Vous avez été conviée à animer une conférence lors de l’Arabian Hotel Investment Conference en Arabie saoudite, comment s’est déroulé l’événement ?
Cela a été une très belle expérience ! J’ai été contactée sur LinkedIn où je suis très active. J’y poste notamment des articles pour le Forum économique mondial ou encore Forbes. On m’a contactée par ce biais pour participer à la conférence et surtout conseiller les plus grandes entreprises du Moyen-Orient sur comment retenir et engager la génération des Millenials (18-35) dans la région, ainsi que des stratégies de conquête visant cette tranche de la population. Il faut savoir que la conférence étaient sous le patronage de la Princesse Basmah bint Saud bin Abdulaziz Al Saud et le Prince Sultan bin Salman bin Abdul Aziz, qui nous ont présenté leur plan de développement « Vision 2030 » pour le pays. C’était aussi très intéressant de voir cet immense projet !
Ce n’est pas ma première conférence. Je suis invitée régulièrement à intervenir en tant que conférencière, par exemple à Madrid en septembre prochain, ou au Sri Lanka dans un événement internationale sur le leadership féminin. Mon intervention sera intitulée « Gender Equality In The Middle East: What Are We So Afraid Of ? ».
A 24 ans à peine, vous êtes déjà entrepreneuse. Quel déclic vous a poussé à vous lancer ?
C’est une série d’événements. J’ai toujours été convaincue que l’apprentissage et l’épanouissement de soi ne doit pas se faire uniquement en classe. C’est pour cela que lors de ma troisième année à Sciences Po Paris, j’ai demandé à faire un projet personnel au lieu de partir pendant un an à l’étranger en étude. J’ai commencé mon année par un séjour en Inde, dans le cadre de la bourse Zellidja, sous l’égide de la Fondation de France, qui attribue des bourses de voyage à des jeunes qui ont élaboré un projet de voyage individuel avec un budget limité sur un thème et dans un pays qu’ils ont choisi. Mon voyage qui a duré trois mois était centré autour des femmes entrepreneuses en Inde. A 19 ans, j’ai ainsi rencontré des chercheurs femmes, business women et des représentantes de grandes organisations comme ONU Femmes. Après ce séjour à l’étranger, j’ai décroché ensuite un stage à Londres pour un cabinet de conseil américain en éthique et la gestion de crise. Les projets variaient et pouvaient toucher une grande entreprise pharmaceutique comme GSK ou un organisme d’Etat comme l’armée américaine. Ce stage s’est transformé en emploi de presque un an. Après cette expérience, je suis allée en Malaisie où j’ai intégré une organisation qui accompagne et finance les entrepreneurs de la région. J’était en charge des programmes d’investissement des entreprises locales. Le moins qu’on puisse dire, c’est que j’étais profondément immergée dans l’esprit entrepreneurial et au contact chaque jour de chefs d’entreprises et de porteurs de projet. Le rêve ! C’était aussi l’occasion pour moi de participer à l’organisation d’événements à portée internationale comme le Sommet de l’Entrepreneuriat Social de Muhammad Yunus, Prix Nobel et fondateur du microcrédit mais aussi le Sommet mondiale de l’Entrepreneuriat d’Obama, tous les deux organisés à Kuala Lumpur cette année-là. Et puis, j’ai déménagé à New York où j’étais analyste dans un Hedge fund américain, spécialisé dans les investissements dans les pays émergents. Je m’occupais de l’Afrique/Moyen-Orient et Asie du Sud Est.
Donc l’entrepreneuriat s’est imposé comme une évidence…
En quelques sortes puisqu’avec tant d’expériences aussi riches que formatrices et lors de mon retour à Paris en Master, j’ai commencé à réfléchir à ce qui serait plus tard le groupe d’entreprises que je souhaiterais détenir. Le conseil en stratégie commerciale et marketing m’intéressait toujours, et c’est là que je me suis lancée dans cette activité. À l’époque, je conseillais les PME désireuses de se développer dans les pays émergents. Je le faisais pour arrondir mes fin de mois en plus de la bourse d’étude que j’avais obtenue. Puis après avoir été diplômée, il était assez clair pour moi qu’il ne fallait pas que je cherche un travail comme certains de mes camarades de classe. À partir de là, tout s’est un peu enchaîné, soutien scolaire et restauration étaient devenues mes activités principales avant que je me développe. Aujourd’hui, mon entreprise CS Ventures cumule plusieurs activités au Maroc (Agadir et dans le sud du pays) ainsi qu’à l’étranger (France et au Royaume-Uni) : conseil, restauration et deux sites marchands. Concernant, le conseil, mes clients viennent d’industries variées, énergies renouvelables, immobilier, ou tech. Ce sont en général des projets qui impliquent les Fortune 500 et les chefs d’Etats. Même quand mes activités sont basés à l’étranger, le lien avec le Maroc reste fort. Par exemple, l’une de mes entreprises South Labs (qui fait partie de CS Ventures) vends des produits high-tech au Royaume-Uni. Mais une partie des revenus va financer trois associations qui aident à combattre le chômage local. On a conscience que c’est une approche et un modèle unique de l’impact sociale que les entreprises implémentent en général. Nous soulignons l’importance du travail et non de la charité dans la lutte contre la pauvreté et le chômage. Notre programme pilote sera lancé au troisième trimestre 2018.
Quelles ont été les difficultés rencontrées en Angleterre et au Maroc lorsque vous avez monté votre entreprise? Comment avez-vous réussi à les surmonter ?
Quand il s’agit de la phase de création d’entreprise ou du projet en lui même, c’est vrai que l’Angleterre facilite la chose avec le fait que toute les procédures sont transparentes et peuvent presque toutes se faire en quelques clics en ligne. Au Maroc, les choses sont différentes. Je me suis rendue compte que parfois même les fonctionnaires n’étaient pas sûres des procédures à suivre pour certaines autorisations ou ce qui est requis pour faire X ou Y. C’est pour cela que je recommande de s’entourer de personnes qui peuvent vous conseiller et vous guider. Pour moi, je ne vous cache pas que ma mère m’a été d’une aide incroyable et je lui en serai toujours reconnaissante. Je pense que beaucoup de porteurs de projets se découragent par le manque de transparence et le nombre de procédures administratives. Sinon, pour le reste, c’est la même chose partout. Tous les entrepreneurs sont, un jour ou l’autre, submergés par le poids des responsabilités cumulées. Il faut juste comprendre que cela fait partie du processus. C’est parfois difficile à gérer et beaucoup laissent tomber en chemin car ils pensent que le problème vient d’eux. Que ce soit en Afrique ou en Europe, on ne peut pas être chef d’entreprise si on n’a pas une détermination incroyable et une force mentale qui arrive à recevoir les chocs et accepter la solitude. Car la vérité, c’est que ce n’est pas aussi « glamour » que beaucoup de gens le pensent.
Comment voyez-vous l’entreprenariat féminin au Maroc ?
Le Maroc a besoin de plus de femmes entrepreneuses. Et par Maroc, je ne parle pas que de Casablanca, Rabat, Tanger et Marrakech. Les femmes sont assez actives mais peu représentées dans la création d’entreprises. Les portes ne sont pas fermées, il faut juste être patientes et les pousser comme on peut pour les ouvrir.
Vous êtes aussi l’initiatrice de la page Facebook « Entrepreneurs & Co ». Pourquoi l’avoir créée et quel est l’objectif ?
Je l’ai créée cette année car je recevais beaucoup de questions à travers mon site. Je m’étais simplement dit que c’est un bon moyen de centraliser tout ceci. On y retrouve des entrepreneurs ou des porteurs de projets de Casablanca, comme de New York ou de Singapour. Le groupe nous permet aussi de tous interagir sur des sujets en communauté.
Avez-vous d’autres projets en construction ?
Pour l’heure, je souhaite continuer à développer mes activités et agrandir mon empreinte sociale.