Né en Inde il y a des siècles, le tantrisme est une véritable voie spirituelle, enracinée dans les traditions hindoues et bouddhistes, qui considèrent le corps, l’esprit et l’énergie comme un tout indissociable. Pour Zineb Belkhayat, sexologue “le tantra est une invitation à vivre chaque expérience dans une pleine conscience”. Que ce soit manger, respirer ou faire l’amour, chaque acte devient un rituel de présence à soi et à l’autre. Appliqué à la sexualité, le tantrisme transforme l’intimité en une exploration sensorielle et émotionnelle. Il ne s’agit pas de performance ou de technique, mais d’écoute, de lenteur et de connexion. “Le tantra n’est pas une discipline sexuelle, c’est une manière d’être au monde, à l’autre et à soi-même”, précise la spécialiste. Dans l’imaginaire collectif, le tantra est souvent associé à des positions acrobatiques ou à la promesse d’orgasmes interminables. Mais Zineb Belkhayat rappelle que ces représentations sont réductrices et erronées : “Le tantrisme valorise la lenteur, l’émotion et le toucher conscient, bien plus que les prouesses physiques.” Pas besoin donc d’être initié pour en ressentir les bienfaits: quelques gestes simples, respirer ensemble, se regarder dans les yeux, poser une main sur le cœur, suffisent à amorcer une transformation subtile, mais puissante.
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le tantrisme n’est pas incompatible avec les valeurs culturelles marocaines. Bien au contraire. La sexologue, souligne les ponts possibles avec certaines traditions spirituelles, comme le soufisme, “qui célèbre lui aussi l’union du corps, de l’âme et de l’amour”. Plutôt que de parler frontalement de sexualité, il est possible d’introduire l’essence du tantra par des portes d’entrée plus douces : ateliers de respiration, de méditation, de gestion du stress. “L’important est de cultiver la présence, le respect du corps et l’écoute de l’autre”, insiste-t-elle.
Une voie de reconnexion pour les femmes
Le tantrisme offre aux femmes un espace de redécouverte de leur corps et de leur plaisir, loin des injonctions sociales ou des scénarios figés. À travers des pratiques comme la respiration, la méditation ou le toucher conscient, il permet de libérer les blocages émotionnels et de se réapproprier son intimité avec douceur et bienveillance. “Pour beaucoup de femmes, la sexualité est une zone de tension, de peur ou de devoir. Le tantra offre une voie de libération, une possibilité de redéfinir le plaisir selon ses propres termes”, explique la thérapeute. Il invite à sortir d’une vision mécanique et génitale du plaisir pour explorer un orgasme vécu comme une onde énergétique irradiant tout le corps. Nombreuses sont les femmes qui vivent leur sexualité sous pression : devoir conjugal, attentes non exprimées, culpabilité… Dans ce sens, le tantra propose une sexualité déculpabilisée, sans obligation ni performance. “Le corps devient un sanctuaire, un lieu d’écoute, de plaisir, d’acceptation de soi”, affirme-t-elle. Cette réappropriation corporelle s’accompagne souvent d’une libération émotionnelle. Le tantrisme invite à reconnaître, accueillir et libérer les tensions et les mémoires inscrites dans le corps, notamment au niveau du bassin, siège symbolique de la sexualité et de la créativité féminine. Il ne s’agit pas simplement de “faire l’amour autrement”, mais de s’aimer autrement. “Le tantra nous apprend à ralentir, à ressentir, à nous relier à notre vulnérabilité comme à notre puissance”, résume Zineb Belkhayat. Ce processus peut avoir une véritable portée thérapeutique, en particulier pour celles qui ont connu des expériences sexuelles douloureuses, une éducation culpabilisante ou une intimité marquée par le silence et la soumission. “Le tantra donne la permission d’exister pleinement dans son corps de femme”, assure la sexologue.
Raviver la flamme autrement
Dans les relations de couple, où la libido est en berne, le tantrisme peut jouer un rôle de catalyseur. Face à la routine, aux tensions ou au désir qui s’émousse, il offre des outils concrets et accessibles pour raviver la connexion émotionnelle et physique. “On croit souvent que le désir disparaît avec le temps, mais en réalité, il s’endort faute d’attention. Le tantra propose de lui offrir un nouvel espace”, explique la praticienne. Parmi les pratiques simples proposées : la respiration synchronisée, le regard prolongé, le toucher lent, les méditations à deux. Ces moments partagés permettent de ralentir, de se redécouvrir et de sortir du mode automatique. “Il ne s’agit pas de faire plus, mais de faire mieux, avec plus de présence et moins de distraction”, insiste-t-elle. Même dans une vie rythmée par les responsabilités, il est possible d’introduire des micro-pratiques tantriques. “Trois minutes de silence partagées, un câlin sans parole, un dîner sans téléphone… Ce sont des gestes simples, mais puissants”, note Zineb Belkhayat. Ces instants créent un espace de reconnexion où l’on peut se rencontrer autrement, au-delà des rôles sociaux et des attentes quotidiennes. Le tantrisme n’est pas un remède miracle, ni une performance à maîtriser. C’est une invitation à redonner du sens à la relation : “Dans un monde qui valorise la vitesse et la productivité, le tantra nous rappelle l’importance de ralentir et d’aimer en conscience”. Il permet de faire de chaque moment un rituel d’amour, où la tendresse et la sincérité deviennent les fondements du lien. “Mieux vaut 20 minutes de vraie connexion qu’une heure de distraction”, résume-t-elle. Ainsi, le tantrisme propose une sexualité relationnelle, sensible et évolutive, où le couple devient un espace de croissance commune. Ce n’est pas une finalité, mais un chemin à deux, fait de curiosité, de lenteur et d’amour de soi et de l’autre.