Jeunes et sexualité : un grand cri du corps

Chaque mois, autour d'un café, FDM discute avec des jeunes d'un sujet qui les intéresse. Notions sur le sexe, protection lors des rapports... voici ce qu'ils pensent de l'éducation sexuelle.

FDM : Comment s’est faite votre éducation sexuelle ?

Badr : A l’âge de 13 ans, mon père a pris l’initiative d’aborder la question de la sexualité. Il m’a dit que j’allais forcément avoir des copines et a jugé que c’était le moment propice. Il m’a tout expliqué, mais avec beaucoup de pudeur. Il m’a donné quelques conseils pour bien me protéger. Depuis ce jour, à chaque fois que j’avais des questions, j’allais vers lui. Il me répondait alors directement, sans hchouma. Ça a continué ainsi jusqu’à ce que je commence à apprendre par moi-même.

Mouad : Lorsque j’avais 4 ans, j’ai demandé à ma mère de m’expliquer comment j’étais venu au monde. Elle m’a raconté qu’elle et mon père avaient prié Dieu et qu’ils m’avaient trouvé. Mais ça me paraissait illogique… PROPOS RECUEILLIS PAR HAJAR DEHHANI ET BASMA EL HIJRI Chaque mois, autour d’un café, FDM discute avec des jeunes d’un sujet qui les intéresse. Notions sur le sexe, protection lors des rapports… voici ce qu’ils pensent de l’éducation sexuelle. Vers l’âge de 7 ans, j’ai découvert le mensonge et j’ai reposé la question. Elle a fini par me dire la vérité.

Khaoula : C’est un peu compliqué. J’ai une soeur plus âgée de trois ans. Quand elle suivait des cours d’éducation sexuelle, en CM2, elle m’en parlait. J’étais encore jeune et j’avais du mal à comprendre de quoi il s’agissait. C’était ma première initiation et à partir de ce moment, j’ai commencé à y penser, sans que ça ne me hante l’esprit pour autant. Plus tard, j’ai à mon tour assisté à ce cours, mais c’était pour moi une sorte de séance de sciences naturelles, où il était question de découverte du corps.

Nada : Je suis une fille et on est au Maroc. Mon éducation sexuelle s’est faite à un âge plutôt avancé, au lycée, grâce à Internet et aux discussions entre amies. Sinon, les professeurs n’ont pas été d’une grande aide puisqu’on ne se permettait pas de leur poser de telles questions.

Quels sont les outils qui vous ont été les plus utiles dans votre apprentissage ?

Nada : C’est surtout Internet. Comme vous le savez, on a tous des comptes sur Facebook ou accès à YouTube, et on peut lire des articles sur Internet, étrangers surtout, qui parlent de sexualité en général.

Khaoula : Je dirais Internet aussi. Sinon, on trouvait de temps à autre des articles dans certains magazines. Mais il n’y a pas mieux que le Web, c’est clair ! Mouad : Au début, c’est dans les livres que mon père mettait à ma disposition que je trouvais mes réponses. C’était une manière indirecte de m’éduquer sexuellement.Mais c’est surtout lors de ma première expérience physique, vers 15 ans, que j’ai fait mon apprentissage.

Badr : C’est à 70 % la communication avec mon père vu qu’il n’y avait pas de tabou entre nous et que je pouvais lui poser toutes mes questions directement. Mais d’un autre côté, je ne nie pas qu’Internet m’était fort utile.

Avez-vous eu des notions d’éducation sexuelle à l’école ? Quels souvenirs gardez-vous des cours de sciences naturelles ?

Nada : Nous étions dans des classes mixtes, donc dès que le prof évoquait l’anatomie humaine ou les organes génitaux, tout le monde riait. Les garçons qui savaient déjà de quoi il s’agissait rigolaient moins que les filles. C’était bref, on ne dépassait pas une seule séance sur ce sujet ; surtout quand le prof était une femme. Et puis, on n’osait pas du tout poser des questions.

Khaoula : Je me rappelle très bien du jour où le cours de sciences naturelles portait sur l’anatomie humaine… La prof a carrément appelé le directeur à la rescousse ! Il a dû assister avec nous au cours pour que personne n’ose rire, même si on le faisait en cachette. Sinon, on n’a pas appris grand-chose. Ça s’est limité à nous faire découvrir nos organes génitaux. C’est tout.

Badr : C’était en deuxième année de lycée. Je me rappelle qu’en voyant l’organe génital de l’homme ou de la femme, les gens étaient surpris. Ils rigolaient. C’est comme si c’était quelque chose d’extraordinaire. Je pense que c’est dû au tabou qui entoure la question du sexe. Certains profs ont d’ailleurs simplement annulé ce cours.

Mouad : Je ne me rappelle pas avoir assisté à des cours d’anatomie. Mais en terminale, le professeur nous a donné des polycopies sur le sujet qu’on devait lire à la maison. C’est tout. Je pense que l’école marocaine est responsable du manque d’éducation sexuelle. Et à mon avis, c’est en rapport avec la religion, les tabous, le halal et le haram…

Pensez-vous que l’absence d’éducation sexuelle soit liée à la religion ?

Badr : On est certes dans un pays musulman, dans sa majorité, mais il faut voir la réalité en face. Les rapports sexuels en dehors du mariage existent bel et bien, même s’ils sont interdits par l’islam. Il faut donc accepter cette donne. Sinon, on risque de voir encore augmenter le nombre de jeunes atteints par le VIH, d’enfants abandonnés et de femmes qui avortent dans la clandestinité.

Khaoula : Absolument. La société fait en sorte qu’on ne reçoive pas d’éducation sexuelle en croyant que de cette manière, les rapports hors mariage seront inexistants. C’est totalement faux ! Plus de 600 avortements clandestins sont pratiqués chez nous chaque jour. Ce n’est donc pas parce qu’on ne parle pas de sexualité que les relations hors mariage n’existent pas.

Nada : Certains prétendent qu’éduquer sexuellement les jeunes suppose qu’on encourage la pratique du sexe hors mariage. Ils pensent qu’il vaut mieux ne pas en parler pour que les filles gardent leur virginité. Pour les garçons, c’est une autre histoire. Ils ont le droit de tout faire car on ne peut pas savoir s’ils sont toujours puceaux ; alors que les filles ont le fameux test de virginité.

A votre avis, doit-on introduire des cours d’éducation sexuelle dans l’enseignement ? Si oui, à partir de quel âge ?

Khaoula : Oui, mais il faut d’abord expliquer aux gens que l’éducation sexuelle ne consiste pas à montrer aux enfants comment avoir une relation sexuelle ; qu’il est plutôt question d’hygiène et de protection. L’idéal est qu’elle soit enseignée aux enfants à partir de 12-13 ans. Quand j’étais au collège, j’avais un professeur de sciences naturelles qui n’arrêtait pas de nous parler de sexe de manière dégoûtante. Et comme on ignorait tout sur le sujet, on croyait tout ce qu’il nous disait. Il est vraiment arrivé à nous manipuler. Il nous parlait d’inceste, d’homosexualité, de prostitution et nous racontait des choses vraiment immondes. C’était un pervers. Il nous a fait peur à tel point que j’ai commencé à craindre mon propre père…

Nada : Je suis pour l’éducation sexuelle et je pense que les cours devraient commencer dès le plus jeune âge, bien avant la puberté.

Mouad : Je pense qu’on devrait commencer l’éducation sexuelle dès la maternelle, car cela permettrait d’éviter les complexes et phobies qui pourraient survenir par la suite. Dans notre société, à force de mettre un voile sur tout ce qui est tabou, parler de sexualité aux adolescents risque de les choquer.

Badr : Un grand “oui” ! J’ai trois amies qui ont eu des mésaventures à cause de leur ignorance. La première a avorté dans des conditions lamentables après être tombée enceinte. La deuxième a frôlé la mort car elle a essayé de mettre un terme à sa grossesse d’une manière “traditionnelle”, en avalant des herbes, ce qui a provoqué chez elle une hémorragie grave. La troisième a été abusée par son professeur de danse à l’âge de 6 ans. Elle n’a jamais pu en parler à ses parents et a développé un état psychologique très inquiétant. Elle se croyait responsable de cet abus, à tel point qu’elle s’est longtemps infligé des châtiments corporels pour se punir. En voyant de tels cas, je suis encore plus convaincu qu’on devrait enseigner des notions d’éducation sexuelle dès le plus jeune âge.

Pensez-vous que l’éducation sexuelle devrait se limiter uniquement à la notion de protection ?

Badr : En Europe, par exemple, lorsqu’on donne des cours d’éducation sexuelle, on parle de la sexualité en général : comment ça se passe, la reproduction humaine, le cycle d’ovulation, le mécanisme d’érection… sans pour autant rentrer dans les détails ! Il est impératif d’expliquer ces notions générales et surtout, d’insister sur la protection lors des rapports sexuels.

Nada : L’éducation sexuelle ne devrait pas uniquement se limiter à la notion de protection, mais plutôt s’élargir et évoquer la sexualité en général. Par ailleurs, je pense que nous, citadins, avons la chance d’avoir à notre disposition plusieurs outils d’information. Il faut penser à ceux qui, dans le milieu rural, n’ont pas accès à l’école, ni à la télévision, ni à Internet. On pourrait, par exemple, mettre en place des caravanes qui se rendraient dans des zones éloignées pour des actions de sensibilisation…

Khaoula : J’ai eu l’occasion de lire un manuel d’éducation sexuelle de Hollande, et je l’ai trouvé très bien. On y explique la fonction de chaque organe génital et la manière avec laquelle on est censé s’en servir, comment prendre la pilule, se protéger, avoir une relation saine, et plusieurs autres points. Là-bas, ils ont remarqué que depuis qu’ils ont commencé à donner ces cours, le nombre d’avortements et le taux d’atteinte de MST ont chuté. Au Maroc, je ne crois pas qu’il soit possible de mettre en place un tel système, ni d’en parler dans les médias ; surtout avec le PJD au gouvernement et des chaînes comme 2M et la RTM !

Mouad : Pour ma part, je crois qu’on devrait élargir l’éducation sexuelle à des notions autres que la protection. Cela pourrait beaucoup aider à éviter des catastrophes comme les grossesses indésirables, les avortements et les maladies sexuellement transmissibles. Il est donc impératif de sensibiliser les jeunes et de leur expliquer le procédé, les risques… Bref, tout ce qu’ils doivent savoir.

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