La sexualité expliquée simplement

Alarmées par l'énorme clivage existant entre les référentiels éducatifs de notre société et la réalité sexuelle des Marocains, Nadia Kadiri et Soumia Berrada, ont décidé de mettre leur expérience de médecins psychiatres sexologues et universitaires au profit de la jeunesse, à travers un manuel d'éducation sexuelle.

FDM : Vous venez de publier un manuel d’éducation sexuelle. C’est une première au Maroc. Comment en avez-vous eu l’idée ?

Nadia Kadiri : Il s’agit d’une première au Maroc et dans tout le monde arabo-musulman. C’est le contexte dans lequel nous vivons qui nous a poussées à sortir ce manuel. Ce sont toutes ces difficultés vécues aujourd’hui par notre société, des maladies sexuellement transmissibles qui sont en nette progression, notamment le SIDA, jusqu’au problème des grossesses illégitimes, qui nous ont motivées à en parler dans cet ouvrage. Nous avons voulu mettre en exergue le fossé qui existe entre les types d’éducation sexuelle spécifiques à notre société et, la réalité, l’évidence que l’être humain a besoin d’être à deux, l’âge du mariage qui ne cesse de grimper et cette longue période de célibat qui peut être ponctuée d’envies, de désirs. Aussi, nous avons mûri l’idée de cet ouvrage en constatant la prévalence des troubles sexuels autant chez la femme que chez l’homme marocains. Soumia Berrada : Ce livre n’a été que l’aboutissement d’un certain nombre d’études sur le terrain, de collecte d’informations, d’évaluations, d’analyses. Les travaux universitaires que nous avons préparés avec nos étudiants ont été pour nous d’une grande richesse justement parce ce qu’ils venaient de toutes les régions du Maroc.
Votre manuel explique la virginité, la masturbation, l’homosexualité, dans des termes compréhensibles par tous. Il s’adresse d’ailleurs à la jeunesse. Et si vous deviez expliquer la sexualité de manière concise à nos enfants ?
Nadia Kadiri : La sexualité a une fonction basique, primaire et essentielle : la perpétuation de l’espèce. Sans la sexualité, nous ne serions pas là. A côté de cela, nous ne sommes pas des animaux mais des êtres humains avec tout ce que cela induit comme spécificités. Nous ressentons et aimons. La sexualité s’inscrit dans le domaine des instincts, des affects. Il y a de ce fait, le côté “machine”, mais il y a aussi un côté dans lequel est imprimée la sexualité au fond de nous-mêmes, qui définit comment on se perçoit, que l’on soit homme ou femme, où sont inscrites des choses qui sont en interaction précoce avec notre enfance. La sexualité, c’est donc aussi le plaisir. Et un être humain qui est capable de ressentir du plaisir est capable d’être bien dans sa peau. Par conséquent, pour concilier perpétuation de l’espèce et plaisir, il y a tout un cheminement. L’être humain recherche tout ce qui est plaisir. Mais en la matière, il y a des dérives. Chercher le plaisir, oui, mais encore faut-il le faire dans un cadre psychologique qui soit bien balisé. Pour revenir au livre, nous avons consacré une partie, plus sociologique, à ce qui est tabou ; on y traite de la virginité par exemple, laquelle hante les Marocaines d’abord, et les Marocains ensuite, et dont la préservation est estimée comme essentielle par les femmes non pas vis-à-vis d’elles-mêmes, mais de leurs parents, de leurs familles. En effet, c’est une garantie de la pureté, alors que nous savons tous qu’une jeune fille sous pression trouve des arrangements pour avoir une sexualité tout en gardant sa virginité ou en trouvant le moyen de se la refaire. Nous avons également évoqué l’homosexualité qui est interdite par l’Islam mais qui a toujours existé. La masturbation, prémice du plaisir sexuel (l’autoérotisme) de l’avis de la majorité des scientifiques, est extrêmement mal vue par les jeunes qui, tout en se masturbant, sont très anxieux par rapport aux risques de devenir dépressifs ou de contracter des maladies… Dans ce manuel, nous avons essayé d’expliquer tout cela dans des termes simples, en utilisant des dessins et en invitant le lecteur à répondre à un quiz sur ses connaissances en matière de sexualité.
Vous êtes également fondatrices de l’Association Marocaine et Universitaire de la Santé Sexuelle. Pourriez-vous nous en dire davantage ?
Soumia Berrada : L’association, comme le livre, est un peu le fruit de toutes ces années de travail et d’études sur le terrain. Au bout d’un moment, on s’est dit que ce serait intéressant de regrouper une communauté scientifique autour de cette thématique-là au sein de notre pays. Le but étant de débattre de sujets liés aux recherches scientifiques menées avec une méthodologie scientifique, à l’instar de ce que font toutes les associations médicales.
Et si vous deviez, de ce fait, donner votre avis sur la santé sexuelle des Marocains ?
Soumia Berrada : La santé sexuelle est un domaine très large qui ne comprend pas que le rapport sexuel. Pour que je me prononce en tant que scientifique sur le sujet, il me faut des chiffres, et qui dit chiffres, dit étude approfondie. La santé sexuelle est soumise à plusieurs influences : biologique, génétique, culturelle, sociale, socio-démographique, économique. Et il n’y a pas à ma connaissance d’étude qui regroupe tous ces volets.
Nadia Kadiri : La santé sexuelle est un concept large qui englobe la maturité sexuelle, une maturité affective, une capacité à se lier à l’autre. Par conséquent, c’est quelque chose qui relève plus du bien-être. En dehors de cet aspect épidémiologique qui est important, on pourrait parler des ingrédients d’une bonne santé sexuelle.
Justement, quels sont les ingrédients d’une bonne santé sexuelle ?
Nadia Kadiri : Il faut, en premier lieu, avoir la chance d’être physiologiquement bien né, c’est-à-dire avoir la chance d’avoir une anatomie parfaite. Ensuite, il faut avoir la chance d’avoir des parents stables qui permettent un processus maturatif psychologique donnant lieu à un lien sécurisant. Une bonne santé sexuelle requiert aussi une capacité à être beau ou à séduire, à trouver un partenaire, et enfin, la capacité à être dans un milieu culturel ou social que nous acceptons et qui nous accepte. Donc, une bonne santé sexuelle passe par tout cela. Et bien entendu, on n’a pas tous la chance d’être né beau, d’avoir une mère qui n’est pas dépressive ou qui n’est pas perturbée, qui nous sécurise, d’avoir des parents qui ne sont pas séparés, de ne pas avoir de maladie qui nous handicape. L’essentiel d’une bonne santé sexuelle, c’est d’être dans l’épanouissement, d’être capable de donner et de recevoir de soi-même car nous avons une sexualité que nous vivons à deux, et chacun a son propre bagage intérieur qui lui permet de tirer profit de l’autre. Pour conclure, cela fera l’objet d’un livre qui intéressera plus spécifiquement le couple dans son épanouissement affectif et sexuel.
Quel message voudriez-vous transmettre à nos lectrices, aux femmes du Maroc ?
Nadia Kadiri : Qu’elles soient belles, qu’elles prennent soin d’elles-mêmes, qu’elles essaient de ne pas trop focaliser sur l’autre, et qu’elles ressortent ce qu’elles ont en elles-mêmes. Soumia Berrada : Qu’elles aspirent à une bonne santé sexuelle. â– 
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