se succèdent et se ressemblent et, parfois, sous l’impulsion des électeurs eux-mêmes ; le milieu rural restant réticent aux candidatures féminines, les partis politiques choisissent souvent de mettre en avant des hommes… Cette flagrante contradiction avec la nouvelle constitution, où il est stipulé noir sur blanc l’égalité des genres dans tous les types de droits et libertés, se doit donc d’être corrigée avec un travail effectif sur les mentalités, via médias et actions concrètes ! Car, comment faire avancer la cause féminine, si ses porte-parole les plus légitimes restent écartés des sphères de décision et du pouvoir ?

Emploi : chômage, salaire, promotions et plafond de verre

Sur le papier, tutto va bene ! Le Code du travail s’est bien aligné en combattant toute discrimination liée au salaire ou au poste, incluant des dispositions particulières et protectrices concernant la maternité, le travail de nuit, etc. Seulement sur le terrain, cet arsenal de lois verrouillé termine souvent en voeu pieux. Au niveau du taux d’activité, déjà, nous serions bien moins loties que ces messieurs : 26 % contre 77 %, et ce, quel que soit le niveau d’instruction. Deuxio : si dans le secteur public hommes et femmes jouissent de salaires égaux, ce sont souvent la nature du poste, les promotions ou l’accès aux postes à responsabilités qui mettent à mal l’équité ! Suspectées d’être sous-investies professionnellement, scindées entre leur fonction de travailleuse, d’épouse et de mère, perçues comme exerçant de simples boulots d’appoint pour leur foyer, les femmes traînent toujours la même image négative dans l’inconscient populaire. Résultat : malgré une double journée éprouvante et le jonglage avec de multiples casquettes, on n’est jamais à l’abri d’une placardisation en cours de parcours ou d’un stoppage net dans sa progression de carrière, par rencontre inopinée avec le plafond de verre. Secteur privé, le décalage de salaires hommes-femmes s’avère être de plus de 25 %, mettant en exergue le manque de responsabilité collective des entreprises vis-à-vis des relations de genre. Pire que cela, la rémunération basse dans des secteurs très féminisés comme le textile, l’agro-alimentaire ou la manufacture, représente même un avantage compétitif sur le marché mondial pour certaines entreprises exportatrices ! Et on ne parle même pas d’un autre fléau récurrent : la déscolarisation des filles en milieu rural qui se traduit automatiquement par une discrimination sur le marché du travail, du fait de l’occupation d’emplois précaires et mal payés…

“LES LOIS POSENT LE CADRE DES NOUVEAUX DROITS AU FÉMININ, MAIS LEUR CONTENU DOIT ÊTRE RELAYÉ PAR LA BONNE PROPAGANDE.”

Stéréotypes sexistes et culture de l’égalité déficiente

Il est devenu courant de voir des associations qui financent avec leurs fonds propres la publicité et les campagnes de sensibilisation sur le nouveau Code de la famille. Et cela reste évidemment toujours insuffisant tant que les pouvoirs publics et les médias de masse ne se sont pas emparés à bras-le-corps du problème. Les lois posent le cadre général des nouveaux droits au féminin, mais leur contenu doit être relayé par l’information et la bonne propagande. Il va de soi que les stéréotypes sexistes ne peuvent être enrayés que si tout le monde y met du sien. A cet égard, le politique, les médias, l’école, le monde du travail et toute la société ont un rôle crucial à jouer dans ce sens : veiller à l’application scrupuleuse de la loi, sans passe-droits ni injustice ; réviser encore les manuels scolaires pour en faire disparaître les dernières traces sexistes ; restaurer l’image des femmes à la télévision, concentré d’héroïnes éplorées de séries mexicaines ou de victimes hurlantes et pleurnichardes ; intégrer que, sans éducation égalitaire des garçons et des filles, la même lacune de partage des tâches domestiques perdurera encore à la génération suivante ; promouvoir des indicateurs fiables pour mesurer les discriminations de salaires ou de promotions dans les entreprises. Peut-être aussi qu’un jour, on peut rêver, l’éducation à l’égalité et aux droits humains sera intégrée dans les programmes de formation des agents d’autorité et de sûreté ; histoire juste d’éviter qu’une femme molestée physiquement et psychologiquement ne se fasse pas traiter de noms d’oiseaux lors de sa comparution ! â– 

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