Trouver la bonne nounou pour son enfant peut être une véritable source de stress pour les parents. Entre appréhension, culpabilité et crainte de choisir la “mauvaise” personne, l’inquiétude est bien légitime. Après tout, cette personne sera en charge de votre tout-petit pendant de longues heures, jouant un rôle clé dans son développement, son bien-être et son épanouissement jusqu’à son entrée à l’école et parfois au-delà. “Choisir une nounou, c’est confier à une tierce personne ce que l’on a de plus précieux”, rappelle d’emblée Dr. Imane Kendili, psychiatre, psychothérapeute et professeure affiliée à l’UM6P. Ce choix ne doit pas se faire à la légère, ni uniquement sur recommandation. “L’expérience est un critère de base, certes, mais il est essentiel d’aller au-delà du CV : observer la posture émotionnelle, évaluer la capacité d’adaptation, sentir la justesse du lien potentiel avec votre enfant”, poursuit la spécialiste.
Les références, les échanges avec d’anciens employeurs, l’assurance dans les réponses à des situations concrètes sont autant d’éléments qui peuvent rassurer. Mais plus encore, il faut écouter son ressenti. “L’instinct parental est un guide puissant. Si quelque chose vous met mal à l’aise sans que vous puissiez l’expliquer, cela mérite d’être entendu”, appuie la psychothérapeute.
Un entretien qui dit plus que des mots
Même si la nounou a été chaudement recommandée, un entretien s’impose. Mais pas un interrogatoire. Pour la psychiatre, il s’agit d’un moment d’observation fine, un temps pour écouter, ressentir, questionner, avec bienveillance mais sans complaisance. “Installez-vous dans un endroit calme, sans distraction, avec votre enfant présent, mais libre. N’intervenez pas immédiatement dans la relation, observez comment elle s’adresse à lui: est-ce qu’elle l’ignore ? Se met-elle naturellement à sa hauteur ? Essaie-t-elle de créer un lien sans forcer ?”, recommande la psychiatre. Quant aux questions, elles doivent être concrètes, ouvertes, selon Imane Kendili : Comment réagit-elle à un refus de sieste ? À une colère? Quelles activités propose-t-elle à un bébé de deux ans? L’objectif n’est pas de cocher des cases, mais d’entrer dans la logique et la sensibilité de la personne.
“Une nounou n’est pas une exécutante. Elle est un repère affectif”, insiste Imane Kendili. Ce lien d’attachement secondaire exige une stabilité émotionnelle à toute épreuve. “L’enfant capte tout : anxiété, impatience, agitation. La capacité à contenir, à être présente sans être intrusive, à poser un cadre avec douceur est fondamentale”, précise la psychothérapeute.
Les autres qualités essentielles selon la spécialiste sont: patience, bienveillance, souplesse, discrétion. Cette dernière aptitude est souvent négligée, et pourtant cruciale. “La nounou entre dans l’intimité d’un foyer. Elle doit respecter ce qu’elle voit, entendre sans juger, garder pour elle ce qu’elle observe.” La loyauté silencieuse, en somme. Autre qualité à valoriser est la capacité d’adaptation. “Chaque enfant est unique, chaque famille a ses habitudes. Une nounou doit pouvoir s’ajuster aux règles de la maison, aux rituels de l’enfant, sans chercher à imposer ses propres habitudes. Cette souplesse est un signe de maturité affective”, insiste Imane Kendili.
Attention aux tâches multiples
Si certaines familles espèrent une nounou polyvalente, capable aussi de gérer ménage ou repas familiaux, Imane Kendili est claire : “L’idée de confier plusieurs missions à une seule personne peut sembler pratique, voire économique. Mais en réalité, cela pose un vrai enjeu de priorisation. Peut-on vraiment s’occuper pleinement d’un enfant tout en cuisinant pour la famille, en faisant les lessives, ou en nettoyant les pièces de la maison ? Très honnêtement, la réponse est non”. Un enfant, surtout en bas âge, demande une présence constante, attentive, émotionnellement disponible. Trop de tâches diluent cette disponibilité, et l’enfant le ressent.
Il faut aussi penser à l’état émotionnel de la nounou, recommande la spécialiste. Selon elle, une personne débordée, épuisée par des tâches multiples, risque d’être moins patiente, moins attentive, moins empathique. Or, la qualité de la relation avec l’enfant dépend en grande partie de son état intérieur. “Certes, il est possible de ranger avec l’enfant, de nettoyer après un repas, mais tout doit rester dans le cadre de la garde. La bonne question à se poser n’est pas : “Peut-elle tout faire ?” mais,“est-ce que je veux que mon enfant soit pleinement accompagné, regardé, écouté, compris ?””, explique-t-elle.
Les signes d’un bon lien… et les signaux d’alerte
Poser un cadre n’est pas un acte de méfiance, mais une nécessité structurante pour tous. “Il s’agit de clarifier vos principes éducatifs dès le départ : pas d’écran pendant la garde, respect des rituels de sieste, refus de cris ou de chantage. Des phrases simples, posées sans agressivité, permettent d’instaurer un cadre clair”, appuie Imane Kendili. L’experte recommande aussi d’instaurer un support écrit : carnet de liaison, fiche de rituels, habitudes du quotidien. Cela évite les rappels constants et offre un référentiel rassurant. “La clarté du cadre n’empêche pas les marques de confiance. Ce sont elles qui nourrissent une relation équilibrée”, souligne-t-elle.
La communication est le ciment de la relation parent–nounou. Un échange quotidien, même bref, permet de maintenir un lien et de valoriser le rôle de la nounou. Mais surtout, il faut être capable d’entendre ce que la nounou remonte, insiste la psychothérapeute. “Elle voit parfois des choses que vous ne percevez pas encore. L’enfant ne s’exprime pas toujours de la même façon chez vous et avec elle.” Ce regard croisé est une richesse, s’il est accueilli sans jugement.
Un lien sain, cela se voit : l’enfant tend les bras, sourit, se laisse consoler sans confusion. La nounou parle à l’enfant, respecte son rythme, ne surstimule pas, partage des anecdotes. “Elle ne cherche pas à prendre votre place, mais à en créer une à elle, sécurisante, douce, stable”, précise Dr. Kendili. Mais parfois, le lien ne se crée pas. Les pleurs persistants, les changements de comportement, les troubles du sommeil ou de l’alimentation doivent alerter. “L’enfant ressent avant de parler. Et vous, parent, êtes son premier traducteur. Faites-vous confiance”, explique la psychothérapeute.
Enfin, ne vous oubliez pas. Ce choix touche à votre intimité, à vos peurs, à vos attentes profondes. “Clarifiez ce qui vous rassure, ce qui vous inquiète. Il ne s’agit pas de chercher la nounou parfaite, mais celle qui entre en résonance avec votre famille”, ajoute-t-elle avant de conclure : “Si le lien ne se crée pas, vous avez le droit de changer. D’ajuster. De chercher encore. Parce que choisir une nounou, c’est un peu comme tisser un fil invisible entre votre enfant et le monde. Et ce fil, vous pouvez le rendre solide, doux, et porteur de confiance”, conclut Dr. Kendili.