Jaylann : “Ma chanson Ha Wlidi appartient aux Marocains”

Révélée par The Voice en 2014, Khaoula Moujahid, alias Jaylann, s’impose aujourd’hui avec un style qui lui ressemble. Avec sa chanson “Ha Wlidi”, devenue virale et reprise dans plusieurs langues, la chanteuse a frappé fort. Dans cet entretien, elle se confie sur son parcours, son enfance et la complicité artistique qui la lie à “Beathoven”, son compagnon.

Avec la chanson “Ha Wlidi”, tout a changé pour vous. Racontez-nous cette expérience, de son éclosion à son effet retentissant ?

Tout a commencé à la maison. J’ai écrit, composé et enregistré loin du stress des studios, dans une atmosphère de sérénité. Quand la première phrase:“Nmout 3la bladi w walidiya” (Je mourrais pour mon pays et mes parents) a jailli, j’ai ressenti ce frisson indescriptible, cette fameuse tbouricha. Avec Beathoven, mon compagnon, nous rêvions depuis des années d’offrir au Maroc une chanson qui exprime notre amour et notre attachement à notre pays. Nous avons pris le temps de la bâtir, pas à pas, jusque dans les moindres détails du clip.

Jamais je n’aurais imaginé un tel engouement. La chanson Ha Wlidi a voyagé dans une dizaine de pays, elle a été reprise dans plusieurs langues, et surtout, les Marocains se la sont appropriée. Ils l’ont intégrée à leurs vidéos, à leur quotidien, comme si elle faisait déjà partie de leur identité. C’est ma plus belle victoire : aujourd’hui, cette chanson appartient au Maroc et aux Marocains.

Manteau oversize en denim, Hanout Boutique. Ceinture en cuir, Ali Drissi.
Cuissardes, Molato.
Collier, Goossens chez Naïs concept.

Avant Jaylann, il y avait Khaoula, l’adolescente de Salé. Quels souvenirs gardez-vous de cette période ?

C’est une question qui me touche beaucoup, parce qu’elle me ramène à une époque pleine d’émotions. J’étais une enfant solitaire, victime de harcèlement à l’école. Je me sentais isolée, mais la musique est devenue mon refuge, ma façon de guérir. J’ai grandi dans une famille d’artistes : mon père, bien sûr, mais aussi ma mère, passionnée de chant. Tous les trois, nous partagions cette énergie presque spirituelle que la musique nous offrait.

Je passais des heures seule devant l’ordinateur à chanter, à m’imaginer sur scène, à rêver de notoriété. Ces souvenirs me reviennent chaque fois que je traverse une période de doute. Khaoula, la petite fille que j’étais, reste mon inspiration. C’est elle qui a façonné Jaylann, jour après jour. Elle a résisté à la solitude, au regard des autres, elle s’est battue pour ses rêves. Si je suis encore là aujourd’hui, c’est grâce à elle.

Robe blazer en cuir noir ceinturée XL, Molato.
Boucles d’oreilles, Panconesi.

Vous avez grandi dans une famille d’artistes, avec un père musicien. Quelle place cela a-t-il eu sur votre parcours ? 

Mon père et ma mère appartiennent à la même famille, d’origine sahraouie, et ils ont grandi ensemble à Chellah, à Rabat. Chez nous, la musique faisait partie du quotidien : on se réunissait autour des percussions, tout le monde chantait… sauf moi. J’ai gardé ma voix secrète jusqu’au jour où je l’ai révélée. Ce fut une surprise pour toute la famille. Une belle surprise.

Très vite, je me suis tournée vers le chant occidental, mais mes influences restent un mélange de styles: le chaâbi et le tarab que mon père m’a transmis, la passion de ma mère pour la chanson française et américaine. Ce métissage est devenu ma signature, ce qu’on retrouve dans L’bas, Rohani ou Ha Wlidi. Mon père m’accompagne encore aujourd’hui : il joue du violon dans Ha Wlidi. Pour moi, c’est une grande fierté, car à travers cette chanson, je porte mon rêve… et aussi le sien.

Y a-t-il eu un moment où l’avis de votre famille aurait pu freiner votre vocation ?

Je n’ai jamais ressenti cela, sauf au tout début. Mes parents tenaient à ce que je privilégie mes études, et mon père m’avait avertie : dans ce milieu, c’est encore plus difficile quand on est une femme. Mais tout a basculé le jour où il m’a entendue chanter en public pour la première fois. Il a pleuré. J’ai compris qu’il se reconnaissait en moi, et ce jour-là, il a cru en mon talent autant que moi.

Ce qui nous unit, c’est cette foi dans la musique. Elle est dans notre sang. Mon père m’a transmis cette certitude qu’il faut d’abord croire en soi, même quand le chemin est difficile. Alors oui, il m’a encouragée à aller au bout de mon rêve, tout en s’assurant que je termine mes études et décroche mon diplôme.

Robe blazer en cuir, Katso cuir.
Collier, Goossens chez Naïs concept.

Aujourd’hui, le numérique bouleverse tout, y compris la musique. Comment percevez-vous l’impact d’Internet, notamment dans le succès phénoménal de “Ha Wlidi” ?

Je pense qu’il ne faut pas juger un projet uniquement à ses vues ou à ses “likes”. Beaucoup de belles chansons ne deviennent pas virales, et ça ne veut pas dire qu’elles ne valent rien. Mais pour Ha Wlidi, c’est vrai qu’Internet a permis à la chanson de dépasser les frontières du Maroc et de toucher des publics partout dans le monde.

Avant, il fallait passer par des moyens traditionnels (maisons de disques, télévision, radio, concerts) avec des budgets énormes et beaucoup de temps. Aujourd’hui, un artiste peut porter son projet du début à la fin et le partager avec le monde entier en quelques clics. C’est une force incroyable. Mais je reste lucide: Internet est un couteau à double tranchant. Il rapproche les cultures, mais il éloigne aussi parfois les familles, en remplaçant les vraies discussions par des écrans. C’est pourquoi j’essaie de garder un équilibre. J’aime les moments simples, les réunions de famille, les discussions en face à face. Pour moi, ce sont des instants thérapeutiques, qui nourrissent autant que la musique. L’essentiel, c’est de trouver cet équilibre entre le digital et le réel.

Robe longue en dentelle noire et ceinture taille haute en cuir,
Ali Drissi.
Boucles d’oreilles et manchette, Goossens chez Naïs concept.

Est-il plus facile pour une artiste d’être mariée à un artiste, comme c’est votre cas avec Beathoven ?

Je ne parle jamais de ma vie privée, je préfère garder cette partie loin des réseaux. Mais je peux avouer une chose : je suis chanceuse. Mon rêve, depuis toujours, était de partager ma vie avec quelqu’un qui me ressemble, qui a la même passion et la même sensibilité artistique. Ce n’est pas évident pour une femme artiste de trouver l’équilibre avec un partenaire extérieur au milieu musical. Les façons de penser sont différentes. Avec Beathoven, tout est plus fluide. Il capte mes émotions, il comprend mes silences et sait toujours comment réagir, exactement comme je le fais pour lui. Notre complicité est née de la fusion de deux amours : celui de l’art et celui du cœur.

Votre lien avec Beathoven, c’est d’abord le cœur ou l’accord artistique ?

Je dirais les deux… mais le cœur avant tout. L’amour ouvre toutes les portes. Sans lui, même le plus grand talent ou la plus belle complicité musicale n’auraient pas suffi. C’est parce qu’il y a ce lien intime, sincère et profond que tout le reste prend sens : créer ensemble, rêver ensemble, affronter les difficultés ensemble. Travailler main dans la main avec la personne qu’on aime, ça change tout. Chaque étape devient différente: du premier accord au dernier plan du clip, il y a une énergie particulière. Le cœur donne une force que l’art seul ne peut pas offrir. Alors oui, je le souligne toujours: le cœur avant l’accord artistique.

Ensemble veste et jupe en cuir effet croco, Zila Russi.
Boucles d’oreilles oversized, collection privée.

Beaucoup de célébrités affichent leur couple sur les réseaux sociaux comme stratégie de visibilité. Qu’en pensez-vous ? Et pourquoi avoir choisi des noms de scène si particuliers ?

Je préfère ne pas répondre au premier point. Ma vie privée est personnelle et je n’ai aucune envie de la transformer en sujet public à travers un post. Ce qui est intime doit rester protégé. Nous sommes des artistes, mais aussi des personnes qui aiment la vie et la simplicité. Quant à nos noms de scène, ils sont nés d’un choix du cœur. Derrière, il y avait de l’amour, une vision et une vraie passion pour ce métier. Ces pseudonymes sont devenus une identité à part entière, une façon de dire au public : voici l’univers dans lequel on veut vous emmener.

Robe longue en jersey drapée sur les épaules, Maison AYU. Boucles d’oreilles, Goossens chez Naïs concept.

Votre métier est souvent associé à la notoriété et aux vues. Comment vivez-vous cela, et que promettez-vous à votre public à l’avenir ?

Je n’ai jamais fait de musique pour obtenir des “likes”. Je l’exerce comme je l’ai toujours rêvé : avec passion, patience et respect. Tant que j’aurai l’énergie, je continuerai à donner le meilleur de moi-même… Ce que je promets au public, c’est l’exigence et le partage. Je veux avancer avec mon équipe, fidèle à ce que je suis, loin du stress et de l’ego. J’espère que nos prochains projets apporteront encore plus de joie et de fierté. Et je suis surtout heureuse qu’aujourd’hui Ha Wlidi soit devenue la chanson du Maroc et des Marocains. C’est leur victoire autant que la mienne.­

 

Direction artistique et stylisme Anas Yassine

Photographe Mohamed sajid 

Make-up Souha salah 

Coiffure Sef Nour

Looks  Nais concept – Zilarussi shoes – Maison ayu – Atelier sal idrissi – Molato – Hanout boutique

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