Fatim-Zahra Ammor : “Nos artisans sont au cœur de notre action”

À l'occasion des 25 ans de la Caftan Week, Fatim-Zahra Ammor, ministre du Tourisme, de l'Artisanat et de l'Économie Sociale et Solidaire, revient dans cet entretien sur les actions menées par son département pour rendre le secteur de l’artisanat plus compétitif. La valorisation des savoir-faire traditionnels, la structuration du secteur et la création du label “Caftan Marocain” s’inscrivent en droite ligne des engagements de la Ministre.

Cette année marque les 25 ans de la Caftan Week, un évènement devenu emblématique. Qu’est-ce qui vous vient à l’espritquand vous entendez le mot “Caftan ? 

Je pense tout d’abord aux mains habiles de nos artisans qui, de génération en génération, ont su préserver notre précieux savoir-faire tout en le réinventant avec passion. Je pense aussi à la beauté intemporelle du caftan marocain, à travers ses coupes élégantes, ses broderies minutieuses, ses motifs distinctifs, sa sfifa raffinée, et j’en passe.

Je pense aussi à cette nouvelle génération de stylistes marocains qui s’approprient avec créativité les codes du Caftan, et qui illustrent la transmission réussie entre maîtres artisans et jeunes talents. D’ailleurs c’est ce partage qui a permis au Caftan d’évoluer au fil des ans. 

On le voit aujourd’hui, le Caftan plaît ! Il trouve sa place sur les podiums internationaux, et est apprécié par des personnalités du monde entier.

Quels sont les projets concrets qui ont été réalisés dans le secteur de l’artisanat qui vous rendent particulièrement fière ?

L’une des actions majeures est la mise en place du Registre National de l’Artisanat (RNA), qui était attendu par les artisans et les chambres d’artisanat pendant des décennies. Ce registre a coïncidé avec l’opérationnalisation du Chantier Royal de la généralisation de l’Assurance Maladie Obligatoire (AMO), ce qui a permis aux artisans de bénéficier pleinement de cette avancée sociale majeure pour notre pays.  

Un autre chantier sur lequel nous avons travaillé est le développement de la formation professionnelle. Conscients de son importance pour le développement du secteur, nous avons augmenté le nombre d’inscrits dans nos centres de formation de 55% entre 2021 et 2023. 

Cette dynamique globale a été renforcée par la tenue du  1er Conseil National de l’Artisanat sous la présidence de Monsieur le Chef de Gouvernement et la préparation d’une feuille de route pour le développement du secteur.

Enfin, nous avons intensifié nos efforts de promotion tant au niveau national qu’international. Nous organisons des foires au niveau national en partenariat avec les chambres d’artisanat, participons à des salons professionnels internationaux de renom, et développons des partenariats stratégiques avec de grands opérateurs commerciaux, ce qui permet d’ouvrir de nouvelles perspectives pour nos artisans.

Fatim-Zahra Ammor, Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Sociale et Solidaire

Nous observons la disparition progressive de certains savoir-faire, comme la broderie à la main ou le brocard. Quelle est votre stratégie face à ces risques de voir une partie de notre patrimoine disparaitre ?

Nous avons observé effectivement certains métiers d’exception progressivement menacés de disparition. Face à ce risque, nous avons agi sur deux leviers complémentaires.

D’abord, protéger grâce à des outils concrets comme les labels. À ce jour, nous avons déposé plus de 70 labels, aux niveaux national et international, dont le label “Caftan Marocain”. Ce dernier n’est pas qu’un simple label, mais une véritable garantie d’authenticité qui repose sur des critères stricts : techniques de confection ancestrales, matériaux de qualité, respect des motifs traditionnels. Pour établir cette certification d’excellence, nous avons mobilisé toute une équipe d’artisans, de stylistes et d’experts qui ont élaboré un cahier des charges pour s’assurer que chaque pièce labellisée mérite vraiment ce titre.

Ensuite, transmettre, parce qu’un savoir-faire qui ne se partage pas est inévitablement un savoir-faire condamné. C’est tout l’intérêt de notre programme “Trésors des Arts Traditionnels”, mené en partenariat avec l’UNESCO. Avec l’objectif ambitieux de transmettre 32 métiers d’ici 2026, nous pouvons d’ores et déjà dresser un bilan positif. Durant les deux premières éditions de ce programme, ce sont au total 17 métiers qui ont été transmis, chacun à une dizaine d’apprentis passionnés. Parmi ces métiers, je peux citer le brocart, la broderie de Salé, la blousa d’Oujda et le caftan Rbati.

Que diriez-vous aux artisans qui perpétuent ces traditions avec passion, parfois dans l’ombre ? 

Si je devais m’adresser directement à nos artisans, je leur dirais d’abord merci. Merci pour ces heures passées à perfectionner un motif, pour cette patience à transmettre leur savoir, pour cette fierté qu’ils mettent dans chaque pièce.

Mais surtout, je voudrais qu’ils sachent une chose essentielle: nous sommes et resterons à leurs côtés. Cela implique une structuration accrue du secteur, le renforcement de leur compétitivité et la transmission de leurs savoirs. Car ce sont là les prérequis pour que nos artisans puissent travailler de manière saine et contribuer de manière sereine au développement socio-économique de notre pays.

C’est dans ce sens que je lance un appel aux artisans pour qu’ils s’inscrivent massivement au Registre National de l’Artisanat.

Le Caftan s’inspire aujourd’hui de tendances internationales tout en restant ancré dans notre héritage. Comment trouver le juste équilibre entre innovation et respect des racines, surtout face aux risques d’appropriation culturelle ?

Le caftan marocain vit aujourd’hui une évolution passionnante qui reflète parfaitement la dynamique de notre artisanat. Comme partout dans le monde, nous observons cette modernisation nécessaire des techniques de production, et surtout cette fusion subtile entre styles traditionnels et éléments contemporains.

Ce qui est remarquable, c’est que l’évolution du caftan se fait depuis plusieurs années sans compromettre l’âme de notre caftan. Au Maroc, nous avons d’un côté une demande internationale croissante pour des pièces authentiques, et de l’autre, des maâlems d’une créativité rare, capables de s’adapter aux tendances tout en restant fidèles à nos traditions. 

Cette alchimie, nous la devons en partie à la transmission ininterrompue de plusieurs savoir-faire, une prise de conscience collective de la valeur de notre patrimoine, et des mécanismes de protection importants. 

Quant à l’appropriation culturelle, notre patrimoine est tellement bien ancré qu’il  est impossible à qui que ce soit d’autre de se l’approprier. Et comme je l’ai dit, notre pays s’arme de tous les moyens techniques et légaux à notre disposition et en parfaite coordination avec les communautés détentrices des savoirs, en l’occurrence les artisans. 

Fatim-Zahra Ammor, Ministre du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie Sociale et Solidaire

Le Maroc a enregistré récemment une croissance remarquable du tourisme. Comment ce dynamisme profite-t-il à l’artisanat local ? Inversement, pensez-vous que notre patrimoine tel que le Caftan renforce l’attractivité de notre destination ?

Effectivement, le tourisme marocain connaît une dynamique sans précédent. En 2024, nous avons accueilli  17,4 millions de touristes, soit un record absolu. Cette dynamique se poursuit en 2025 avec 5,7 millions de touristes à fin avril 2025, soit 1 million de touristes supplémentaires en seulement 4 mois. 

Au-delà de son impact sur l’économie et la création d’emplois directs, le tourisme joue également le rôle de locomotive pour plusieurs autres secteurs, dont l’artisanat.  Pour vous donner un chiffre, les touristes dépensent chaque année 11 milliards de dirhams en produits artisanaux, près de 10% des recettes touristiques totales. Derrière ce chiffre, il y a des milliers d’artisans, souvent dans nos médinas ou zones rurales, qui peuvent vivre dignement de leur savoir-faire.

Mais la relation est aussi à double sens, et le tourisme se nourrit également de l’artisanat. Car 50% des touristes choisissent le Maroc pour sa culture, incluant l’artisanat. Le caftan, les poteries, les tapis, ces pièces sont souvent ce qui marque le plus les voyageurs.

Pour terminer sur une note plus personnelle, quel est votre Caftan coup de cœur parmi les créations de cette édition, et pourquoi ?

Vous me posez là une question bien difficile ! Comment choisir quand chaque pièce présentée cette année était une véritable œuvre d’art ? Ce qui m’a particulièrement marqué, c’est de voir comment la thématique du Sahara Marocain a inspiré les créateurs. Chaque caftan racontait une histoire différente, à travers ses motifs, ses broderies, ses coupes.

Mais au-delà des créations, c’est un autre moment qui restera gravé dans ma mémoire : l’hommage rendu à tous les artisans marocains à travers les 4 grands Mâalems présents. Cette reconnaissance, dans le cadre sublime du Palais Badiî, ce lieu chargé d’histoire, fut un instant rempli d’émotion.

C’est peut-être ça, finalement, mon vrai coup de cœur, non pas une pièce en particulier, mais cette alchimie parfaite entre le génie de nos artisans, la créativité de nos stylistes, et la magie d’un patrimoine vivant qui continue de nous émerveiller.

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