u’est-ce qui vous a poussée à devenir actrice, et comment avez-vous débuté votre carrière au cinéma ?
C’est avant tout l’envie de transmettre des émotions et de captiver les gens qui m’a donné le désir de devenir actrice. Très jeune, je faisais des sketchs, je racontais des histoires et je me filmais. Cela me permettait de sortir de mon quotidien, et c’est ainsi que tout a commencé.
Vous avez commencé par faire du théâtre, et vous avez même écrit et mis en scène une pièce intitulée Carré noir sur fond noir, sortie en 2019. Comment avez-vous vécu la transition entre le théâtre et le cinéma ?
J’ai une formation théâtrale. J’ai commencé par l’improvisation au lycée Descartes, puis j’ai suivi des cours de théâtre. Pour moi, le cinéma a été une continuité naturelle de cette formation. Après mon baccalauréat, j’ai étudié à l’étranger, me concentrant sur le théâtre, que j’adore. De retour au Maroc, j’ai joué dans un court métrage de Gabriel Navaro, puis j’ai progressivement évolué vers les séries télévisées.
Votre double héritage franco-marocain est une part importante de votre identité. En quoi influence-t-il votre travail d’actrice et votre approche des rôles que vous incarnez ?
La double culture favorise une ouverture d’esprit et une curiosité qui sont essentielles pour un acteur. Elle m’a appris à observer, à comprendre les autres et à m’adapter à différentes cultures, langues et gestes. Ces outils sont précieux pour incarner des personnages variés et authentiques.
Au quotidien, comment vivez-vous cette double culture, et comment se reflète-t-elle dans vos choix artistiques, notamment dans la sélection de vos rôles ?
Ma double culture influence peut-être implicitement mes choix, mais ce n’est pas conscient. Je sélectionne mes rôles en fonction des thématiques qui me touchent et des sujets qui m’intéressent. Pour moi, il est essentiel que chaque projet ait un sens profond, au-delà de ma double identité.
Quels ont été les plus grands défis que vous avez rencontrés dans votre carrière jusqu’à présent ?
Le lancement de la série “Jouj Wojouh” a été un défi majeur. Passer de l’anonymat à la lumière des projecteurs a été difficile, surtout face aux critiques et à la remise en question de mon identité. De plus, maîtriser le darija a été un autre défi important. Enfin, l’incertitude liée au métier d’acteur, avec des périodes sans travail, est aussi une épreuve.
Dans cette série, votre personnage, une femme grimée en homme vivant dans la rue, aborde des thèmes comme la mendicité et les difficultés auxquelles les femmes sont confrontées dans des milieux hostiles. Qu’est-ce qui vous a attirée dans ce rôle, et comment l’avez-vous préparé ?
J’aime les défis, et ce rôle m’a permis d’explorer une réalité sociale complexe. Pour préparer le rôle de Zakaria, j’ai observé des vidéos fournies par la productrice et je me suis immergée dans le personnage pendant deux mois et demi, en portant son costume dans la rue. Cette expérience m’a permis de ressentir l’injustice et la marginalisation vécues par les sans-abris.
Quelles ont été les principales difficultés pour l’interprétation de ce rôle ?
La plus grande difficulté était d’éviter la caricature. Je devais respecter la réalité des personnes marginalisées et comprendre leur quotidien. Avec l’aide d’un coach, j’ai travaillé pour incarner le personnage de Zakaria avec justesse et sensibilité.
Votre personnage a suscité une polémique au début, certains accusant la série de faire l’apologie de l’homosexualité. Comment avez-vous réagi à ce bad buzz ?
J’ai mal vécu cette polémique, car elle reposait sur des jugements infondés. C’était une période compliquée, mais j’ai appris à y faire face.
Avez-vous déjà refusé un rôle ?
Oui, j’ai refusé des rôles lorsque les sujets ne me semblaient pas pertinents ou qu’ils véhiculaient des clichés ou de la vulgarité gratuite. Je refuse également les projets qui attaquent la religion ou qui manquent de respect envers certaines communautés.
Cette série aborde des thématiques sociétales fortes. Avez-vous senti une résonance particulière avec vos propres engagements personnels ou artistiques ?
En tant qu’artiste, je suis porteuse de messages et de valeurs. “Jouj Wojouh” met en lumière des tabous et des non-dits de la société marocaine, ce qui correspond à mon désir de voir évoluer les mentalités.
Pensez-vous que le cinéma et les séries marocaines offrent aujourd’hui plus d’espace aux personnages féminins complexes et forts ?
Absolument. Après “Jouj Wojuoh”, j’ai joué dans “Rihlat 3omor”, où j’ai incarné le personnage d’une femme complexe issue d’un milieu bourgeois. Ces rôles montrent que les femmes peuvent être indépendantes et fortes, ce qui est essentiel.
Quels sont vos futurs projets artistiques ?
J’ai plusieurs projets : un film américain, “The Last Supper”, qui sort en mars, une série produite par Martin Scorsese, “The Saints”, un rôle dans une série de Nouredine Lakhmari, et un film de Mehdi El Khaoudy.
Selon vous, quel est le plus grand défi pour les actrices aujourd’hui dans le monde du cinéma et de la télévision ?
Le principal défi est de gérer l’instabilité du métier et d’obtenir une crédibilité au-delà de l’aspect sexualisé. Les femmes doivent souvent redoubler d’efforts pour être prises au sérieux.
Pensez-vous que l’industrie du cinéma est encore trop attachée à des normes de beauté genrées ?
Les choses évoluent. Par exemple, dans “Jouj Wojouh”, mon personnage était grimé en homme, ce qui montre une ouverture. Des rôles complexes sont désormais attribués à des actrices fortes, comme Nissrine Radi dans le dernier film de Nabil Ayouch “Eveybody Loves Tuda” ou encore Oumayma Barid dans le film de Sofia Alaoui “Animalia”.
Votre style androgyne marque les esprits. Est-ce un choix personnel, une expression de votre identité, ou une manière de défier les normes établies ?
Mon apparence androgyne reflète simplement qui je suis. Je ne cherche pas à choquer, mais à être authentique et fidèle à moi-même.
À travers les rôles que vous interprétez, et plus largement à travers votre carrière, qu’aimeriez-vous transmettre au public ? Qu’aimeriez-vous que l’on retienne de vous ?
J’aimerais que le public oublie ses tracas le temps d’un film. Je ne cherche pas à transmettre un message spécifique, mais plutôt des valeurs comme la liberté, la tolérance et le respect. J’aimerais qu’on se souvienne de moi comme d’une personne joyeuse et authentique.