Ahlam Chaieri Catharsis par les mots

Ahlam Chaieri se rêvait journaliste. Elle sera médecin anesthésiste-réanimatrice, mais l’écriture et les mots ont toujours été ses compagnons de route préférés. En signant “Le temps traversé”, elle conjure la mort et exalte la vie. Portrait.

Des vers libres, déclamés d’une voix douce, emplissent la salle. L’assistance retient son souffle, emportée dans le flot des émotions savamment distillées par ces phrases au sens subtil. Tout un chacun a vécu dans son for intérieur ce que ces mots décrivent avec justesse. En présentant son premier essai poétique devant le public, Ahlam Chaieri ne s’attendait pas à un tel engouement, mais il faut dire que “Le temps traversé” a trouvé un écho auprès de tous ceux qui ont lu ce recueil d’essais poétiques ou écouté certains de ses passages.

Une carrière scientifique

Née à Tanger où elle a effectué toute sa scolarité jusqu’à l’obtention du baccalauréat avec mention, Ahlam Chaieri a toujours été une élève brillante, collectionnant les bonnes notes. “Pour ma famille et mon entourage, j’étais prédestinée à une carrière scientifique, et on m’a poussée à choisir la section S qui, selon eux, ouvre toutes les voies. Pourtant, j’étais attirée par les lettres, et lorsque j’ai fait une immersion dans une entreprise de presse, en l’occurrence Medi 1 pour mon stage en troisième, j’ai été vraiment séduite…”. Poussée par sa famille, Ahlam poursuit des études de médecine à Rabat. “Je n’avais pas de vocation particulière, mais au fur et à mesure de mes études, j’ai appris à aimer la médecine, et j’aime beaucoup ma spécialité”, explique-t-elle. Comme tout ce qu’elle entreprend, Ahlam décroche avec succès son diplôme de médecine générale, et dans la foulée, elle passe le concours d’internat français en anesthésie-réanimation. “J’y ai passé cinq années, et à la fin de mes études à Paris, j’ai décidé de rentrer au Maroc”. Une décision mûrement réfléchie, confortée par le sentiment de déshumanisation, de précarité et de misère humaine côtoyées dans les urgences, mais aussi au cœur d’une ville presque sans âme. “J’ai beaucoup de gratitude pour mes études à Paris, pour tout ce que j’y ai appris, mais je voulais aussi apporter mon savoir-faire à mon pays.”

Du secteur privé à l’hôpital public

De retour au bercail, Ahlam se jette à corps perdu dans le travail. Tanger, Rabat, Casablanca constituent des escales importantes dans l’exercice de la profession. “Quand j’ai rencontré celui qui allait devenir mon mari, nous avons décidé d’un commun accord de revenir nous installer à Rabat, car cette ville est idéale pour une vie de famille et pour y élever ses enfants…”, confie Ahlam. C’était en 2016. Exerçant depuis son retour de France dans le secteur privé, Ahlam Chaieri va être sujette à des questionnements et des remises en question au moment du confinement et au plus fort de la première vague Covid. “Tout en exerçant dans le privé, j’avais l’occasion de passer à l’hôpital, d’assister aux stages et aux formations. Je suis également membre de l’association des anesthésistes-réanimateurs de la région… Je dois dire que je me cherchais, et le Covid a été le déclencheur qui m’a donné envie de retourner travailler à l’hôpital”, résume Ahlam.

La situation angoissante et inédite vécue par l’humanité au printemps 2020 a eu des répercussions non négligeables sur Ahlam. Alors en congé de maternité, la jeune maman est partagée entre ses propres sentiments, ses responsabilités en sa qualité de médecin anesthésiste-réanimatrice et ses craintes pour ses collègues qui sont en première ligne face à une maladie inconnue. “Dans les hôpitaux, la réalité est dure, profondément triste pour certains patients et certaines familles. Tout cela est angoissant. C’est un traumatisme collectif que la population vit partout dans le monde”, souligne Ahlam. Un an plus tard, elle les rejoint sur le terrain. “J’ai compris au cours de cette dernière année qu’il y avait des choses qui me manquaient et que je ne pouvais trouver qu’à l’hôpital. Actuellement, je suis en cours de recrutement à l’hôpital Avicenne à Rabat, et j’en suis très heureuse,” précise-t-elle toute fière. Un parcours pour le moins atypique, mais assure-t-elle “je ne suis pas la seule dans ce cas. Il y en a beaucoup qui quittent le privé pour le secteur public, mais on n’en parle pas beaucoup…”

L’écriture, une panacée

Cette période perturbée sera aussi celle où elle s’essaiera de façon ordonnée à l’écriture, en couchant ses sentiments, ses appréhensions, ses espoirs et ses angoisses sur le papier. “Aussi loin que je m’en souvienne, j’ai toujours écrit, et je remplissais des carnets de mes mots et des mes pensées. En fait, j’ai toujours préféré formuler les choses par écrit, pour mieux faire passer mon message, véhiculer une pensée juste, avec des mots bien choisis…” Et bien plus tard, Ahlam a commencé à partager ses pensées, ses opinions et ses idées sur des posts publiés sur les réseaux sociaux, et plus tard sur un blog. “Pendant le confinement, mon écriture est devenue plus poétique et mes abonnés ont commencé à m’encourager pour que je puisse en faire quelque chose de plus important… mais c’est en participant à un incubateur d’auteurs monté par mon amie Nargisse Saâdi que cet essai poétique a pris forme. Cet atelier fut un véritable catalyseur. Cela m’a permis de structurer mes idées et de mieux maîtriser le processus d’écriture”, rappelle l’auteure de “Le temps traversé”. Un titre qui renvoie justement à une période particulière dans l’existence de l’humanité. Les phrases poétiques s’enchaînent et libèrent un trop plein d’émotion… “Cette forme d’écriture me convient parfaitement, et ces vers libres qui chantent dans ma tête à longueur de journée reflètent mon ressenti devant une scène vécue à l’hôpital, une impression saisie au détour d’une conversation… Cette prose me libère”, insiste Ahlam qui a trouvé un refuge salvateur dans les mots et les phrases. Ahlam termine l’écriture de son recueil en moins de 3 mois. Ce projet d’écriture, rondement mené, permet à l’auteure de partager et de dépasser certains traumatismes, et de démarrer sereinement un processus de guérison salvateur.

L’urgence de partager ce recueil qui peut trouver écho en chacun de nous, pousse l’auteure de ce recueil poétique à publier son ouvrage à compte d’auteur. “J’ai remarqué que les délais d’édition étaient assez longs à cause du contexte sanitaire, et “Le temps traversé” ne pouvait pas attendre  6 mois ou 1 an avant de voir le jour. Il était le reflet d’une période précise”, dit-elle, satisfaite du chemin parcouru par le livre depuis sa parution et sa présentation à la presse, dans les librairies et les salons littéraires.

Depuis, Ahlam Chaieri travaille sur une deuxième édition de son ouvrage tout en explorant d’autres pistes pour le rendre le plus accessible au plus grand nombre, estimant que cette prose est le meilleur remède pour se sentir mieux.

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