Quelle est aujourd’hui la fréquence du cancer du sein au Maroc et comment évoluent les chiffres ?
Le cancer du sein est aujourd’hui le cancer le plus fréquent chez la femme au Maroc. Il représente environ 1 cas de cancer sur 3. Chaque année, ce sont plusieurs milliers de nouvelles patientes qui sont touchées. La tendance du nombre de cas diagnostiqués est à la hausse, non seulement parce que l’incidence augmente, mais aussi parce que les femmes recourent davantage au dépistage, ce qui permet de diagnostiquer des cancers plus précocement qu’auparavant. Ceci démontre la prise de conscience des femmes grâce à la sensibilisation des professionnels de santé dans les médias ainsi que la multiplication de centres au Maroc.
Quelles sont, selon vous, les principales difficultés rencontrées par les patientes suite à ce diagnostic ?
La première difficulté est le choc émotionnel et psychologique : recevoir ce diagnostic reste un traumatisme majeur. Ensuite, il y a des inégalités d’accès aux soins : selon la région, le niveau socio-économique, les délais et la qualité de la prise en charge peuvent varier. Enfin, il existe encore des tabous et une certaine peur autour du cancer, qui font que certaines femmes consultent tardivement.
À partir de quel âge conseillez-vous un dépistage régulier ?
Le dépistage organisé au Maroc cible les femmes entre 40 et 69 ans, avec une mammographie tous les 2 ans. Mais il est important de rappeler que pour les femmes avec des antécédents familiaux du cancer du sein, la surveillance doit commencer plus tôt, parfois dès 35 ans, avec une approche personnalisée.
La mammographie est-elle aujourd’hui accessible à toutes les femmes ?
En théorie, oui, puisque le Maroc dispose d’un programme national de dépistage et d’un réseau de centres. Mais en pratique, l’accessibilité reste inégale : dans les grandes villes, l’accès est relativement aisé, alors que dans les régions rurales, les patients doivent parcourir de longues distances. De plus, l’information et la sensibilisation restent essentielles pour que les femmes aient recours au dépistage.
Quels efforts restent à fournir en matière de sensibilisation et d’éducation à la santé ?
Il faut intensifier les campagnes d’information, aller vers les femmes, surtout dans les zones rurales. Il faut aussi intégrer la dimension psychologique et culturelle, en luttant contre les idées reçues et en encourageant la parole. Enfin, il est nécessaire de renforcer la formation des professionnels de santé de première ligne, pour que chaque médecin ou infirmier puisse orienter les femmes.
Quels sont les traitements les plus utilisés actuellement au Maroc pour le cancer du sein ?
Les traitements disponibles au Maroc sont conformes aux standards internationaux : La chirurgie (tumorectomie ou mastectomie), la chimiothérapie, la radiothérapie, les thérapies ciblées et hormonales, selon le profil biologique du cancer. On essaie, de plus en plus, d’adapter le traitement à chaque patiente, selon le stade et les caractéristiques de la tumeur.
Dispose-t-on aujourd’hui de thérapies ciblées et de l’immunothérapie dans nos hôpitaux ?
Oui, certaines thérapies ciblées sont disponibles, notamment pour les cancers de sein HER2+. L’immunothérapie commence à être introduite dans certaines indications, mais son accès reste encore limité en raison de son coût élevé et de la disponibilité inégale entre le public et le privé, et l‘indisponibilité de certaines prises en charge au niveau de quelques organismes gestionnaires.
Comment gérez-vous la prise en charge globale des patientes, entre soins médicaux et accompagnement psychologique ?
C’est tout le sens de l’oncologie intégrative, que nous allons bientôt inaugurer : Soigner la tumeur, mais surtout accompagner la femme dans toutes ses dimensions. Les traitements médicaux s’intègrent à une prise en charge humaine et apaisante : Soutien psychologique, ateliers yoga, nutrition, groupes de parole, espaces lumineux et rassurants. Ici, la patiente n’est pas réduite à une maladie : elle est accueillie, comprise et guidée. Notre centre d’oncologie intégrative veut être ce refuge où la médecine rencontre l’humain et où chaque patient retrouve force, dignité et espoir.
Quelles avancées récentes vous semblent les plus prometteuses pour améliorer la prise en charge du cancer du sein ?
Les avancées les plus prometteuses sont les thérapies ciblées de plus en plus personnalisées, l’essor de l’immunothérapie, le développement de la médecine de précision, qui adapte les traitements au profil génétique de la tumeur, et l’importance donnée aux soins de support (nutrition, activité physique, psychologie), qui améliorent considérablement la qualité de vie.
Si vous aviez un message à adresser aux femmes marocaines concernant le cancer du sein, quel serait-il ?
En tant que femme et médecin, je veux vous dire : n’ayez pas peur de prendre soin de vous. Le cancer du sein détecté tôt se soigne très bien. Mais au-delà des chiffres, je connais la force incroyable des femmes marocaines. Vous portez une lumière même dans l’épreuve. Vous n’êtes pas seules : Nous avons créé des centres pour vous entourer, prendre soin de vous, vous guérir et transformer cette épreuve en chemin de vie. Mon message est un message d’amour, de courage et d’optimisme : vous êtes plus fortes que vous ne l’imaginez !
Quels sont aujourd’hui les coûts moyens de la prise en charge du cancer du sein dans le secteur public et dans le secteur privé au Maroc, et quelles inégalités observez-vous entre les deux ?
Dans le secteur public, une partie importante des traitements est prise en charge par l’État, ce qui réduit les coûts pour les patient(e)s, mais avec parfois des délais longs et des ressources limitées. Dans le secteur privé, l’accès est plus rapide et souvent plus confortable, mais les coûts peuvent être plus élevés, en particulier pour les thérapies ciblées et l’immunothérapie. Il existe donc une véritable inégalité d’accès, qui doit être corrigée par une meilleure couverture médicale et des partenariats public-privé.