En commémoration de la Journée internationale des familles, votre Ministère a organisé un colloque national autour de la médiation familiale. Pourquoi ce choix ?
Ce colloque national s’inscrit dans le cadre du plan de travail élaboré par le Ministère pour accompagner les grands chantiers lancés par Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, et visant à renforcer la place de la famille au sein du tissu social, à travers ses dimensions éthiques, économiques et sociales. Fort de son expertise dans le domaine, le Ministère travaille actuellement à l’élaboration de la première stratégie nationale de la famille, fondée sur une approche participative impliquant les différents secteurs gouvernementaux ainsi que l’ensemble des acteurs concernés, directement ou indirectement, par les questions familiales.
Le choix de la thématique de la médiation familiale découle d’une conviction profonde quant à son efficacité en tant que mécanisme permettant d’éviter de nombreux conflits, que ce soit durant la vie conjugale ou après la séparation. Elle contribue ainsi au renforcement de la cohésion familiale et à la préservation des droits de tous ses membres, en particulier ceux des enfants. Cette politique nationale comprend un ensemble de dispositions, dont la formation dans des domaines essentiels répartis en trois axes principaux: l’accompagnement des futurs mariés, l’éducation parentale et la médiation familiale.
En ce qui concerne l’axe de l’accompagnement des futurs mariés, les données du dernier Recensement Général de la Population et de l’Habitat révèlent des indicateurs préoccupants quant à la fragilité de l’institution du mariage, notamment la hausse des taux de divorce, parfois pour des raisons peu objectives. Cela met en évidence la nécessité d’interventions préventives, à travers l’éducation parentale, la formation prénuptiale, ainsi que la médiation familiale, en tant qu’outil de gestion des conflits permettant d’en prévenir l’escalade.
On constate que l’accent a été mis sur la famille plutôt que sur la femme. Cela ne risque-t-il pas de marginaliser les questions liées à l’égalité entre les sexes ?
Il est désormais clair que le Maroc a dépassé le stade de la simple reconnaissance de l’égalité entre les femmes et les hommes en matière de droits et de devoirs. Toutefois, nous sommes également conscients que la famille a toujours été étroitement liée à la femme. Et lorsqu’il est question de droits au sein de la famille, il est évident que cela concerne la femme, l’homme et l’enfant. Les programmes nationaux adoptés, conjugués aux efforts déployés pour lutter contre les stéréotypes, ont contribué à des transformations concrètes dans les comportements sociaux, notamment en ce qui concerne le partage des responsabilités au sein de la famille. Il est désormais courant de voir des pères porter leurs enfants et participer aux tâches ménagères…des pratiques qui, il n’y a pas si longtemps, étaient perçues comme contraires à l’image de la “virilité” dans certains milieux. Cette évolution positive constitue une avancée importante vers la consolidation de l’égalité entre les sexes.
L’égalité entre les femmes et les hommes progresse continuellement et commence à se refléter positivement tant dans les pratiques sociales que dans les textes législatifs. Cela se manifeste, par exemple, à travers la proposition visant à ne plus retirer la garde des enfants à une mère divorcée en cas de remariage, contrairement à ce qui prévalait auparavant, où l’homme conservait la garde de ses enfants, indépendamment de ses éventuels remariages.
Et si la politique nationale de l’égalité met principalement l’accent sur la promotion des droits des femmes indépendamment du cadre familial, le ministère accorde aujourd’hui une attention croissante à la famille, en tant que noyau de la société. Il est convaincu que le renforcement de cette structure s’inscrit dans une approche préventive globale. En effet, des phénomènes tels que les enfants en situation de rue, la déscolarisation ou la mendicité sont souvent liés à des dysfonctionnements familiaux. C’est pourquoi le travail sur le renforcement de la cohésion familiale constitue une base essentielle pour traiter ces problématiques à la racine.

La représentation politique est un levier clé pour l’émancipation des femmes. Que propose votre ministère à ce propos ?
Nous prévoyons de lancer, dès l’année prochaine, un programme dédié à l’autonomisation politique des femmes. C’est une priorité, car leur présence au sein des différentes instances élues reste encore insuffisante. Mais pour avancer concrètement, il faut une volonté forte des partis politiques représentés au Parlement, ainsi que des syndicats et des chambres professionnelles qui siègent à la Chambre des conseillers.
Des avancées positives ont déjà été enregistrées dans ce domaine. Au sein du gouvernement, par exemple, nous avons dépassé la moyenne mondiale en matière de représentation féminine. Toutefois, notre objectif est plus ambitieux. Nous espérons atteindre un minimum de 33%, ce qui permettrait au Maroc de dépasser la moyenne mondiale.
D’ailleurs, selon les statistiques internationales, plus de 80 % des pays confient aux femmes des ministères liés aux affaires sociales ou à l’égalité, mais seuls 15 % leur confient les portefeuilles économiques. Le fait que le Maroc ait confié à une femme le ministère de l’Économie et des Finances est un signe fort. Cela traduit une transformation profonde dans les représentations sociales et une évolution notable au sein des partis politiques, qui commencent à faire confiance aux femmes pour des postes stratégiques. Le renforcement de la représentation politique des femmes exige un travail sérieux avec les partis politiques, ainsi qu’une étroite collaboration avec les associations actives sur le terrain, qui jouent un rôle essentiel dans la sensibilisation aux droits et le changement culturel.
Ce déficit de représentation est-il lié au poids des stéréotypes sur les femmes ?
La lutte contre les stéréotypes liés au genre constitue l’un des axes structurants de notre action ministérielle. Nous y travaillons de manière transversale à travers plusieurs initiatives ciblées, en parfaite cohérence avec les orientations nationales. Il faut reconnaître que le Maroc a enregistré des avancées significatives en la matière. Le paysage médiatique, notamment, s’est progressivement engagé dans ce chantier de transformation, contribuant ainsi à déconstruire les représentations traditionnelles associées aux rôles, aux fonctions et aux rapports sociaux de genre.
Cette dynamique est également perceptible dans le domaine de l’éducation. Depuis plus d’une dizaine d’années, le ministère de l’Éducation nationale a entrepris une révision progressive des manuels scolaires afin d’en expurger les contenus véhiculant des clichés sexistes. Mieux encore, on y trouve des représentations plus inclusives, mettant en scène des femmes dans des champs d’action variés. Nous poursuivrons la concertation avec le ministère de l’Éducation nationale en vue de consolider un référentiel pédagogique inclusif, qui rompt avec toute forme de reproduction des inégalités.
Cela étant dit, nous sommes conscients que le chemin reste long. Les indicateurs relatifs aux violences basées sur le genre, bien qu’en légère amélioration, demeurent préoccupants. Certaines perceptions sociales, hélas encore tenaces, tendent à banaliser les violences au sein du couple, voire à les justifier. Cela est d’autant plus problématique lorsque les femmes elles-mêmes intègrent ces violences comme une fatalité, en particulier lorsqu’elles se trouvent dans des situations de dépendance économique.
C’est pourquoi nous réaffirmons l’impératif de poursuivre les efforts de sensibilisation, de prévention, et d’éducation à l’égalité. Car bâtir une société équilibrée et juste suppose un socle commun de valeurs fondé sur la dignité, la justice sociale et la pleine reconnaissance des droits des femmes.
La sensibilisation ne suffit pas : quelles actions concrètes sont engagées en faveur de l’éducation et de l’emploi des personnes en situation de handicap ?
Dans le domaine de l’éducation, des milliers d’élèves en situation de handicap bénéficient chaque année d’un accompagnement personnalisé, grâce à l’implication conjointe du ministère de l’Éducation nationale, du ministère de la Solidarité, de la Famille et de l’Inclusion sociale, de l’Entraide nationale et des associations partenaires. Nous saluons d’ailleurs le rôle déterminant de la société civile, qui agit comme un maillon essentiel dans la garantie du droit à l’éducation inclusive.
En matière d’emploi, la mise en place d’un quota de 7 % de postes dans la fonction publique, ainsi que l’organisation d’un concours national unifié dédié aux personnes en situation de handicap, constituent des avancées notables. Nous sommes cependant conscients que ces mesures doivent encore gagner en efficacité. C’est pourquoi nous avons engagé une réforme des modalités d’accès à ce quota, à travers une adaptation des concours pour répondre aux réalités du terrain.
Par ailleurs, la généralisation prochaine de la “carte de handicap” représente un tournant stratégique. Cette carte, en cours de déploiement, ouvrira l’accès à divers services et avantages (réductions, priorités, etc.), notamment dans les domaines du transport, de la santé ou encore de la culture. Son octroi reposera sur une évaluation renouvelée du handicap, intégrant non seulement les critères médicaux mais également le degré réel de participation sociale, conformément aux standards internationaux les plus récents.
Enfin, la question de l’accompagnement éducatif est au cœur de nos priorités. La scolarisation effective d’un enfant en situation de handicap nécessite souvent un accompagnement pédagogique individualisé, parfois coûteux pour les familles. Afin d’y remédier, nous travaillons au renforcement du cadre légal régissant les établissements de protection sociale ainsi que la professionnalisation des métiers du care, en lien avec l’économie sociale et solidaire.
Nous développons également une offre de formation dédiée à l’accompagnement des personnes âgées, en réponse aux enjeux de vieillissement démographique révélés par le dernier recensement. L’inclusion ne peut être effective que si elle repose sur un continuum de dispositifs adaptés, tout au long de la vie.
La campagne de sensibilisation nationale sur le handicap
La campagne nationale de sensibilisation au handicap lancée par le Ministère de la Solidarité, de l’inclusion sociale et de la famille s’inscrit dans une vision profondément ancrée dans les droits humains. Elle traduit la convergence entre les Hautes Orientations Royales, les dispositions constitutionnelles et les engagements pris dans le cadre du programme gouvernemental. “Notre conviction est claire : il ne peut y avoir de justice sociale sans la pleine jouissance, par toutes et tous, de leurs droits fondamentaux. Et cela ne saurait être atteint sans un changement profond du regard porté sur le handicap. Notre expérience de terrain nous montre encore combien les représentations sociales sont souvent biaisées. Sous l’effet du stigmate ou de la peur du jugement, certaines familles choisissent de soustraire leurs enfants en situation de handicap à la vie publique, les privant ainsi de leur droit à l’éducation, aux loisirs, à l’insertion professionnelle et à une vie digne. À l’opposé, une autre forme de stéréotypisation tend à idéaliser ou à marginaliser ces personnes, en les présentant soit comme incapables, soit comme surhumaines. Ces deux approches sont réductrices et contre-productives. Le message que nous souhaitons faire passer est double. D’une part, le handicap ne signifie ni la fin d’un projet de vie ni la renonciation à ses ambitions. D’autre part, la société dans son ensemble doit dépasser les logiques compassionnelles ou discriminatoires pour inscrire pleinement la question du handicap dans une approche de droits, d’égalité et de dignité”, souligne Naïma Ben Yahya, ministre de la Solidarité, de l’inclusion sociale et de la famille.