C’est mon histoire: “Nous étions 3 et nous nous aimions”

Je fais partie d’une génération qui croit en l’amour mais ne suit pas des stéréotypes prédifinis. Une génération pour qui le mariage n’est pas un passage obligatoire. Aujourd’hui, j’ai 25 ans et j’ai vécu ce que l’on appelle un polyamour.

Ma rencontre avec Mounir* a eu lieu sur les bancs de l’université. J’étudiais alors la psychologie, et je dédiais mes journées et soirées à approfondir mes connaissances en la matière. Dans ce schéma, il n’y avait nulle place à l’amour. Mais c’était sans compter sur l’arrivée dans mon cours d’un homme au parcours atypique et qui avait décidé de reprendre ses études. C’était le genre d’homme qui ne passe pas inaperçu et qui fait battre le cœur de toutes les jeunes filles. J’étais aussi sous le charme. Il était irrésistible avec ses cheveux noirs d’ébène et son regard profond qui en dit long sur son vécu.

Un jour, en plein cours magistral, Mounir s’installe à côté de moi, et me demande si je pouvais lui envoyer mes notes par mail. Je me suis sentie toute chose! Comment cet homme pouvait-il me demander de l’aide, alors que toutes les autres filles étaient prêtes à lui rendre n’importe quel service pourvu qu’il les remarque ? J’ai bien évidemment accepté. De retour chez moi, je me suis attelée à arranger mes notes que j’avais prises de manière assidue depuis le début de l’année, et je les lui envoie. Sa réponse est immédiate. “Merci pour les cours, Freud serait fière de toi (emoji qui fait un clin d’œil), je t’invite à prendre un café demain à 18h00”.

Atomes crochus

Quelle ne fut ma surprise lorsque je lis ces mots. Mais quelque chose m’échappe. Ce n’était un secret pour personne : Mounir était marié. Je ne savais pas quoi répondre à cette invitation, mon cœur criait oui et ma tête refusait ce que mon cœur lui indiquait de faire ! Mes doigts ont donc instinctivement écrit “Avec plaisir (emoji qui sourit bêtement). Ce fut alors pour moi le début de ce que j’appelle notre relation hors normes !

Nous nous sommes retrouvés dans un café du centre-ville. Je m’y suis rendue car il s’agissait, pour moi, d’un simple café entre camarades. Nous avons longuement discuté. Il m’a  beaucoup parlé de lui et de sa relation avec sa femme qu’il avait connue très jeune. De fil en aiguille, je me suis aussi livrée à lui. Je me souviens qu’il avait beaucoup insisté sur le fait qu’avec sa femme, ils aimaient faire de nouvelles rencontres et entretenir des amitiés fortes qui durent. Des mots qui n’ont pas tout de suite fait écho dans ma tête.

L’amour avec un grand A

Plus le temps passait, plus nous nous rapprochions l’un de l’autre. Il avait à cœur de ne pas mentir à sa femme ni de lui cacher notre relation naissante. Le dernier jour des nos examens, il m’a proposé de partir en voyage avec Sanaa*, sa femme dans leur maison au nord du Maroc. J’étais un peu stressée à l’idée de la rencontrer, mais j’ai fini par accepter. J’ai pris le TGV pour les rejoindre. Ils m’attendaient tous les deux sur le quai de la gare à Tanger. J’étais excitée à l’idée de le revoir, mais j’avais un peu peur de la réaction de sa femme.

Notre été a été résolument placé sous le signe de l’amour avec un grand A. Sanaa était atteinte d’une maladie incurable qu’elle affrontait avec courage et sérénité. Je ressentais pour elle beaucoup d’affection et d’admiration. Au fil des jours, j’ai appris à la connaître, à les connaître. Ils ont appris à m’apprivoiser. Avec mon tempérament bien trempé et ma tête plutôt bien faite, j’ai tendance à avoir réponse à tout, et je dois dire que c’est ce qui les faisait apprécier ma présence. Nous sortions tous les trois au restaurant, et nos discussions étaient animées et très instructives. Nous parlions de tout et de rien, et nous partagions beaucoup de moments ensemble. Nous formions ce qu’on peut appeler un triangle. Au fur et à mesure que le temps passait, je ressentais de l’attachement pour ce couple, et beaucoup d’admiration pour Sanaa. Elle n’était ni mon amie, ni ma rivale et encore moins ma concubine mais j’avais un énorme respect pour elle, pour son parcours et pour ce qu’elle avait accepté de faire par amour pour son mari. J’étais celle que son mari aimait et elle était celle qui aimait son mari envers et contre tout. Leur couple était fort, puissant et je l’adorais.

La clé de notre triangle amoureux ne reposait pas sur le sexe ; nous n’avions pas de plan à trois, car nous n’étions pas libertins. Notre amour se conjuguait à trois. Sanaa n’ignorait rien de mes sentiments pour son mari ni de notre attirance mutuelle, de nos apartés intimes en amoureux… Pendant ces moments-là, elle restait dans sa chambre ou partait se promener seule.

Un trouple qui fonctionne

De retour de vacances, j’ai emménagé chez eux. Nous avons vécu ensemble. Évidemment ma famille et mes amis n’en savaient rien. Personne n’aurait compris les sentiments que nous ressentions les uns pour les autres, tout ce qui nous unissait. Je pense que chaque “couple à trois” est différent, il n’existe pas une seule forme de trouple ou de polyamour. C’est justement la liberté qu’offre le fait de ne pas être monogame ou dans une configuration traditionnelle de l’amour. Nous avions une relation basée sur la communication, le respect et surtout l’Amour.

Aucun nuage n’est venu assombrir notre relation si ce n’est l’état de santé de Sanaa qui a commencé à se dégrader. Nous l’avons soutenu jusqu’à son dernier souffle. Avant de s’éteindre, ses derniers mots furent pour moi “prends soin de lui”. Une sorte de bénédiction qui me fait mesurer la grandeur d’âme de cette femme généreuse…

Lorsqu’elle est morte, nous étions tous les deux bouleversés et tristes, mais une chose est sûre, nous avons été complètement transparents. De cette histoire, je retiens une chose, c’est que la monogamie n’est pas le seul type de vie de couple, et que l’amour peut être vécu de différentes manières. Notre belle histoire devrait remettre en question les relations de couples classiques, car beaucoup de personne mentent à leur partenaire en faisant le choix d’une vie parallèle. Moi-même, j’ai grandi dans une famille classique marocaine, avec tout ce que cela implique comme tabous et non-dits, et où justement mentir était mieux que de faire du mal à quelqu’un.

Aujourd’hui, nous ne sommes plus trois mais deux, mais je continue de dire que nous nous aimions à trois.

* Noms fictifs, changés à la demande des intéressés.

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