Pris au piège du du hasard

Si pour certains, les jeux de hasard restent une distraction envisageable le week-end ou en vacances, Othmane, lui, a chopé le virus très jeune, jusqu'à perdre toute notion de vie de famille. Il y a laissé le fruit de douze années de travail. Et ce n'est toujours pas la fin de sa love story avec la roulette !...Propos recueillis

J’ai commencé à travailler jeune, juste après avoir eu mon bac. Mon oncle étant cadre supérieur dans un grand établissement bancaire de la place, j’ai accepté sans réfléchir sa proposition de me pistonner pour intégrer la boîte. Le poste n’était pas très attrayant et je devais commencer en bas de l’échelle ; mais dans mon for intérieur, je caressais depuis tout petit le rêve de ressembler un jour à cet oncle, mon idole, un type qui avait réussi dans la vie, faisant honneur à son nom de famille. Ce nom qui nous est à tous très cher mais que mon père a réussi à souiller en mêlant son héritage à une affaire foireuse.

J’AI DONC TRÈS TÔT accédé à l’autonomie financière, un peu trop tôt peut-être car, à 18 ans, j’étais déjà un flambeur ; je dépensais mon argent et celui de ma petite soeur dans les machines à sous lorsqu’on partait en vacances avec mes parents sur la Costa Del Sol. Je m’étais inscrit, en parallèle à mon travail, à des cours de gestion auxquels je me rendais le soir et les week-ends, parce qu’il fallait donner à mon rêve les moyens de se concrétiser. Résultat : le peu de temps qui me restait augmentait ma frustration face à tout ce que les gamins de mon âge pouvaient s’offrir et dont j’étais privé : du temps, des loisirs, de belles voitures…

IL FAUT DIRE QUE mes parents n’étaient pas pauvres mais juste instables. Du plus loin que je me souvienne, ma mère et mon père enchaînaient les ruptures et les réconciliations. Elle, n’a jamais supporté la prodigalité de mon père, fils unique d’une grande famille dont il a hérité de l’amour du luxe et de quelques biens. Lui, a toujours été jaloux de sa manière de nous fédérer et de tous les hommes qu’elle pouvait rencontrer dans son travail. Les revenus arrivaient en dents de scie. Il y a des jours où nous pouvions nous offrir des dîners fastueux dans les meilleurs restaurants, des voyageséclair à Paris pour glaner les dernières collections de fringues, et il y en avait d’autres où on avait du mal à payer les factures de téléphone.

LORSQUE J’AI COMMENCÉ à gagner ma vie, je me suis vite lassé de ce standing aléatoire auquel nos parents nous avaient habitués. Je ne voulais plus souffrir des mauvais jours, rater les fêtes données par la famille de mon père parce que je n’avais pas une nouvelle paire de chaussures italiennes à brandir devant mes cousins. J’ai donc pris la décision de m’installer seul, à l’abri des clivages de notre famille. J’ai emménagé dans un vieil appartement appartenant à mon oncle. Le loyer n’était pas très conséquent mais lorsqu’on a un petit salaire, tout vous paraît cher ! Fort heureusement, j’ai été promu à un meilleur poste parce que j’avais fait valoir le diplôme que je venais de décrocher. Je persistais à vouloir poursuivre mes études. Les matières se décuplaient au bout de la seconde année et mon énergie s’amenuisait entre responsabilités du nouveau poste et pression des examens. Je perdais patience, me rendant compte que je ne vivais pas.

UN SAMEDI SOIR, j’ai accompagné mes cousins au casino de Marrakech. J’étais tout excité à l’idée de pouvoir parier pour gagner. D’emblée, le tintement des pièces a raisonné dans ma tête comme la délicieuse voix d’une amante m’invitant à la rejoindre. J’ai commencé par les machines à sous, mes premières amours. J’ai misé peu et au bout de la troisième tentative, trois jolies pommes toutes rouges ont pointé leur nez devant moi. Je venais de gagner de quoi payer mon hôtel pour deux nuitées. Je n’avais plus, du moins pour ce week-end, à accepter la charité de mes cousins. Je venais d’entrer de pied ferme dans le monde des valeureux. Place à la roulette, en plein milieu des fumeurs de cigares, des ladies aux décolletés vertigineux. Je me sentais appartenir au décor du “CasinoRoyal”. J’étais surpris de mon aisance dans ce monde qui était en train de m’adopter. Je me découvrais une nette vocation pour ce jeu, c’est du moins ce que je me disais en revenant à l’hôtel avec un petit pactole à investir plus tard dans une voiture d’occasion. Quel week-end ! Le meilleur de ma vie, celui qui m’avait fait reprendre confiance en moi, permis d’avoir une voiture et réconcilié avec la chance.

LE VENDREDI D’APRÈS, j’ai quitté Casablanca pour la ville rouge à bord de ma nouvelle voiture. Le chemin vers ma bien-aimée me paraissait long ; la roulette m’attirait comme un aimant. J’avais hâte de me retrouver à cette table, de manipuler les jetons, de me mêler à cette ambiance. Mais la soirée longue et chargée d’émotions alambiquées s’est soldée par un échec puisque j’y ai claqué tout mon salaire et une petite fortune empruntée à ma mère. J’étais pourtant sûr que la chance du week-end dernier allait récidiver. Je suis rentré à Casa avec dans le coeur, le froid de l’échec et le sentiment d’avoir été trahi. Il fallait alors que je contracte un emprunt afin de rembourser ma mère. Mon crédit à la consommation a été débloqué dans les 48 heures qui ont suivi le dépôt de ma demande.

LE VENDREDI SUIVANT, le week-end se profilait à l’horizon et avec, cette envie pressante, jouissive, presque incontrôlable de retourner m’essayer aux jeux de hasard. J’ai hésité entre aller voir ma mère et lui rendre son argent, et prendre la route de la chance. Au réveil, plus aucune hésitation : mon amour du hasard avait, dans la nuit, tout balayé sur son passage, jusqu’à la mauvaise conscience que j’avais la veille envers ma génitrice. Je me l’avouais alors : j’étais devenu accro à ce sentiment de puissance que me procurait le jeu, à cette montée d’adrénaline avec laquelle montait aussi mon estime de moi-même, à mon amour pour la péripétie, cet héritage paternel que j’avais superbement réussi à sauvegarder. Cap sur Marrakech. Ses lumières, son climat et les stars qui y venaient me faisaient penser à Las Vegas, la ville de tous les rêves, une ville que je n’avais jamais visitée mais qui me semblait tellement familière ! J’avais envie de me sentir roi le temps d’un week-end. Un sentiment que j’allais expérimenter tous les week-ends…

AUJOURD’HUI, À TRENTE ANS, je dirige une petite agence bancaire. Mon expérience ainsi que le bac+4 en gestion que j’ai pu décrocher tant bien que mal m’ont valu une belle ascension. Je suis les pas de mon oncle, mais je ne me suis pas encore défait de ma “drogue”. A cause d’elle, je ne possède rien, hormis la voiture dont je suis propriétaire par intermittence. En d’autres termes, je suis l’homme aux 1001 voitures puisque j’en achète une que je revends lorsque je suis à court d’argent, puis rebelote… Et puis, c’est certainement mon accès facile aux crédits qui a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Pris dans le cercle vicieux de mon addiction, je vacille entre l’envie de quitter la banque pour faire valoir mes compétences ailleurs, et celle d’y rester. Côté coeur, je n’ai jamais réussi à fidéliser une seule de mes fiancées. Par fidéliser, entendez que je n’ai jamais pu rester longtemps avec une femme. Tous les drogués vous le diront : il faut croire que les addictions vous empêchent d’en choper d’autres ! Et moi, je n’ai qu’une question : pourquoi n’y a-t-il pas d’assurance pour les jeux de hasard ?

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