Bouthaïna Azami, écrivain
Parler de lectures estivales, c’est une façon de restituer à la littérature ce pouvoir qu’on lui oublie de plus en plus, désormais : le pouvoir d’enchanter en ouvrant sur des mondes et des sensibilités, le pouvoir de nous faire à la fois rêver et réfléchir. Chacun de nous a le souvenir de lectures inoubliables, dont nous avons eu le sentiment de ressortir changés, enrichis, marqués. Lire est donc plus qu’une distraction. C’est une véritable expérience, dont nous tirons toujours quelque chose du monde.
Puisque nous parlons de vacances et pour cesser de m’étendre sur un sujet intarissable, je citerai deux de mes plus grands émerveillements estivaux parmi les auteurs contemporains : Verre cassé, d’Alain Mabanckou et le sublime Singué Sabour (Pierre de patience) d’Atiq Rahimi. À découvrir, parmi les romans marocains parus cette année, la fascinante et édifiante Biographie romancée d’Ibn Khaldoun d’Abdesselam Cheddadi et la prenante Enfance métissée d’Abdallah Alaoui.
Et bien sûr, il y a le polar, souvent synonyme de vacances d’été. Et il y a de grands maîtres du genre, surtout parmi les écrivains américains. Parmi eux, une grande star du moment, Michael Connelly, dont les premiers romans valent le détour.
Abdelkader Retnani, éditeur
Je lis actuellement Les leçons du pouvoir, le dernier livre de François Hollande. J’ai également pris dans ma besace Le Maroc qu’on refuse de voir de Reda Dalil. C’est un livre qui remet les pendules à l’heure pour dire où l’on va et devrait être lu par beaucoup de Marocains. Je prends également Ibn Khaldoun, une biographie romancée d’Abdeslam Cheddadi. C’est un véritable roman historique qui nous plonge six siècles en arrière, et nous livre des vérités qui sont toujours d’actualité.
Je m’intéresse également à une petite collection qui s’appelle L’âme des peuples. Cette collection, qui a déjà traité entre autres de l’Allemagne, de l’Albanie, de la Suisse, de l’Iran, de l’Afghanistan, etc. vise à décoder les ressorts profonds d’un pays sans se perdre dans des références culturelles ou historiques compliquées. Nous travaillons avec cet éditeur pour la réalisation d’un livre qui s’intitule Comprendre les Marocains. J’emporte avec moi d’autres livres, comme Pour comprendre vos enfants de Jalil Bennani, Comprendre le Maroc, 30 siècles d’histoire du Maroc d’André Ménard, un historien amoureux du Maroc, et les deux livres de Zakya Daoud, Abdelkrim: une épopée d’or et de sang et Le Détroit de Gibraltar, et enfin Parcours d’un militant Palestinien. C’est un livre très agréable à lire, pleins d’anecdotes et d’enseignements, écrit par Anwar Abu Eishen, un Palestinien qui a exercé le métier de chauffeur à Paris après avoir été expulsé d’Hébron. Il était bardé de diplômes, et a été nommé en 2013 ministre de la culture du gouvernement palestinien.
Ikram Kabbaj, artiste sculpteur
Cet été, mon choix de lecture assidu se porte sur Journey without borders (journée sans frontière), œuvre autobiographique du Sculpteur Isamu Noguchi (1904-1988), avec la collaboration de Masayo Duus. Ce choix de lecture me connecte avec l’univers de Isamu Noguchi, une des figures les plus prolifiques et énigmatiques de l’art au 20ème siècle aux USA. Né à Los Angeles, d’un heureux métissage entre sa mère américaine et son père japonais, sa production artistique s’en trouva enrichie par ce brassage culturel entre l’Orient et l’Occident.
Mon second choix me permet de me remémorer soixante dix années du monde de l’art, avec ses artistes, ses critiques, ses marchands d’art, ses collectionneurs, à travers la lecture de la biographie consacrée par Pierre Assouline à Daniel Henry Kahnweiler (1884-1979), sous le titre éloquent de L’homme de l’art.
Mohamed Merhari, alias Momo, fondateur du L’Boulevard
Je lis actuellement Les amours d’un apprenti boucher de Mohamed Nedali. Ce beau roman que je relis avec beaucoup de plaisir révèle les premiers émois de Thami, un jeune boucher. Je vais lire également cet été deux livres de Zakya Daoud : Zaynab Nefzaouia et Juba 1er. Je suis très intéressé par tout ce qui touche à l’histoire du Maroc, et ces deux livres vont me plonger à coup sûr dans un univers fascinant.
Fettouma Benabdenbi, présidente d’honneur de Terre & Humanisme Maroc
Je suis en train de relire Les semences en voie de disparition, un patrimoine vital de l’humanité. Pierre Rabhi et Juliette Duquesne ont écrit ce livre comme un carnet d’alerte car la raréfaction des semences menace la sécurité alimentaire. Il faut savoir que 75 % de ce patrimoine, trésor irremplaçable de l’humanité et indispensable à notre survie, a déjà disparu. Durant les quarante ou cinquante dernières années, se sont organisés des semenciers à l’échelle mondiale qui contrôlent toute la chaîne alimentaire. Un autre livre de Pierre Rabhi, L’offrande au crépuscule évoque la lutte contre la désertification à travers une approche éthique. C’est un appel pour rétablir la relation du vivant avec la terre, dans le respect de l’humain et de toutes les composantes de la nature. Il y aura aussi Le Prophète de Jabran Khalil Jabrane, que j’ai lu il y a plusieurs années et j’ai envie de relire certains de ses passages qui sont emplis de sagesse. Il y a aussi les ouvrages de Christiane Singer. J’ai lu il y a quelques années un de ses romans, et là j’ai envie de me plonger dans cette magnifique œuvre, et de lire La Mort viennoise, un roman d’une douleur douce, qu’on déguste avec délectation. Enfin, je compte également me plonger dans Soufi mon amour d’Elif Shafak, le roman qui retrace la rencontre entre le poète Rûmi et le célèbre derviche Shams de Tabriz, et qui révèle de façon sublime le refus des conventions et la splendeur de l’amour.
Nourredine Lakhmari, réalisateur
Cet été, je compte lire Mon combat du Norvégien Karl Ove Knausgaard. Cet auteur est très connu en Scandinavie, et son livre est un chef d’œuvre et j’ai hâte de le lire. C’est rare qu’un écrivain me fascine à ce point-là. Ce sont les livres de cet auteur que j’ai envie de lire et de relire. Quand je suis me suis rendu la dernière fois en Norvège, j’ai acheté toute sa collection.
Dans Mon combat, l’auteur parle de la mort d’un père. Le hasard faisant parfois bien les choses, je suis actuellement en train d’écrire le synopsis de mon prochain film qui n’aura rien à voir avec mes précédentes réalisations et qui traitera d’une certaine façon de la relation et des rapports avec le père.
Amina Mesnaoui, libraire
Je profite des vacances pour lire les ouvrages de la prochaine rentrée littéraire, mais aussi prendre le temps de lire certains livres. Il y a d’abord 4 3 2 1, le dernier ouvrage de Paul Auster, auteur de la fameuse Trilogie new yorkaise, Leviathan et Le livre de l’illusion. C’est un livre qui fait plus de 1000 pages, de quoi meubler deux bonnes semaines de vacances. J’emporte également avec moi Méditations marocaines de Fouad Laroui. Ce recueil contient des nouvelles à la fois amusantes, mais graves sur le Maroc. Autre livre que je vais m’empresser de dévorer cet été : Me voici de Jonathan Safran Foer. C’est un roman à la fois tragique et désopilant, féroce et brillant de cet auteur américain à succès. Un autre livre que je prévois de lire pendant ma pause estivale est Averroès ou le secrétaire du diable de Gilbert Sinoué. L’histoire de ce savant est d’une actualité brûlante. J’aurais également le temps de lire deux romans policiers : l’un écrit par la reine du thriller Viveca Sten qui revient avec un livre palpitant : Retour sur l’île ; et le second Dernière danse par la magicienne du roman policier Mary Higgins Clark. Ma sélection comporte également un livre écrit par Jean-Marie Villemot, auteur qui a vécu au Maroc et que j’ai eu le plaisir de connaître. Ses romans policiers, dont le personnage principal est un prêtre avec un nom atypique “Abel Brigand”, sont d’une finesse et d’un suspense égal à celui d’Agatha Christie, enrichis par de nombreuses références de musique, littérature et cinéma. Je vous invite à le découvrir, en commençant par son premier roman L’Œil mort.