Jean Didier Urbain : voyager est un besoin vital

Docteur en anthropologie sociale et culturelle, Jean Didier Urbain est l’auteur de plusieurs recherches et ouvrages qui font de lui une autorité sur le thème du tourisme. Il décrypte les grandes tendances des voyages et des voyageurs.

Quand on lit vos travaux de recherches et vos contributions sur le thème du voyage, on s’aperçoit que les voyageurs ne se ressemblent pas. Est-ce que les voyages nous décrivent ?

En effet, les voyageurs ne se ressemblent pas. Tous voyageurs (c’est leur genre), ils se sont diversifiés au fil du temps et des espaces (c’est leurs espèces), au gré des contextes et des circonstances. C’est la nécessité et l’urgence qui ont sans doute créé les premiers voyageurs – et aujourd’hui encore, réfugiés, exilés, migrants économiques ou climatiques nous le rappellent. Ainsi apparurent les nomades et les vagabonds, les seconds (qui errent) ne devant pas se confondre avec les premiers (qui ont leurs circuits).

Ensuite, comme l’arbre de l’évolution, le genre Voyageur s’est ramifié, avec l’apparition de nouveaux voyageurs au cours de l’histoire, portés ou contraints par diverses obligations : la foi, le commerce, l’ambition des rois, la curiosité. Pèlerins, marchands, missionnaires, conquérants et découvreurs. Puis, s’ajoutant à tous les précédents, il y a eu les explorateurs, les humanistes, les diplomates, les aventuriers. Et enfin, les ethnologues, les naturalistes scientifiques et le… touriste, ultime espèce, apparue à la fin du 18ème  siècle en Angleterre (mais préfigurée dès le 16ème par Montaigne en France), qui invente, hors urgence, nécessité, obligation ou contrainte, le voyage libre, de loisir, de “pure curiosité” et de plaisir. Les récits de voyage racontent ces différences mais aussi les concurrences et les antagonismes entre les espèces de voyageurs.

On va économiser, voire même emprunter pour partir en voyage.

Cela voudrait-il dire que le voyage est un besoin et pas seulement un luxe ?

Oui, le voyage est un besoin à plusieurs titres. Vitales pour les nomades et les vagabonds d’hier et d’aujourd’hui, il est aussi nécessaire à l’homme contemporain, urbanisé, concentré dans les villes, contraint à la promiscuité, avide de vides alternatifs pour santé mentale, osons le dire. Plus les villes sont grandes, plus elles émettent des touristes. Ce n’est pas un hasard… Et puis, en cette période traversée par des terrorismes issus de l’ignorance et de l’intolérance (cela va ensemble), voyager répond au besoin d’apprendre. Comme le disait Montaigne, “Le monde est un livre suffisant” et voyager, c’est donc s’instruire. Mieux encore, un proverbe islandais dit : “Un enfant qui ne sort pas de son village devient vite un idiot”. No comment ? Si. La libre  circulation (polluante) des marchandises ne doit pas entraver la libre circulation de hommes.

Que pensez-vous des globe-trotters, des voyageurs qui partent vers l’inconnu, de ceux qui ont fait du voyage une philosophie, un mode de vie ?

Je pense que ces voyageurs essaient de maintenir un mythe, qui est celui de la découverte et de la performance, dans un monde désormais sans blancs sur les cartes et où il faut sans cesse réinventer de l’exploit contre une technologie qui rend tout possible. Ceux-là, à mon avis, servent surtout un fantasme collectif qu’ils illustrent par des actes inédits ou risqués… Quant au voyage comme philosophie, ceux-là n’en ont pas le monopole. Ils n’en sont que les signes les plus voyants. Les plus exhibés. Mais tout le monde a une philosophie du voyage, si humble soit-il. On ne se déplace pas sans raison. 

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