deux poids, deux mesures

Pour avoir été maigre, mince, grosse, ronde et difforme, je vous livre mon expérience avec les régimes, le sport, le gavage et la mode... Tirez-en les leçons qui vous plaisent.

pour avoir été maigre, mince, grosse, ronde et difforme, jevous livre mon expérience avec les régimes, le sport, legavage et la mode… Tirez-en les leçons qui vous plaisent.J’ai pénétré dans le monde des femmes à l’âge de 13 ans.Lorsque les petites écervelées de mon âge arboraient fièrement lanaissance de leurs seins en cambrant leurs postérieurs engraissésau pain et aux corticoïdes, je devais encore lutter contre lesâcres senteurs de fenugrec qui garnissaient toutes les recettes demaman. Pas même les glaces et les desserts n’y échappaient !Longtemps après, je continuais à militer pour prouver monappartenance au sexe féminin. Mon arme secrète était lerembourrage. J’ai tout rembourré. Les seins, les fesses, les cuisses,les bras. Je n’ai pas réussi avec les joues. Quand je pense que leBotox existe maintenant… Bref, je n’ai jamais porté de maillot.J’ai enfilé une jupe pour la première fois à l’âge de 20 ans. Je l’aitout de suite regretté d’ailleurs : on m’a traitée de tous les nomsd’oiseaux, dont je ne connaissais pas la plupart.Je ne sais pas à quelle période j’ai changé de bord. Ça s’est faittellement vite que je soupçonne encore ma mère de m’avoiradministré un breuvage douteux. Je n’en avais aucune preuve tangible,mais sa mine enchantée à l’époque ne m’inspirait pas confiance.Soit. Je suis devenue femme, bien plus en chair qu’en os. Etpendant quelques années, durant lesquelles je suis passée du 34au 42, je me sentais bien au chaud dans ma graisse. Un nouveausentiment de tendresse vis-à-vis de mes rondeurs s’est développé,m’empêchant de sombrer dans la douce folie du culte du corps.Nul besoin de vous préciser que mon premier complexe m’a étégracieusement accordé par un homme. Merci l’amour ! Il fallait queje garde les fesses et les seins, mais passer au scalpel tout le reste.Alors pendant des mois, j’ai couru. J’ai sauté. J’ai bouilli dans des selsmarins. J’ai passé des nuits à rêver de la nourriture que je ne pouvaismanger le jour : une thérapie somalienne, paraît-il, stimulant lescapteurs de satiété. J’ai vécu d’eau et d’amour propre. J’ai achetédes robes et des jeans super coûteux, de deux tailles en moins pourme motiver. Le problème, c’est que ça me ruinait et que ma seuleconsolation, je la trouvais dans le gratin de pâtes de maman.Niet. Zéro résultat. Il me fallait fournir plus d’efforts et êtreradicale. J’ai alors tourné la page des régimes et j’ai testé la pertede poids par hypnose. Autant vous dire que j’ai très vite sentila différence sur mes relevés bancaires ! Ça fondait de façonspectaculaire au point où la vue de mon hypnothérapeute meplongea dans un état d’hystérie lors de la dernière séance. Il arefusé de me recevoir la fois d’après.J’ai rencontré un coach qui m’a assuré que je perdrais le poidsinconsciemment grâce à sa programmation neuro-linguistique.

Et bien… ça n’a pas marché ! Pourtant, je n’arrêtais pas de merépéter ses formules d’auto-amaigrissement. Je me les ressassaismême pendant le dessert et les collations : walou !Mon dernier thérapeute fut le psy qui diagnostiqua une névroseobsessionnelle et m’assura que le jour où je cesserai d’y penser,mes bourrelets finiraient juste par disparaître. Et c’est justementen cessant d’y penser que j’ai pris le plus de poids… Mais il fautdire que je n’y pensais plus du tout. C’est déjà ça, non ?Aujourd’hui, je porte mieux mes excès. Boostée par la découvertedes arnaques Photoshop et du pouvoir aveuglant d’un beausourire confiant, j’ai fini par comprendre que le corps n’était quel’enveloppe triviale de l’âme, ce véritable trésor. C’est pas beau, ça ?Mon seul souci actuellement avec cette question de poids et deculte du corps, c’est que j’ai développé une autre obsession, toujoursliée au poids et au culte du corps… des hommes. Je ne supporte plusla vue d’une bedaine à la fois charnue et poilue. Trop, c’est trop ! Lesmâles enceintes de tonneaux de bière, les membres flasques et lesvergetures aux fesses, c’est plus que je ne saurais supporter. Pensezvousque je sois misandre ? Et alors ? Ce ne serait que justice aprèstant de siècles de misère féminine. Un juste équilibre des choses. â—†

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