Au bureau, ses collègues la surnomment “Puyol”, en référence au défenseur de l’équipe du Blaugrana. Sa carrure baraquée
et sa courte chevelure ondulée n’y sont pas pour grand-chose. Nadia hérite de son surnom à cause de sa grande passion
pour le ballon rond. Fervente supportrice du F.C Barcelone, la jeune femme ne rate aucune rencontre du club catalan depuis plusieurs années. Tout comme elle, un nombre de plus en plus grandissant de femmes s’intéresse à ce sport pour longtemps considéré exclusif au genre masculin. Au-delà des clichés et des idées reçues,les dames aiment le foot, vont au stade,connaissent les règles du jeu et sont parfaitement capables de décortiquer la moindre opération sur la pelouse. “Les habitudes sociales changent. Les femmes illustrent la société et leurs hobbies évoluent. Dans mon entourage, plusieurs femmes suivent les matchs de foot avec leur compagnon ou leurs amis. Non pour tuer le temps, mais par véritable passion”, raconte Amine, 35 ans. Accentuée par la fièvre Barca-Real et son lot de footballeurs attrayants, la passion éminine pour le ballon rond ne cesse de croître. Sur les terrasses de café, dans les salons domestiques ou sur les réseaux ociaux, la passion footballistique féminine commence à prendre de l’ampleur, engendrée par bon nombre de motivations. Entre les supportrices fanatiques, les m’astu-vu séductrices et les flâneuses non initiées, les raisons d’intérêt diffèrent et sont parfois à caractère ostentatoire. “Aujourd’hui, les femmes s’aventurent de plus en plus sur les terrains, jadis exclusifs aux hommes ; et ce, pour bon nombre de motivations. La plus notable reste celle de la confirmation de soi. Elles sont plus modernes, plus émancipées et donc plus égales aux hommes”, analyse le psychologue Abdelaziz El Ghazi.
Le monde à l’envers
Depuis qu’ils se sont mis la bague au doigt, monsieur Foot est en effet… madame. Chaque fin de semaine que Dieu fait, Nabila s’empare de la télécommande et zappe entre les dizaines de chaînes du bouquet sportif. Dans cette famille, les week-ends foot sont classés au rang des sacralités. De la Liga à la Bundesliga, en passant par le Calcio et la Premier League, la jeune maman d’un bout de chou de 6 ans n’en perd aucune miette. C’est une femme passionnée dotée d’un goût éclectique pour le football, au grand dam de son compagnon. “Je suis tenu d’attendre la fin des rencontres cruciales afin d’espérer qu’elle m’accompagne pour sortir le week-end. Sinon, impossible de la faire bouger de son canapé. Il est vraique ça devient lassant à la longue”, déplore son époux. Si quelques femmes aiment réellement ce sport, d’autres font semblant. Sur les fils d’actualité des réseaux sociaux, des phrases comme “Hala Madrid” et “Visca Barca” servent de leitmotiv pendant les soirées du Classico. Des formules simplement énoncées, sans véritable profondeur de sens, ornent les statuts de certaines, dont la motivation première est d’être dans le mouvement. “C’est sexy, une femme qui aime le foot !”, s’enthousiasme Simohamed, jeune cadre de 39 ans. A l’approche d’un match décisif, Internet se transforme en une foire de la discorde. La moindre phrase suffit pour mettre le feu aux poudres et déclencher une avalanche de confrontations verbales dignes des assemblées des Nations unies. Pour Jihane, s’intéresser au foot n’est autre qu’un moyen d’appâter les ommes. “Honnêtement, je ne connais pas grand-chose à ce sport. A l’approche d’un match crucial, mes copines et moi parlons foot car c’est tendance et in. En plus, ça plaît aux hommes”, témoigne la jeune femme.
Jamais prise au sérieux tu seras
A la question : “Que penses-tu des femmes qui aiment le foot ?”, Hassan riposte à bride abattue : “Comme les hommes qui s’épilent entièrement à la cire : contraire au sens commun”. En dépit de sa connotation machiste, la réponsede ce quadragénaire traduit un véritable malaise dans une société où les rôles diffèrent d’un sexe à l’autre. Par définition, et dans l’esprit de la gent masculine, les femmes sont incapables de comprendre et de cerner le principe de ce sport de brutes.Et même si, par grande chance, celles-ci parviennent à rassembler quelques notions, nos amis les gentlemen ne peuvent s’empêcher de les sous-estimer. “Il est difficile de croire qu’une femme puisse maîtriser le jeu, tant j’en fréquente qui ne balancent que des âneries de tout genre sur le foot ! Certaines ne connaissent de ce sport que le nom de quelqueséquipes et se proclament pros”, regrette Adil. Pour Abdelaziz El Ghazi, “chaque nouveauté est au départ mal perçue. L’individu n’arrive pas à accepter certaines habitudes peu coutumières et manifeste par ricochet une certaine réticence. D’où le fait qu’on trouve étrange qu’une femme s’intéresse à un sport communément exclusif aux hommes”. Pourtant, certaines ne se contentent pas uniquement d’aimer le foot, mais choisissent d’en faire leur métier. A l’image d’Ibtissam Zerrouk, qui fait partie de cette nouvelle génération de jeunes journalistes sportives qui sortent du lot. Depuissept années, elle présente le journal sportif sur la deuxième chaîne. “Avant, les femmes n’osaient pas et n’avaient pas le temps de regarder le foot. Mais avec les innombrables chaînes qui nous gavent d’informations sportives, les choses nt changé. Il faut dire que le phénomène des footballeurs séduisants accentue cet intérêt (rires)”, précise-t-elle. Que les emmes s’intéressent au foot, c’est un fait. Cependant, cette donne si peu ancrée dans les esprits du commun des mortels emble devenir de plus en plus monnaie courante. Une dizaine d’années auparavant, elle ne l’était pourtant pas.