Le divorce électronique

À l’ère du “tout-cliquable” et du contact facile, beaucoup de jeunes époux, chez qui la fidélité fait défaut, se ruent sur les réseaux sociaux à la recherche d’amourettes. C’est ainsi que la trahison électronique est née, néologisme dicté par l’envie de tromper dans le plus grand secret.

Aujourd’hui, tout est permis sur les réseaux sociaux… ou presque ! Partant de cette conviction, beaucoup de personnes aspirent à faire des rencontres virtuelles dans le but de les convertir au réel dans les plus brefs délais. Draguer, multiplier les idylles, papillonner et zigzaguer n’a jamais été aussi facile.

Percutants, hallucinants, voire choquants, c’est le moins que l’on puisse dire des témoignages que nous avons collectés dans l’optique de lever le voile sur “la trahison électronique”, “le divorce électronique” et ces nouveaux termes qui font désormais partie de notre langage quotidien. Désormais, la justice marocaine s’en mêle, mais la méconnaissance des textes de lois en vigueur à la peau dure. Responsable en marketing dans une grande société, N. filait le parfait amour avec son ingénieur de mari. Cependant, au bout de dix mois de mariage, une idylle virtuelle est venue agiter ce long fleuve tranquille qui les unissait par le passé. Un jour, alors que le jeune époux était sous la douche, la sonnerie caractéristique de l’application Skype installée sur son iPhone s’est mise à retentir. La photo d’une belle blonde s’est affichée sur l’écran du téléphone, qui n’est pas assez “smart” pour cacher les relations dangereuses.

Emportée par un irrésistible désir de décrocher, N. se laisse aller à sa pulsion et répond à l’appel qui ne lui était surtout pas destiné. “La conne est partie ?”, interroge la belle inconnue à l’autre bout du fil. “C’est la conne elle-même qui te répond”, lance N., tout en gardant son sang-froid.

Cet incident a littéralement tué l’amour qu’elle portait au papa de son nouveau-né. “Qu’il me trompe alors que je venais de mettre au monde son premier enfant n’est pas une bêtise ordinaire. C’est un affront insupportable ! Je ne me suis pas laissée faire. J’ai guerroyé pour prouver que la trahison commise virtuellement était bien réelle, parce que cela suppose la présence d’un nouvel être dans le couple, d’une rivale qui vit, qui respire et que votre conjoint porte dans son cœur”, témoigne-t-elle.

Téméraire de nature, elle refuse catégoriquement de prendre sur elle et décide d’aller jusqu’au bout de son besoin de vengeance. Non sans l’aide d’une amie commune au couple, la jeune Marocaine découvre que celui avec qui elle vivait profitait de ses heures de sommeil pour flirter avec une Française sur Facebook. Il comptait même se marier avec elle, d’après les révélations qu’il a osé rendre publiques devant le juge du tribunal de la famille de Casablanca.

“J’ai prouvé la trahison avec photos et vidéos à l’appui. Car bien que la petite amie de mon ex-conjoint ait eu le soin de dissimuler ses publications sur Facebook, elle affichait, au vu et au su de son entourage et de ses amis, des clichés un peu intimes avec celui qui était mon mari. C’est ainsi que j’ai appris qu’elle lui rendait visite, de temps à autre, au Maroc. Et lui, de son côté, lorsqu’il me disait, documents officiels à l’appui, qu’il allait voyager en France pour assister à des congrès, il n’en était rien…”

En effet, suite à la découverte de la relation à distance, N. a eu le réflexe de récolter tous les signes susceptibles d’intéresser la justice et de représenter des preuves formelles aux yeux des avocats qu’elle a contactés. Avocats au pluriel, parce que la jeune trentenaire a dû frapper à plusieurs cabinets pour prouver qu’elle souffre d’une vraie trahison. Si, parmi eux, il y en a qui n’ont pas cru en cette affaire, un maître compétent en la matière a milité pour protéger le petit nourrisson d’un mois ainsi que sa maman. À ses yeux, les vidéos et les photos n’étaient visiblement pas retouchées et représentaient, de ce fait,

des preuves incontestables.
Cependant, force est de s’interroger sur la manière avec laquelle les avocats marocains parviennent à trier le vrai du faux en la matière. Pour maître Khadija Elmadmad, avocate et professeur universitaire, des comités ad hoc et des enquêtes spécifiques à chaque cas permettent d’éclairer les juristes en la matière et de prouver la véracité ou non des documents et des faits.

De même, toujours selon les termes de la spécialiste, “il faut faire la différence entre l’action civile (demande de divorce), et l’action pénale (demande de sanction du conjoint pour adultère). En matière pénale, la trahison ne peut normalement se baser que sur une action matérielle commise effectivement et avec des preuves à l’appui”. Et d’ajouter: “Mais il  est très difficile de constater la tromperie. Parce que le témoignage d’une personne ne semble pas suffisant pour la prouver. Il faut nécessairement un flagrant délit de la police ou l’aveu de la personne qui  l’a commise.”

De là, on en vient à parler de divorce ou de chiqaq (discorde) électronique. “Les faits constituant le préjudice sont établis par tout moyen de preuve, y compris la déposition de témoins qui sont entendus par le tribunal en chambre de conseil. Si l’épouse ne parvient pas à prouver le préjudice, elle peut recourir à la procédure prévue en matière de discorde”, continue maître Elmadmad, avant de préciser que même par voie électronique, si la faute est prouvée, la femme peut demander des dommages et intérêts.
 
Les lois s’en mêlent…

Il importe de se demander si les preuves digitales de l’ère du “tout-cliquable” sont suffisantes pour remplacer les témoins oculaires d’antan. Pour l’avocate Khadija Elmadmad, tout dépend de l’action entreprise et de la preuve prise en considération : l’action pouvant être pénale ou civile, les preuves digitales, elles, sont soit publiques, soit privées. En matière pénale, elles ne sont prises en considération que dans certains crimes et seulement à la demande du juge (art. 114 du Code de la procédure pénale).

Les  personnes sont  normalement protégées contre toute immersion dans leur vie privée par le biais de l’utilisation de leurs conversations téléphoniques, leurs mails, etc. (art. 108 du Code de procédure civile), sauf si elles ont décidé elles-mêmes de les rendre publiques (sur les réseaux sociaux, par exemple).

Dans ce cas, la femme  peut utiliser les publications sur Facebook ou même les photos comme preuves digitales pour présenter une plainte auprès du procureur du roi qui est alors autorisé à convoquer l’accusé pour enquête. Mais seul l’aveu du conjoint est susceptible d’être utilisé pour constater l’adultère.

En matière civile, les preuves digitales  peuvent être utilisées pour demander le divorce pour préjudice. À une question sur les domaines de compétence de la police digitale marocaine, maître Khadija Elmadmad répond : “à ma connaissance, il n’existe pas de loi spécifique aux preuves digitales et à  leur utilisation, ni une réglementation concernant la police électronique. Il semblerait qu’un projet de loi sur les crimes de l’Internet soit en préparation, mais je pense qu’il concernera plus les crimes de terrorisme et d’injures. La police marocaine intervient parfois dans le domaine électronique pour mettre fin à des sites non conformes à la loi ou à la moralité (à titre d’exemple, l’action de la police marocaine pour faire la chasse aux pages Facebook exposant des Marocaines “dénudées”, notamment sur le fameux site “Scoop Marrakech”).” Autrement dit, bien qu’il soit devenu monnaie courante, le divorce électronique n’est pas si banal qu’il en a l’air et ses rouages inextricables continuent de jouer les prolongations…

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