FDM : Pourquoi ce choix de ceÌleÌbrer votre deÌcennie artistique au Maroc ?
Fathiya Tahiri : C’est un choix si eÌvident et si naturel. Ailleurs, je n’aurais certainement pas ressenti cette reÌtrospective comme une ceÌleÌbration.
Que retirez-vous de cette conseÌcration ma- rocaine ?
Certes, il a fallu que plusieurs de mes œuvres majeures se promeÌ€nent aÌ€ la rencontre d’autres regards avertis et critiques. L’appreÌciation et la reconnaissance de ces creÌations doivent passer par beaucoup de travail, beaucoup de temps et de nombreux voyages. La vocation de l’art et de la creÌation n’est-elle pas, en premier lieu, d’eÌ‚tre partageÌs le plus largement possible, suscitant par laÌ€ meÌ‚me un inteÌreÌ‚t pour le Maroc, sa culture et ses artistes hommes et femmes ? C’eÌtait laÌ€ ma principale motivation. Retrouver ces œuvres aujourd’hui aÌ€ Casablanca me procure une joie immense.
En effectuant ce travail de meÌmoire, avez- vous retrouveÌ une continuiteÌ dans votre œuvre ?
Je ne cherche pas particulieÌ€rement une continuiteÌ dans mon œuvre. Quelle que soit la discipline artistique et son expression, je creÌe en fonction de mon sentiment du moment, ainsi que de mes pulsions et mes impulsions. Etre architecte, c’est rechercher un eÌquilibre, une uniteÌ et une estheÌtique dans l’espace. Qu’il s’agisse de peintures, de sculptures, de bijoux ou d’installations, ces disciplines se rejoignent autour de la meÌ‚me deÌmarche. Quel que soit le support d’expression et l’eÌchelle de mes œuvres, je recherche toujours un tout, une uniteÌ.
Meubles d’art, bijoux, sculptures, peintures… vous avez exploreÌ plusieurs voies de creÌation. Quelle est celle qui vous inspire le plus?
J’adore toutes les formes d’art. Les artistes du monde entier qui nous ont nourris et preÌceÌdeÌs, quels que soient la peÌriode et le lieu, ont permis aÌ€ l’art d’eÌvoluer consideÌrablement. Nous, les Marocains, sommes particulieÌ€rement fiers des expressions culturelles multiples et
“L’EXPRESSION ARTISTIQUE EST POUR MOI UNE LIBERTEÌ ET UNE ALIEÌNATION.”
riches qui se sont accumuleÌes au fil des sieÌ€cles. Ces dernieÌ€res constituent pour nous aujourd’hui un acquis exceptionnel aÌ€ partir duquel chaque artiste rebondit aÌ€ sa manieÌ€re. Pour ma part, l’art contemporain s’impose aÌ€ moi de manieÌ€re instinctive. Ce n’est pas un choix deÌlibeÌreÌ, c’est naturel.
Etait-ce facile de se faire un nom aussi bien au Maroc qu’aÌ€ l’eÌtranger en tant qu’artiste femme ?
Fort heureusement, les artistes femmes sont de plus en plus nombreuses aÌ€ eÌ‚tre reconnues malgreÌ les contraintes qu’elles subissent. Elles font face aÌ€ toutes les difficulteÌs et tous les obstacles graÌ‚ce aÌ€ leur deÌtermination. La femme marocaine artiste apporte incontestablement un plus aÌ€ l’art par son veÌcu et sa sensibiliteÌ inneÌe. Se faire un nom neÌcessite beaucoup de labeur et de seÌrieux. Bien plus qu’on ne l’imagine ! Pour atteindre une certaine creÌdibiliteÌ dans ce domaine, il faut traverser un long chemin joncheÌ d’embuÌ‚ches.
Que gardez-vous en meÌmoire de cette pre- mieÌ€re reconnaissance aÌ€ Venise, en 2002 ? Mon exposition en solo au MuseÌe Correr de Venise en 2002 est le reÌsultat d’une confiance accordeÌe aÌ€ mon travail par lesresponsables de ce haut lieu de la culture internationale. J’ai eÌteÌ honoreÌe et encourageÌe mais aussi, au fond de moi-meÌ‚me, comme artiste marocaine et musulmane, je me suis sentie investie d’une nouvelle responsabiliteÌ : celle de poursuivre mon chemin vers de nouveaux deÌfis et objectifs pour que le palais des Doges ne soit pas uniquement une opportuniteÌ. Que Dieu continue de me donner la force et le courage de poursuivre mon œuvre, et puisse reÌpondre aÌ€ ce besoin de creÌation qui m’habite et me consume, l’expression artistique eÌtant aÌ€ la fois une preÌcieuse liberteÌ, mais aussi une indeÌniable alieÌnation.