La toile morbide ou quand la surenchère dans l’horreur inonde le web

Partagée des millions de fois sur la toile, cette photo du petit Aylan échoué sur une plage émeut le monde entier. Diffuser l’horreur pour faire prendre conscience au monde d’une situation tragique, soit. Mais derrière ce partage, ne chercherions-nous pas plutôt à nous rassurer d’être en vie ? Décryptage d’un comportement peut-être moins louable qu’on ne le pense.

Les images insoutenables du petit Aylan échoué sur une plage turque tournent en boucle sur les réseaux sociaux et avec elle celles d’enfants victimes des guerres au Moyen-Orient. Pour que le monde prenne conscience de la gravité de la situation et des conséquences migratoires terribles qu’elle engendre, la diffusion de ce genre d’images peut être utile. Mais la surenchère dans l’horreur ne l’est pas. Elle nous pousse à nous interroger sur notre fascination irrépressible pour le morbide, qui tient beaucoup du voyeurisme macabre. Pourquoi sommes-nous irrésistiblement attirés par le sinistre, les accidents de voiture, les scènes de guerre et de crime ? Pourquoi nous faisons-nous peur de la sorte ? Et pourquoi ressentons-nous le besoin de partager ce sentiment d’horreur avec les autres ?

Je vais bien, tout va bien

La curiosité morbide ne s’acquiert pas par l’éducation ou une culture de la violence. Elle nous est constitutive car elle nous rassure. Tout petits déjà, d’innocentes histoires de loups garou, de sorcières psychopathes et d’ogres cannibales en série nous tenaient en haleine. Terrorisés mais fascinés, nous ressentions une peur jouissive à l’écoute du Petit chaperon rouge, en sécurité sous notre couverture. Une fois adulte, les monstres de notre enfance ont disparu mais pas ce besoin de se faire peur. Dans l’imaginaire collectif, les tueurs en série et les guerres en tout genre ont remplacé les montres de l’enfance. Ils existent, sont potentiellement dangereux, et comme le loup peuvent sortir de sous le lit, mais heureusement, ça n’arrive qu’aux autres. Car si je ressens une certaine jouissance ou un soulagement à la vue du malheur d’un autre, c’est parce que je réalise que ce malheur m’a épargné et que je suis heureux d’y avoir échappé. Regarder cet enfant mort nous horrifie car nous imaginons le nôtre dans une même situation, mais il nous rappelle que le nôtre, justement, est sain et sauf. Une manière de contrôler nos peurs.

Dans Everyone loves a good train wreck : why we can’t look away, un livre sur notre attirance pour le macabre, Eric Wilson explique que cette « compulsion » envers les évènements tragiques nous aide à comprendre ce qui est essentiel à nos existences, la vie, et ce qui ne l’est pas. Le spectacle de la fragilité de l'existence "rend  soudain exaltant le sentiment d’être en vie », explique le sociologue Luc Boltanski.

Mais pourquoi le partager avec d’autres ? Se faire peur ensemble pour mieux se rassurer et décupler le soulagement d’être en vie ? Apparemment. On cherche à se sentir moins seuls face à ce qui nous terrorise, la mort, l’accident, la perte d’un être cher. David Schmid, un chercheur américain, explique que l’existence de ce tueur qui remplace le loup garou dans notre imaginaire collectif renforce le lien entre la communauté des gens normaux, ceux qui ne sont pas comme lui, anormal.

Quand les internautes partagent la photo d’un enfant échoué sur une plage, ils se font une grosse frayeur mais sont rassurés d’être en vie, et avec eux les millions de personnes qui la verront et la partageront à leur tour. Ouf ! Nous voilà des millions à être soulagés de ne pas être à sa place. C’est déjà ça. Dans quelques jours plus personne n’en parlera. 

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