Aurore Bergé : “Le Maroc a fait un choix en faveur des femmes”

Alors que le Maroc s’apprête à rejoindre le groupe d’États engagés dans la diplomatie féministe, Aurore Bergé, ministre française chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les Discriminations, souligne l’importance d’un engagement politique fort en faveur des droits des femmes. Entre réformes législatives, coopération et lutte contre les discriminations, elle invite à “rêver grand, sans excuse, sans limite” pour construire un avenir plus égalitaire et inclusif.

Votre visite s’inscrit dans le cadre du “partenariat d’exception renforcé” entre la France et le Maroc. Comment ce partenariat se décline-t-il sur le terrain  ?

C’est un partenariat absolument décisif. Je pense qu’il était important que la France fasse le choix du Maroc, qu’elle choisisse de renforcer une coopération essentielle. Il ne s’agit pas seulement d’une relation entre deux États : ce sont des destins liés, des peuples frères, des nations sœurs. Il faut assumer cet héritage commun et en faire une force.

Les échanges sont évidents : les étudiants marocains forment la première communauté estudiantine étrangère en France, et cela a des répercussions sur tous les plans, économique, commercial, industriel, énergétique, mais aussi culturel. Nous sommes ici à l’Institut français : le Maroc compte 12 Instituts français, ce qui constitue le plus grand réseau international de la France, et ce n’est pas un hasard. Cela témoigne de notre lien avec les artistes et les créateurs.

Je tenais à ce que cette coopération se décline aussi sur les questions sociales et sociétales. Ce n’est pas toujours simple à formaliser dans des textes, mais c’est précisément le sens de ces échanges : le dialogue avec les entreprises, la société civile, les membres du gouvernement. C’est aussi la signature de protocoles d’accord, comme celui que j’ai signé ici au Maroc sur la lutte contre toutes les formes de violences faites aux femmes. Enfin, il y a aussi la volonté d’apprendre du Maroc. Par exemple, sur les métiers d’ingénierie, la France a du retard, et c’est un véritable gâchis, humain et  économique. À l’inverse, le Maroc est en avance. C’est pour cela qu’il était important pour moi d’être ici (NDLR. 23-25 Juin 2025), pour avoir ces échanges et ce partage d’expériences.

Le Maroc s’apprête à rejoindre un groupe d’États engagés dans la diplomatie féministe. Que signifie cette adhésion ? 

La diplomatie féministe représente l’engagement d’un État à placer la question de l’égalité des droits et du respect des femmes au cœur de sa politique, tant au niveau national qu’international. Aujourd’hui, nous faisons face à un recul des droits des femmes, pris en étau entre des mouvements néoconservateurs qui remettent en cause les acquis des dernières décennies, et des mouvements intégristes, notamment liés à l’islam politique, dont les premières cibles sont précisément les femmes. Ce sont nos corps, nos choix, notre liberté, notre émancipation, mais aussi nos aspirations professionnelles et notre identité même, qui sont visés. Dans ce contexte, il est loin d’être anodin que le Maroc exprime aujourd’hui sa volonté de rejoindre le groupe d’États engagés dans la diplomatie féministe. Ce n’est pas non plus un hasard si la France accueillera, en octobre 2025, une grande conférence sur la diplomatie féministe. Je souhaite que cette conférence dépasse le cadre des seuls États, en y associant les entreprises, la société civile et les grandes organisations féministes internationales, qui mènent des combats essentiels, mais dont les moyens sont parfois mis à mal – notamment depuis que les États-Unis ont brutalement cessé certains financements.

Vous avez rencontré des associations engagées. Quelle importance accordez-vous à la société civile dans la construction de politiques publiques inclusives ?

Je crois qu’il existe quatre acteurs clés dans la construction de politiques publiques inclusives. Le premier, ce sont les États, car ce sont eux qui initient les politiques publiques : ils définissent les priorités, conçoivent les dispositifs, soutiennent et financent les projets. Le deuxième pilier, ce sont les collectivités locales. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de rencontrer des élues locales ainsi que la présidente de l’Association des régions du Maroc, qui est la première femme à occuper ce poste. C’est un signal fort. Troisième acteur : les entreprises. Elles ont un rôle politique à jouer à travers leurs politiques de recrutement, les écarts de salaires, ou encore les dispositifs sociaux qu’elles mettent en place.

Enfin, les associations sont essentielles. Elles interviennent directement sur le terrain, elles portent la voix des femmes, elles font du plaidoyer auprès des parlementaires, du gouvernement, mais aussi auprès du secteur privé. Elles ont également joué un rôle actif dans le cadre de la réforme du Code de la famille, en formulant des contributions fortes et structurantes.

Le Maroc s’engage à une révision de sa Moudawana. Selon vous, peut-il devenir un modèle régional en matière de législation familiale égalitaire ?

Je tiens tout d’abord à saluer cette initiative. Il y a une dynamique très puissante qui a été lancée par le Roi Mohammed VI il y a deux ans, lorsqu’il a annoncé la révision de la Moudawana. Le discours qu’il a prononcé à cette occasion était d’une grande force et d’un véritable engagement. Dans un contexte international marqué par des reculs, chaque avancée doit être saluée. Et lorsqu’un pays choisit de faire progresser les droits, les libertés et l’émancipation, cela mérite reconnaissance. Le Maroc, par son positionnement stratégique  peut jouer un rôle structurant à l’échelle régionale. Le pays, de toute évidence, a fait un choix en faveur des femmes.

Certaines femmes issues de la diaspora dénoncent un double plafond de verre. Comment votre ministère entend-il accompagner ces parcours invisibilisés ?

Ce n’est pas un hasard si mon ministère s’intitule “ministère de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations”. Ces deux combats sont, à mes yeux, indissociables. Défendre l’égalité, c’est défendre l’égalité entre les sexes, bien sûr, mais aussi l’égalité des droits humains dans leur globalité. Or, cette égalité passe nécessairement par la lutte contre toutes les formes de discrimination, notamment celles liées à l’origine. Et sur ce point, il faut être lucide : en France, des discriminations persistent. C’est pourquoi j’ai récemment annoncé une expérimentation de grande ampleur pour tester les discriminations à l’embauche. En collaboration avec un laboratoire de recherche indépendant, l’État va envoyer des milliers de candidatures fictives en réponse à des offres d’emploi réelles. L’objectif : mesurer si le prénom, le nom, l’adresse ou le sexe influencent les chances d’obtenir un entretien. Une fois les données collectées, nous pourrons confronter les entreprises à des résultats concrets, objectifs, indiscutables. 

À partir de là, il ne s’agira plus d’un débat subjectif, mais d’une réalité chiffrée, documentée, face à laquelle il faudra agir.

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