L’équipe de Charlie Hebdo y tenait absolument et a in fine réussi son pari : quatre pages de l’hebdomadaire satirique ont été traduites en turc et distribuées dans un cahier central intégré au journal. Ces pages reprennent l'essentiel des articles et des caricatures de Charlie, y compris sa "une" représentant le prophète Mahomet, à la différence près que celle-ci est publiée en page intérieure. Sur ce dessin signé Luz, le prophète, la larme à l'oeil, tient une pancarte "Je suis Charlie", et au-dessus de cette caricature est écrit « tout est pardonné ».
Un choix lourd de conséquence
Dans un court billet, Hikmet Cetinkaya, l'éditorialiste politique de Cumhuriyet décrit sobrement la caricature et ajoute : "je le répète une fois encore, le terrorisme est un crime contre l'Humanité, quelle que soit son origine. C'est pour cela qu'il (le prophète) tient dans sa main une pancarte « je suis Charlie".
Dans une déclaration citée par les médias turcs, le responsable de la publication du journal, Utku Cakirözer, a expliqué n'avoir publié qu'une sélection "après consultation" et "préparé cette publication dans le respect des sensibilités religieuses de la société (turque) et de la liberté religieuse".
Si la direction de Cumhurivet avait initialement prévu de publier l’intégralité du numéro de Charlie Hebdo, il a finalement été décidé de n’en publier que quatre pages dont la couverture.
Charlie Hebdo tenait particulièrement à la cette version turque
Bien que l’hebdomadaire ait aussi été traduit en anglais, en italien ou en espagnol, pour le rédacteur en chef de Charlie hebdo, Gérard Biard, la version turque est "la plus importante". "S'il n'y avait qu'un média avec lequel je voulais travailler, c'était celui-là, car la Turquie vit un moment difficile et la laïcité y est attaquée", a-t-il souligné.
Fondé en 1924 par un proche du fondateur de la Turquie moderne et laïque, Mustafa Kemal Atatürk, le quotidien est résolument opposé au régime du président Erdogan. Il a fait l'objet ces dernières années de nombreux procès et a été la cible d'attentats. Plusieurs de ces journalistes ont été emprisonnés.
La publication de cet encart fait scandale en Turquie. Si celle-ci a été autorisée, il n’empêche que ce choix a valu de vives critiques au journal et a occasionné une descente de police à l’imprimerie. Ce matin, un important dispositif de sécurité a été mis en place devant la rédaction du journal.